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des Sciences de Paris. M. Derham prétend que la cause de cette variété vient en partie de ce qu’il n’y avoit pas une distance suffisante, entre le corps sonore & le lieu de l’observation, & en partie de ce que l’on n’avoit pas eu égard aux vents.

M. Derham propose quelques-unes des plus considérables questions relatives aux lois du son, & répond à chacun avec exactitude, par les expériences qu’il a faites lui-même sur cette matiere.

Son, en Musique ; quand l’agitation communiquée à l’air par un corps violemment frappé parvient jusqu’à notre oreille, elle y produit une sensation qu’on appelle bruit. Mais il y a une espece de bruit permanent & appréciable qu’on appelle son.

La nature du son est l’objet des recherches du physicien ; le musicien l’examine seulement par ses modifications, & c’est selon cette derniere idée que nous l’envisageons dans cet article.

Il y a trois choses à considerer dans le son : 1, le degré d’élevation entre le grave & l’aigu : 2, celui de véhémence entre le fort & le foible : 3, & la qualité du timbre qui est encore susceptible de comparaison du sourd à l’éclatant, ou de l’aigu au doux.

Je suppose d’abord que le véhicule du son n’est autre chose que l’air même. Premierement, parce que l’air est le seul corps intermédiaire de l’existence duquel on soit parfaitement assuré, entre le corps sonore & l’organe auditif, qu’il ne faut pas multiplier les êtres sans nécessité, & que l’air suffit pour expliquer la formation du son ; & de plus, parce que l’expérience nous apprend qu’un corps sonore ne rend pas de son dans un lieu exactement privé d’air. Si l’on veut absolument imaginer un autre fluide, on peut aisément lui appliquer tout ce que nous avons à dire de l’air dans cet article.

La permanence du son ne peut naître que de la durée de l’agitation de l’air. Tant que cette agitation dure, l’air vient sans cesse frapper l’organe de l’ouie, & prolonge ainsi la perception du son : mais il n’y a point de maniere plus simple de concevoir cette durée, qu’en supposant dans l’air des vibrations qui se succédent, & qui renouvellent ainsi à chaque instant la sensation du son. De plus, cette agitation de l’air, de quelque espece qu’elle soit, ne peut être produite que par une émotion semblable dans les parties du corps sonore. Or c’est un fait certain que les parties du corps sonore éprouvent de telles vibrations. Si l’on touche le corps d’un violoncelle dans le tems qu’on en tire du son, on le sent frémir sous la main, & l’on voit bien sensiblement durer les vibrations de la corde jusqu’à ce que le son s’éteigne. Il en est de même d’une cloche qu’on fait sonner en la frappant du batant ; on la sent, on la voit même frémir, & l’on voit sautiller les grains de sable qu’on jette sur sa surface. Si la corde se détend ou que la cloche se fende, plus de frémissement, plus de son. Si donc cette cloche ni cette corde ne peuvent communiquer à l’air que les mouvemens qu’elles éprouvent elles-mêmes, on ne sauroit douter que le son étant produit par les vibrations du corps sonore, il ne soit propagé par des vibrations semblables, que le même instrument communique à l’air. Tout cela supposé, examinons ce qui constitue le rapport des sons du grave à l’aigu.

Théon de Smyrne témoigne que Lasus, de même que le pythagoricien Hypase de Métapont, pour calculer au juste les rapports des consonances, s’étoient servi de deux vases semblables & resonnans à l’unisson ; que laissant vuide l’un des deux, & remplissant l’autre jusqu’au quart, la percussion de l’un & de l’autre avoit fait entendre la consonance de la quarte ; que remplissant ensuite le second jusqu’au tiers, jusqu’à la moitié, la percussion des deux avoit pro-

duit la consonance de la quinte, puis celle de l’octave.

Pythagore, au rapport de Nicomaque & de Censorin, s’y étoit pris d’une autre maniere pour calculer les mêmes rapports. Il suspendit, disent-ils, différens poids aux mêmes cordes, & détermina les rapports des sons sur ceux qu’il trouva entre les poids tendans ; mais les calculs de Pythagore sont trop justes pour avoir été faits de cette maniere, puisque chacun sait aujourd’hui sur les expériences de Vincent Galilée, que les sons sont entr’eux, non comme les poids tendans, mais en raison sous-double de ces mêmes poids.

Enfin on inventa le monocorde, appellé par les anciens canon harmonicus, parce qu’il donnoit la régle de toutes les divisions harmoniques. Il faut en expliquer le principe.

Deux cordes de même métal, de grosseur égale, & également tendues, forment un unisson parfait, si elles sont aussi égales en longueur : si les longueurs sont inégales, la plus courte donnera un son plus aigu. Il est certain aussi qu’elle fera plus de vibrations dans un tems donné ; d’où l’on conclud que la différence des sons du grave à l’aigu, ne procede que de celle du nombre des vibrations faites dans un même espace de tems, par les cordes ou instrumens sonores qui les font entendre ; & comme il est impossible d’estimer d’une autre maniere les rapports de ces mêmes sons, on les exprime par ceux des vibrations qui les produisent.

On sait encore, par des expériences non moins certaines, que les vibrations des cordes, toutes choses d’ailleurs égales, sont toujours réciproques aux longueurs. Ainsi, une corde double d’une autre, ne fera dans le même tems que la moitié du nombre de vibrations de celle-ci, & le rapport des sons qu’elles rendront s’appelle octave. Si les cordes sont comme 2 & 3, les vibrations seront comme 3 & 2, & le rapport des sons s’appellera quinte, &c. Voyez au mot Intervalles.

On voit par-là, qu’il est aisé avec des chevalets mobiles, de former sur une seule corde des divisions qui donnent des sons dans tous les rapports possibles entre eux, & avec la corde entiere ; c’est le monocorde, dont je viens de parler. Voyez son article.

On peut rendre des sons graves ou aigus par d’autres moyens. Deux cordes de longueur égales ne forment pas toujours l’unisson ; car si l’une est plus grosse ou moins tendue que l’autre, elle fera moins de vibrations en tems égaux, & conséquemment le son en sera plus grave. Voyez Cordes.

C’est sur ces deux régles combinées que sont fondés, la construction des instrumens à corde tels que le clavessin, & le jeu des violons & basses, qui, par un perpétuel & différent accourcissement des cordes sous les doigts, produit cette prodigieuse diversité de sons qu’on admire dans ces instrumens. Il faut raisonner de même pour les instrumens à vent. Les plus longs forment des sons plus graves si le vent est égal. Les trous, comme dans les flûtes & haubois, servent à les raccourcir pour faire des sons plus aigus. En donnant plus de vent on les fait octavier, & les sons deviennent plus aigus encore. Voyez les mots Orgue, Flute, Octavier, &c.

Si l’on racle une des plus grosses cordes d’une viole ou d’un violoncelle : ce qui se doit faire plutôt avec douceur qu’avec force, & un peu plus près du chevalet qu’à l’ordinaire ; en prétant une attention suffisante, une oreille exercée entendra distinctement, outre le son de la corde entiere, au-moins celui de son octave, de l’octave de sa quinte, & la double octave de sa tierce : on verra même frémir, & on entendra résonner toutes les cordes montées à l’unisson de ces sons-là. Ces sons accessoires accompagnent toujours un son principal quelconque : mais quand ce son est aigu, ils y sont moins sensibles. On appelle