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Les premieres & les plus petites parties, comme nous l’avons observé, sont absolument dures ; les autres sont compressibles & unies de telle sorte, qu’étant comprimées par une impulsion extérieure, elles ont une force élastique ou restitutive, au moyen de de laquelle elles se rétablissent d’elles-mêmes dans leur premier état. Voyez Élasticité.

Lors donc qu’un corps en choque un autre, les petites particules par leur force élastique se meuvent avec une grande vîtesse, avec une sorte de tremblement & d’ondulations, comme on l’observe facilement dans les cordes des instrumens de musique, & c’est ce mouvement sonore qui est porté jusqu’à l’oreille ; mais il faut observer que c’est le mouvement insensible de ces particules, qu’on suppose être la cause immédiate du son ; & même parmi celles-là, il n’y a que celles qui sont proches de la surface, qui communiquent avec l’air ; le mouvement du tout ou des parties plus grandes, n’y servant qu’autant qu’il le communique aux autres.

Pour faire l’application de cette théorie, frappez une cloche avec quelque corps dur, vous appercevrez aisément un trémoussement sensible sur la surface qui se répand de lui-même sur le tout, & qui est d’autant plus sensible, que le choc est plus fort. Si on y touche dans quelqu’autre endroit, le tremblement & le son cesse aussi-tôt ; ce tremblement vient sans doute du mouvement des particules insensibles qui changent de situation, & qui sont en si grande quantité & si serrées les unes contre les autres, que nous ne pouvons pas appercevoir leurs mouvemens séparément & distinctement, mais seulement un espece de tremblement ou d’ondulation.

Le corps sonore ayant fait son impression sur l’air contigu, cette impression est continuée de particule en particule, suivant les lois de la pneumatique. Voyez Onde & Ondulation.

Les sons varient à-proportion des moyens qui concourent à leur production ; les différences principales résultent de la figure & de la nature du corps sonore ; de la force, du choc, de la vîtesse, &c. des vibrations qui se suivent ; de l’état & constitution du milieu ; de la disposition, distance, &c. de l’organe ; des obstacles qui se rencontrent entre l’organe, le corps sonore & les corps adjacens. Les différences les plus remarquables des sons, naissent des différens degrés & combinaisons des conditions dont nous venons de parler ; on les distingue en fort & foible, en grave & aigu, long & court.

La vîtesse du son ne differe pas beaucoup, soit qu’il aille suivant ou contre la direction du vent. A la vérité le vent transporte une certaine quantité d’air d’un lieu à un autre, & le son est accéléré tandis que ses vagues se meuvent dans cette partie d’air, lorsque leur direction est la même que celle du vent. Mais comme le son se meut avec beaucoup plus de vîtesse que le vent, l’accélération qu’il en reçoit est peu considérable. En effet, la vîtesse du vent le plus violent que nous connoissions, est à la vîtesse du son comme 1 est à 33 : & tout l’effet que nous appercevons que le vent peut produire, est d’augmenter ou de diminuer la longueur des ondulations ; de sorte qu’au moyen du vent, le son puisse être entendu d’une plus grande distance qu’il ne le seroit autrement.

Que l’air soit le milieu ordinaire du son, c’est ce qui résulte de plusieurs expériences qui ont été faites, soit dans un air condensé, soit dans l’air rarefié. Dans un récipient qui n’est point vuide d’air, une petite sonnette se fait entendre à quelque distance ; mais quand on en a pompé l’air, à-peine l’entend-on tout auprès : si l’air est condensé, le son sera plus fort à-proportion de la condensation ou de la quantité d’air pressé. Nous en avons plusieurs exemples dans les expériences de M. Hauksbée.

Mais l’air n’est pas seul capable des impressions du son, l’eau l’est aussi, comme on le remarque en sonnant une sonnette dans l’eau ; on en distingue pleinement le son : à la vérité il n’est pas si fort & plus bas d’une quarte, au jugement des bons musiciens. Mersene dit qu’un son produit dans l’eau paroît de même, que s’il étoit produit dans l’air & entendu dans l’eau. M. l’abbé Nollet a fait sur les sons entendus dans l’eau, plusieurs expériences curieuses. Mém. académ. 1741.

Le célebre M. Newton a donné à la fin du second livre de ses Principes, une théorie très-ingénieuse & très-savante des vibrations de l’air, & par conséquent de la vîtesse du son. Sa théorie est trop compliquée & trop géométrique pour être rendue ici ; nous nous contenterons de dire qu’il trouve la vîtesse du son par son calcul, à-peu-près la même que l’expérience la donne. Cet endroit des Principes de M. Newton, est peut-être le plus difficile & le plus obscur de tout l’ouvrage. M. Jean Bernoully le fils, dans son Discours sur la propagation de la lumiere, qui a remporté le prix de l’académie des Sciences en 1736, dit qu’il n’oseroit se flater d’entendre cet endroit des Principes. Aussi nous donne-t-il dans la même piece, une méthode plus facile & plus aisée à suivre que celle de M. Newton, & par le moyen de laquelle il arrive à la même formule qu’a donnée ce grand géometre.

Un auteur qui a écrit depuis sur cette matiere, prétend qu’on peut faire contre la théorie de MM. Newton & Bernoully, une objection considérable ; savoir, que ces deux auteurs supposent que le son se transmet par des fibres longitudinales vibrantes, qui se forment successivement, & qui sont toujours égales entr’elles ; or cette hyppothèse n’est point démontrée, & ne paroît point même appuyée sur des preuves solides. Le même auteur prétend que dans cette hyppothèse, M. Bernoully auroit dû trouver la vîtesse du son, double de ce qu’il l’a trouvée, & de ce qu’elle est réellement. M. Euler dans sa Dissertation sur le feu, qui a partagé le prix de l’académie en 1738, a donné aussi une formule pour la vîtesse du son ; elle est différente de celle de M. Newton, & l’auteur n’indique point le chemin qui l’y a conduit.

Voici en général de quelle maniere se font les expériences pour mesurer la vîtesse du son. On sait par la mesure actuelle, la distance d’un lieu A, à un autre B. Un spectateur placé en B, voit la lumiere d’un canon qu’on tire au lieu A, & comme le mouvement de la lumiere est presque instantané à de si petites distances, le spectateur B compte combien il s’écoule de secondes depuis le moment où il voit la lumiere du canon, jusqu’à ce qu’il en entende le bruit. Divisant ensuite l’espace qui est entre les lieux A & B, par le nombre de secondes trouvé, il a le nombre de toises que le son parcourt en une seconde.

Le son se transmet en ligne droite ; mais il se transmet aussi en tout sens, & suivant toutes sortes de directions à la fois, quoiqu’avec moins de vîtesse. Cela vient de ce que le son se transmet par un fluide, & que les pressions dans un fluide, se propagent en tout sens ; la lumiere au contraire, ne se propage jamais qu’en ligne droite : c’est ce qui donne lieu de croire qu’elle n’est point causée par la pression d’un fluide. Sur la réflexion du son, voyez Echo & Cabinet secret. (O)

La vîtesse du son est différente, suivant les différens auteurs qui la déterminent. Il parcourt l’espace de 968 piés en une minute suivant M. Isaac Newton : 1300 suivant M. Robert : 1200 suivant M. Boyle : 1338 suivant le docteur Walker : 1474 suivant Mersenne : 1142 suivant M. Flamsteed & le docteur Halley : 1148 suivant l’académie de Florence, & 1172 piés suivant les anciennes expériences de l’académie