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Opérations préliminaires. Premiere, il faut avoir les soies teintes. Voyez l’article de la Fabrication des étoffes, & Teinture.

Deuxieme, il faut ourdir les chaînes, ce que nous allons expliquer.

Troisieme, il faut avoir le dessein de l’étoffe qu’on veut fabriquer. Voyez l’article Velours a jardin. Voyez aussi l’article Dessein.

Quatrieme, il faut monter le métier d’après le dessein. Voyez à l’article Velours, la maniere de monter un metier, avec sa description.

Cinquieme, le métier monté, il faut lire le dessein, ce que nous allons expliquer.

Sixieme, il faut fabriquer. Voyez à l’article Velours un exemple de fabrication d’une étoffe très difficile, & aux différens articles de cet Ouvrage pour les autres étoffes.

Cela fait, nous terminerons cet article par différentes observations usitées sur quelques goûts particuliers d’étoffes.

De l’ourdissage des chaînes. Ourdir, c’est distribuer la quantité de fils qui doivent composer la chaîne sur l’ourdissoir.

On prend les 40 fils qui composent la cantre, & après les avoir fait passer chacun dans une boucle de verre, attachée au-dessus de chaque crochet sur lequel la soie est devidée ; on noue tous les fils ensemble, ensuite on les met sur une premiere cheville posée sur une traverse au haut de l’ourdissoir, après quoi on les enverge par l’insertion des doigts. Voyez Enverger. On les met bien envergés, sur deux autres chevilles à quelque distance de la premiere. On passe ensuite tous les fils ensemble sous une tringle de fer bien polie, la moitié de ces mêmes fils étant séparée par une autre tringle également polie, les deux tringles de fer étant attachées au plot de l’ourdissoir, qui au moyen d’une mortaise quarrée, & de la grandeur d’un des quatre montans qui sont arrêtés en-haut & en-bas des deux croisées, dont celle d’en-bas ayant une crapaudine de cuivre dans le milieu, dans laquelle entre le tourillon de l’arbre de l’ourdissoir, lui fournit la liberté de tourner, a la liberté de monter & de descendre ; dans la croisée d’en-haut est passée une broche de fer sur laquelle s’enroule ou se déroule une corde de boyau passée dans une poulie du plot, & arrêtée à un tourniquet posé perpendiculairement à la poulie de ce plot.

Quand l’ouvriere met l’ourdissoir en mouvement, la corde qui se déroule laisse descendre le plot à mesure. Ce plot conduit tous les fils qu’il tient arrêtés entre deux poulies, de même que par la tringle supérieure, sur l’ourdissoir en forme de ligne spirale, jusqu’à ce que le nombre de tours qui indique la quantité d’aunes qu’on veut ourdir soit complet. Ayant le nombre de tours desiré, on prend la demi-portée avec la main droite, & la passant sur une cheville, on la fait passer dessous une seconde & la ramenant par le dessus, on la passe ensuite dessous la premiere, de façon que cette maniere de passer alternativement la demi-portée ou la brassée dessus ou dessous les deux chevilles, forme une espece d’envergure pour les portées seulement, ce qui donne la facilité de les compter. Quand cette opération est achevée, on fait tourner l’ourdissoir dans un autre sens, de façon que la corde du plot s’enroule à mesure, & le fait monter jusqu’à l’endroit où l’on a commencé ; pour lors on enverge de nouveau fil par fil, & on met les fils envergés sur les chevilles où ont été posés les premiers, & faisant passer la brassée sur la premiere, on enverge de nouveau & on descend comme la premiere fois, & on remonte de même, en continuant jusqu’à ce que la quantité de portées qui doivent composer la chaîne soient ourdies.

La piece étant ourdie, on passe des envergures en

bas & en haut ; celles d’en-bas servent à séparer les portées pour les mettre dans un rateau, quand on plie la piece sur l’ensuple de derriere ; l’envergure d’en haut sert à prendre les fils de suite, & de la même façon qu’ils ont été ourdis pour tordre la piece, ou pour la remettre. Les envergures passées & arrêtées, on tire les chevilles d’en-bas, on leve la piece en chaînette, & pour lors on lui donne le nom de chaîne. Voyez Chaîne.

De la lecture du dessein. Lire le dessein, c’est incorporer le dessein dans les cordes du metier. Pour lire un dessein dans la regle, on enverge le semple, observant de commencer l’envergure par la corde qui tire la derniere arcade & la derniere maille de corps. Quand le semple est envergé, on passe deux baguettes un peu fortes dans les 2 envergures, & on les attache ferme sur un chassis fait avec des marches, qui est tourné de côté, afin que la place ordinaire du semple soit libre, pour avoir la liberté de faire les lacs pendant qu’on lira le dessein.

On range ensuite les dixaines dans les coches de l’escalette, par huit cordes. Voyez Escalette. On place le dessein sur les dixaines de l’escalette, dont les grands carreaux du papier, au nombre de 50, contiennent chacun huit lignes perpendiculaires, qui sont autant de cordes. Si le dessein contient six couleurs, l’étoffe sera de six lacs. Pour commencer à lire, la liseuse choisit autant d’embarbes qu’elle range dans ses doigts, qu’il y a de lacs ou de couleurs ; chaque embarbe est destinée pour la même couleur pendant tout le lisage du dessein, & on doit toujours commencer par la même, suivre & finir également.

Le papier réglé ayant autant de lignes transversales ou horisontales, qu’il y en a de perpendiculaires, la liseuse suit la premiere ligne, & chaque couleur qui se trouve sur cette ligne, est prise par l’embarbe qui lui est destinée ; c’est-à-dire que si une couleur occupe sur la ligne transversale 7, 8, 10 cordes perpendiculaires, la liseuse doit retenir autant de cordes du semple, observant de bien prendre sur les mêmes dixaines, & les mêmes cordes pendant la traversée du lisage. Quand elle a fini une ligne, elle en recommence une autre de même ; & quand elle est arrivée à la fin du premier carreau qui porte 10, 11 ou 12 lignes transversales, elle noue ensemble toutes les embarbes auxquelles elle donne le nom de dixaine, & en recommence une autre jusque à ce que le dessein soit fini.

Il faut observer que quoiqu’il y ait plusieurs lacs sur une même ligne, tous les lacs ensemble ne composent qu’un coup ; de façon que si le dessein contient six lacs chaque ligne, & que le carreau ait 12 lignes transversales, il se trouve 72 lacs, qui néanmoins ne composent que 12 coups.

Des desseins répétés. Tous les desseins qui se travaillent aujourd’hui, soit dans l’étoffe riche, soit dans celle qui n’est brochée que soie, ne portent que 40 à 50 dixaines ; ce qui les rend très-courts dans la réduction de l’étoffe ; les fabriquans néanmoins, ont trouvé le moyen de faire paroître le dessein plus long en faisant lire le dessein deux fois, & faisant porter à droite ce qui est à gauche, ou à gauche ce qui est à droite ; la façon de faire le dessein pour des étoffes de ce genre, de même que pour le lire, est différente des autres ; dans ces dernieres, il faut que le dessinateur s’attache seulement à faire en sorte que son dessein finisse comme il a commencé, pour qu’il soit suivi pendant le cours de l’étoffe ; au lieu que dans la nouvelle, il faut que le dessein pour le lire soit renversé après qu’il a été lu à l’ordinaire, pour que la figure qui étoit d’un côté soit portée de l’autre ; or, comme en renversant le dessein il arriveroit que les fleurs, tiges, & autres figures qui composent l’étoffe, supposé qu’elles eussent été lues en montant, ne