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ques-uns de ses sectateurs croient que chaque élément est rempli d’un certain nombre d’esprits, que les astres sont la demeure des salamandres, l’air celle des sylphes, l’eau celle des nymphes, & la terre celle des pigmées.

La quatrieme opinion regarde comme des spectres les exhalaisons des corps qui pourrissent. Les partisans de cette hypothese croient que ces exhalaisons rendues plus épaisses par l’air de la nuit, peuvent représenter la figure d’un homme mort. C’est la philosophie de Cardan & d’autres : elle n’est pas nouvelle. On en trouve des traces dans les anciens, & sur-tout dans la troade de Séneque.

Enfin la cinquieme opinion donne pour cause des spectres des opérations diaboliques. Ceux-ci supposent la vérité des apparitions comme un fait historique, dont on ne peut point douter ; mais ils croient que c’est l’ouvrage du démon qui se formant un corps de l’air, s’en sert pour ses différens desseins. Ils soutiennent que c’est la maniere la plus convenable, & la moins embarrassante pour expliquer les apparitions.

Nonobstant le grand nombre de ceux qui croient les spectres & qui cherchent à expliquer leur possibilité, il y a eu de tout tems des philosophes qui ont osé nier leur existence. On en peut faire trois classes. On peut mettre dans la premiere ceux qui n’admettent aucune différence entre le corps & l’esprit, comme Spinosa, qui soutenant qu’il n’y a qu’une seule substance, ne peut point admettre des spectres. On peut mettre dans la seconde classe ceux qui paroissent croire l’existence du diable, mais qui lui ôtent tout pouvoir sur la terre. La troisieme classe comprend ceux qui admettent le pouvoir du diable sur la terre, mais qui nient qu’il puisse prendre un corps.

Spectres, les, s. m. pl. (Conchyliolog.) en latin concha spectrorum, en anglois the spectre-shell ; les auteurs appellent ainsi une volute singuliere de la classe de celles qui ont le sommet élevé. Voyez Volutes.

Ce nom lui vient de figures bisarres & frappantes dont elle est chargée. Ces figures sont rougeâtres sur un fond blanc, ce qui les fait paroître plus effrayantes. Elles forment deux grandes & larges fascies qui environnent toute la volute depuis le sommet jusqu’au bas, & entre ces fascies regnent des cordons assez réguliers de taches & de différens points. Cette coquille est rare, & se vend ordinairement fort cher. (D. J.)

Spectre coloré, (Optique.) est le nom que l’on donne à l’image oblongue & colorée du soleil, formée par le prisme dans une chambre obscure. Voyez Couleur & Prisme.

SPÉCULAIRE, pierre, (Hist. nat.) nom donné par quelques naturalistes à une pierre gypseuse ou pierre à plâtre, qui est composée de feuillets brillans comme ceux du talc ; on l’appelle aussi miroir des ânes. Elle est ou blanche, ou jaunâtre, ou de couleur d’iris. Il s’en trouve beaucoup à Montmartre.

SPECULARIA, (Antiq. rom.) on nommoit ainsi l’espece de vitrage faite de pierres spéculaires, & qu’on employoit aux fenêtres avant que le verre fût d’usage. (D. J.)

SPÉCULATIF, adj. (Phil.) on appelle ainsi les connoissances qui se bornent à la spéculation des vérités, & qui n’ont point la pratique pour objet. Voyez Pratique.

SPÉCULATION, s. f. (Gram.) examen profond & réfléchi de la nature & des qualités d’une chose. Ce mot s’oppose à pratique. La spéculation recherche ce que c’est que l’objet ; la pratique agit. Ainsi l’on peut dire que la philosophie, la vertu, la religion, la morale, ne sont pas des sciences de pure spéculation. Celui qui n’en a que la spéculation, n’est que le fantôme

d’un philosophe, d’un homme vertueux, religieux, moraliste. La physique a ses spéculations, qu’il faut mettre à l’épreuve de l’expérience ; que seroit-ce que les mathématiques sans les problèmes d’utilité, auxquelles on arrive par la démonstration de ses propositions spéculatives ? Les théorèmes sont la partie de spéculation. Les problèmes sont la partie de pratique.

Spéculation, terme de marchand d’étoffes, sorte d’étoffe non-croisée qui se fabrique pour l’ordinaire à Paris, dont la chaîne est de soie cuite ou teinte, & la trème de fil blanc de Cologne, ou de fil de coton blan. Sa largeur est communément de demi-aune, moins un seize, mesure de Paris. Il s’en fait de moirée & de non-moirée de différentes couleurs. Savary. (D. J.)

SPECULUM, terme de Chirurgie, nom qu’on a donné à différens instrumens qui dilatent des cavités. Ce mot est latin, & signifie miroir. On s’en est servi pour les instrumens qui font voir ce qui se trouve contre nature dans les cavités qu’ils tiennent ouvertes.

Speculum ani, est un instrument dont on se sert pour écarter le fondement, examiner le mal, tirer des os, & enlever toute matiere qui peut s’y être fixée. Voyez Dilatatoire.

Speculum matricis, est un instrument dont on se sert pour examiner & panser les endroits qui se trouvent viciés dans les parties secretes des femmes. Il a la même forme que le speculum ani. Voyez Dilatatoire.

Speculum oris, est un instrument qui sert à examiner les maux de bouche. Il y en a de deux sortes. L’un sert à contenir la langue afin de voir plus aisément le fond de la bouche. Voyez Glossocatoche. L’autre est un instrument qui sert à ouvrir & dilater la bouche par force, afin de faire prendre au malade du bouillon ou des remedes liquides.

Cet instrument est composé de deux colonnes cylindriques, hautes pour le moins de trois pouces, paralleles entr’elles, distantes l’une de l’autre d’un pouce & demi, posées sur un piédestal, dont la base est percée perpendiculairement en écrou. Au haut des colonnes sont situées horisontalement deux plaques d’acier de figure pyramidale tronquée, c’est-à-dire, qu’elles sont plus larges du côté des colonnes que vers leur pointe. L’inférieure est mobile, la supérieure est fixe. Elles ont extérieurement quatre entaillures formées par autant de biseaux pour les empêcher de glisser quand elles sont entre les dents. La plaque inférieure a trois trous. Ceux des côtes servent à loger les colonnes sur lesquelles elle glisse ; celui du milieu reçoit la soie d’une vis à double pas, qui passe par l’écrou du piédestal, & dont l’extrémité inférieure est terminée en trefle pour le tourner. Quand on tourne cette vis, dont le sommet est un chaperon ou tête demi-sphérique, au-dessus de la plaque mobile ; cette plaque s’éloigne plus ou moins de celle qui est fixe, en se baissant ou se haussant comme on veut, & fait par conséquent ouvrir la bouche autant qu’il est nécessaire. Voyez la fig. 11. Pl. XXVI. On trouve dans le traité d’instrumens de M. de Garengeot, une description beaucoup plus ample de cet instrument.

M. Levret a fait graver, dans son traité des polypes, un speculum oris de son invention. Pour opérer aisément dans le fond de la bouche, soit par la ligature des polypes du nez qui s’étendent derriere le voile du palais, soit pour amputer les amygdales extraordinairement tuméfiées, il faut se rendre maître du mouvement de la mâchoire inférieure & de la langue. Les divers speculum oris ne remplissent que fort imparfaitement ces intentions ; ils gênent beaucoup l’opérateur, & dans quelques cas ils empêchent