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M. Pott observe avec raison que ce ne sont pas seulement les plantes qui naissent au bord de la mer, comme les kalis, mais plusieurs autres dont les extraits & les sels essentiels donnent des indices manifestes de sel marin ; mais cette assertion n’est ni assez positive, ni assez générale, il est sûr, d’après nos propres expériences, qu’un très-grand nombre de plantes contiennent du sel marin parfait, & qu’elles en contiennent abondamment : on en trouve une très-grande quantité dans plusieurs potasses. Voyez Potasse. 5°. Les animaux, car les humeurs, & surtout l’urine de ceux même qui ne mangent point de sel, en contiennent manifestement & assez copieusement. 6°. Enfin l’eau de neige & de pluie.

Il est très-vraissemblable qu’il n’y a dans la nature qu’une source vraie & primitive, qu’une fabrique de ce sel, s’il est permis de s’exprimer ainsi ; que le sel marin passe des végétaux aux animaux qui s’en nourrissent ; des végétaux, des animaux & de leurs excrémens décomposés par la putréfaction aux terres ; des mines de sel gemme à la mer, ou au contraire de la mer aux entrailles de la terre, de la surface de la terre & des mers dans l’atmosphere, &c. mais nous ne toucherons point à cette question, qui est jusqu’à présent peu décidée quant au principal chef, savoir la détermination de la source vraie & primordiale du sel marin, & quant à plusieurs des objets secondaires dont nous venons de faire mention.

Mais ce qui est très-décidé, (& qui est une forte induction en faveur de l’opinion que nous venons de proposer, puisqu’elle porte sur un argument pris de la nature même interne ou chimique de l’objet examiné), c’est que le sel marin retiré des diverses sources que nous venons d’indiquer, n’est qu’un seul & même être chimique. Ainsi une certaine division vulgaire que la routine a consacré dans les petits traités de physique & d’histoire naturelle, du sel dont il s’agit en sel marin, sel de fontaine, & sel gemme ou fossile, marinum, fossile & fontanum ; cette division, dis-je, est absolument nulle & superflue. Aussi, comme le lecteur peut s’en être déja apperçu, les Chimistes ne gardent-ils pas chacun de ces noms pour ces prétendues especes particulieres, mais ils donnent indifféremment le nom de sel marin, qui est devenu générique dans le langage chimique ; & à celui qui provient de la mer & à celui que fournissent les plantes, &c.

La vraie nature du sel marin a été long-tems méconnue des chimistes. Ils ont ignoré la nature de sa base jusqu’en 1736. M. du Hamel démontra alors dans un mémoire imprimé dans le volume de l’académie royale des Sciences pour cette année, que cette base étoit un sel alkali fixe, semblable au natron & au sel alkali fixe de soude. M. Pott qui avoit déja défendu l’ancienne opinion, savoir que la base du sel marin étoit une terre, l’a soutenue encore dans une dissertation sur la base du sel marin, uniquement destinée à combattre la découverte de M. du Hamel dans sa Lithogéognosie, voyez p. 190 de la traduction françoise, & enfin dans les corrections & éclaircissemens donnés par l’auteur pour la premiere partie de cette traduction, & imprimés à la fin de cette premiere partie. Voyez Lithogéognosie, vol. I. p. 427. Mais ce n’est plus à présent un problème chimique, que la nature vraiment saline de la base du sel marin ; c’est au contraire une des connoissances chimiques le plus rigoureusement démontrées. On trouvera le précis de cette démonstration discutée contradictoirement aux objections de M. Pott, dans une note ajoutée au passage de la Lithogéognosie déja cité. Voyez Lithogéognosie, vol. I. p. 190. M. Pott n’a appuyé sa persévérance dans le sentiment opposé que sur un mal entendu & sur une erreur de fait : le mal entendu a consisté en ce qu’en réfutant le sentiment de M. du

Hamel, M. Pott a toujours combattu l’alkali de tartre, tandis que M. du Hamel admettoit un corps très-différent, savoir l’alkali de soude ; & l’erreur en ce que M. Pott a soutenu jusqu’à la fin, que la terre qui sert de base à l’eau-mere du sel marin, étant combinée avec les acides minéraux, produisoit les mêmes sels neutres que lorsqu’on combinoit avec les mêmes acides, la base du vrai sel marin, du sel marin proprement dit. Or cette prétention est directement détruite par les faits. M. Pott avance, par exemple, dans ses corrections & éclaircissemens pour la Lithogéognosie, que la terre de l’eau-mere du sel marin, unie à l’acide vitriolique, donne un sel admirable parfaitement semblable à celui qu’on prépare avec le sel marin. La proposition contraire est exactement vraie : ces deux sels different aussi directement & essentiellement qu’ils puissent différer quant au fait dont il s’agit, c’est-à-dire que celui qui a la terre pour base, est précipité par l’alkali fixe de tartre, & même par la base du sel marin, & que celui qui a la base du sel marin pour base, n’est point précipité par ces alkalis ; & il est exactement dans le cas du sel végétal à base terreuse, dont l’exemple avoit été oppose à M. Pott, & dont il exige qu’on lui démontre la parité ; car de même que, selon les propres paroles de M. Pott, la terre qui a servi de base à ce sel végétal peut en être derechef séparée sous la même forme de terre, de même la terre de l’eau-mere du sel marin qui a servi de base au faux-sel de Glauber, peut en être de-rechef précipitée sous la même forme de terre… Mais il y a encore une raison plus directe ; cette derniere terre, que j’appellerai pourtant volontiers marine, parce que je la crois de la même nature que celle qui est un des principes de l’alkali fixe marin, ce qui ne suffit pas en bonne doctrine chimique, voyez Principes & Végétale, analyse, pour la regarder comme la base du sel marin, cette derniere terre, dis-je, combinée avec l’acide marin ne fait point du sel marin. Toutes les subtilités du système de Stahl sur l’essence des alkalis fixes, sur la quasi-salinité des terres alkalines, sur leur aptitude à s’associer l’acide nécessaire pour se revétir de la nature du vrai sel, ressource que M. Pott a très-doctement employée : toutes ces subtilités, dis-je, ne sauroient tenir contre des faits si positifs ; car il s’agit ici d’une précision logique : la base d’un sel est le corps qui le constitue immédiatement par son union à un acide, ou le corps que l’on sépare immédiatement de cet acide, & non pas l’un des principes de ce corps.

L’autre principe du sel marin, savoir son acide est un être chimique plus anciennement connu. Voyez la partie historique de l’article Chimie. Nous exposerons les propriétés de cette substance dans un article particulier placé à la suite de celui-ci. Nous avons déja renvoyé aux articles Natron & Soude, sel de, pour y chercher la connoissance ultérieure de la base du sel marin. Nous allons dans cet article ne plus le considérer que in concreto, exposer les propriétés du sel marin entier.

Sa saveur est assez connue ; c’est celle qu’on appelle salée par excellence.

Une partie de sel marin se dissout parfaitement dans un peu plus de deux parties & demie d’eau. Ce sel est du petit nombre de ceux qui ne se dissolvent pas en plus grande quantité dans l’eau bouillante, que dans l’eau froide voisine de la congellation ; c’est-à-dire qu’une lessive de sel marin bien saturée & froide, n’en dissout point une plus grande quantité, si on la fait bouillir sur du nouveau sel ; & que réciproquement une lessive de sel marin saturée & bouillante, n’en laisse point échapper par le refroidissement. C’est une suite de cette propriété que le sel marin crystalise dans l’eau qu’on fait évaporer en bouillant, pendant l’ébullition même ; & c’est sur cette propriété qu’est