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annexée à quelque titre d’honneur, tels que duché, comté, marquisat, &c. Voyez Franc-aleu.

Ces sortes de seigneuries avoient autrefois la puissance des armes & le pouvoir législatif ; les seigneurs qui avoient assez de vassaux pour former une compagnie, levoient banniere & avoient leur bande à-part : ils donnoient aussi à leurs sujets des statuts, coutumes & privileges.

Présentement toutes seigneuries particulieres, autres que les souveraines, n’ont plus de la puissance publique que la justice qui y est annexée en tout droit de propriété. Voyez Justice.

Les seigneuries suzeraines sont de trois sortes ; savoir les grandes, les médiocres & les petites, ou simples seigneuries.

Ces grandes seigneuries, que l’on appelloit toutes anciennement d’un nom commun, baronnies, sont celles qui ont titre de haute dignité, comme les duchés & comtés pairies, les autres duchés & comtés, marquisats, principautés.

Ces grandes seigneuries jouissoient autrefois de presque tous les droits régaliens, comme de faire des lois, d’établir des officiers, de rendre la justice en dernier ressort, de faire la paix & la guerre, de battre monnoie, lever deniers sur le peuple. Les possesseurs de ces seigneuries portoient sur la tête une courone, selon leur dignité. Voyez Couronne, Duc, Comte, Marquis.

Mais depuis que les choses ont été remises dans leur état naturel, les grandes seigneuries ne different des autres que par le titre de dignité qui y est attaché, & par l’étendue de leur justice, mouvances, possessions & droits.

Les médiocres ou moindres, sont celles qui ont un titre de dignité, mais inférieur aux autres, tels que les baronies, vicomtés, vidamés, châtellenies.

Les petites ou simples seigneuries, sont celles qui n’ont que le droit de justice, haute, moyenne ou basse, ou même toutes les trois ensemble, sans aucun titre de dignité.

Les grandes seigneuries suzeraines relevent ordinairement nuement de la seigneurie souveraine ; les médiocres ou moindres, de quelque grande seigneurie ; & les petites ou simples, relevent aussi communément d’une seigneurie du second ordre.

Cependant quoique le souverain puisse seul créer des justices, & ériger des seigneuries proprement dites, une grande seigneurie peut relever d’une autre, & non du roi directement, & ainsi des autres seigneuries.

Ces seigneurs de fiefs peuvent seulement créer des arriere-fiefs ; mais ne peuvent pas créer de seigneurie qui participe à la puissance publique, parce qu’ils ne peuvent pas créer de nouvelles justices, ni d’une justice en faire deux.

Les fiefs & seigneuries étoient autrefois tous indivisibles, ce qui n’est demeuré qu’aux souverainetés & aux grandes seigneuries, telles que les principautés, les duchés & comtés pairies.

A l’égard des autres seigneuries, la glebe peut bien se diviser ; mais le titre de dignité & la justice ne se divisent point.

Anciennement toutes les grandes seigneuries ne tomboient point en quenouille, parce que c’étoient des offices masculins ; présentement les femmes y succedent suivant les regles des fiefs, sauf l’exception pour les duchés-pairies non femelles.

Les médiocres & petites seigneuries étoient inconnues dans l’origine des fiefs ; les vicomtes, prevôts, viguiers, châtelains, vidames, n’étoient que des officiers inférieurs, préposés par les ducs & comtes, lesquels, à l’exemple de ceux-ci, se firent propriétaires de leur office & seigneuries.

Les seigneuries en général peuvent jouir de divers

droits, les uns relatifs au fief, les autres à la justice.

Relativement au fief, elles jouissent des droits & devoirs seigneuriaux, tels que la foi & hommage, & l’aveu & dénombrement pour les fiefs qui en relevent, les déclarations & reconnoissances pour les terres qui en relevent en roture, les droits de quint, relief, lods & ventes, & autres dûs aux mutations.

Relativement à la justice, les seigneuries ont droit de police & de voirie, droit de pêche dans les petites rivieres, droit d’amende & de confiscation, bâtardise, deshérence & autres semblables.

La puissance spirituelle n’est point une seigneurie proprement dite ; mais une seigneurie temporelle peut être jointe à une dignité spirituelle.

Les prélats peuvent avoir deux sortes de justice ; l’une purement ecclésiastique, qui n’est point possedée par droit de seigneurie ; l’autre purement temporelle, qui est tenue en fief.

Les justices appartenantes aux villes ne sont point une marque de seigneurie ; elles ne sont ni royales, ni seigneuriales, mais municipales, c’est-à-dire justices de privileges.

Sur ce qui concerne les seigneuries, voyez les auteurs qui ont traité des fiefs, francs-aleus, justices, principautés, souverainetés ; Loiseau des seigneuries, & les mots Fief, Franc-aleu, Seigneur, &c. (A)

Seigneurie censive ou censuelle. Voyez ci-devant Seigneur censier.

Seigneurie in concreto, est celle qui est formée du concours de la seigneurie publique & de la seigneurie privée, telle qu’une terre seigneuriale, qui consiste tout-à-la-fois en la possession d’héritages tenus noblement & en droit de supériorité sur des héritages que le seigneur ne posséde pas. Voyez Loyseau, des seign. ch. ij. n. 1. & suiv.

Seigneurie directe, est celle qui n’a pas la propriété de la chose, mais seulement la supériorité & la mouvance, soit en fief ou en censive ; elle est opposée à la seigneurie utile.

Seigneurie fonciere ou très-fonciere. Voy. ci-devant Seigneur foncier.

Seigneurie honoraire, est celle qui est érigée par le roi en titre de comté, marquisat ou principauté, quoiqu’elle ne releve pas directement du roi, mais d’un autre seigneur : on appelle ces sortes de seigneuries honoraires, parce que régulierement les grandes seigneuries ne doivent relever que du roi, & que quand elles ne relevent pas, leur titre qui leur est attribué n’est réputé qu’un titre honoraire. Voyez Loiseau, des seigneuries, ch. vj. n. 9.

Seigneurie privée, que quelques-uns appellent simplement sieurie, pour la distinguer de la seigneurie publique, qui est la seule seigneurie proprement dite, est le droit que chaque particulier a dans sa chose, comme le propriétaire sur son héritage, le maître sur son esclave. Voyez Loiseau des seigneuries, ch. j. & les mots Directe, Domaine, Propriété, Seigneurie féodale.

Seigneurie publique, consiste en la supériorité & autorité que quelqu’un a sur les personnes & choses qui lui sont soumises. Elle est appellée publique, parce qu’elle emporte le commandement ou puissance publique. Il n’y a de vraie seigneurie publique que la puissance que donne le droit de justice lorsqu’on le possede en propriété ; car l’officier qui exerce la justice n’a pas la seigneurie, & la seigneurie féodale ou directe n’est proprement qu’une seigneurie privée. Voyez ci-devant Seigneurie directe, Seigneurie féodale, Seigneurie privée. Voyez Loiseau, des seigneuries, ch. j. n. xxvj.

Seigneurie souveraine, est celle à laquelle est attaché le droit de souveraineté, telle que l’empire, un royaume, ou autre moindre seigneurie établie en souveraineté. Il y a aussi des états aristocratiques