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l’épilepsie. Ce remede est peu usité ; & il n’a que les qualités communes des esprits alkalis volatils, huileux. On pourroit pourtant le donner à la dose moyenne d’un gros, dans une liqueur appropriée.

L’huile distillée de tartre est rarement employée, même dans l’usage extérieur, & cela à cause de sa puanteur, qu’on peut lui enlever, il est vrai, en très grande partie en la rectifiant à l’eau ; mais comme cette huile n’a que les vertus communes des huiles empireumatiques traitées de la même maniere ; il est très-peu important de préparer celle-ci par préférence pour l’usage médicinal. Voyez Alkali volatil sous le mot générique Sel, & Huile empireumatique sous le mot Huile.

Les Chimistes employent le tartre crud, rouge & blanc, comme fondant simple, & comme fondant réductif, dans la métallurgie ; mêlé à parties égales de nitre & brûlé, fait l’alkali fixe extemporaneum, il s’appelle encore flux blanc, avec demi-partie de nitre flux noir, voyez Flux docismatique, il entre dans le régule d’antimoine ordinaire, dans la teinture de mars, dans les boules de mars, dans le tartre chalibé dans le lilium de Paracelse, & dans le sirop de roses pâles, composé du codex, &c.

Voici la maniere dont on prépare, l’on dépure & on blanchit la crême ou le crystal de tartre. La description de cette opération est tirée d’un mémoire de M. Fizes, qui est imprimé dans le volume de l’académie royale des Sciences pour l’année 1725.

Je ferai observer auparavant, que les fabriques de crystal de tartre se sont fort multipliées depuis la publication du mémoire de M. Fizes ; nous en avons à Montpellier, il y en a du côté d’Uzès, à Bedarieux, &c. On m’assure qu’il y en a en Italie, dans le duché de Florence. M. Fizes a composé son mémoire d’après celles qui étoient établies, à Aniane & à Calvisson.

« Les instrumens qui servent pour faire le crystal de tartre sont ; 1°. une grande chaudiere de cuivre appellée boulidou, qui tient environ quatre cens pots de la mesure du pays ; elle est enchâssée toute entiere dans un fourneau.

» 2°. Une cuve de pierre plus grande que la chaudiere, & placée à son côté à deux piés de distance.

» 3°. Vingt-sept terrines vernissées, qui toutes ensemble tiennent un peu plus que la chaudiere ; ces terrines sont rangées en trois lignes paralleles, neuf sur chaque ligne ; la premiere rangée est à 3 ou 4 piés de la chaudiere & de la cuve, les deux autres sont entr’elles à une petite distance, comme d’un pié.

» 4°. Neuf manches ou chausses d’un drap grossier appellé cordelat ; ces manches aussi larges par le bas que par le haut, ont environ 2 piés de longueur sur neuf pouces de largeur.

» 5°. Quatre chauderons de cuivre qui tous ensemble tiennent autant que la chaudiere, ils sont à-peu-près égaux, & d’environ cent pots chacun ; ils sont placés sur des appuis de maçonnerie éloignés du fourneau.

» 6°. Un moulin à meule verticale pour mettre le tartre crud en poudre. Il y a encore quelques autres instrumens de moindre conséquence, dont il sera fait mention dans la suite de ce mémoire.

» L’on commence à travailler vers les deux à trois heures du matin, en faisant du feu sous la chaudiere que l’on a remplie la veille de deux tiers de l’eau qui a servi aux cuites du tartre de ce même jour, & d’un tiers d’eau de fontaine. Lorsque l’eau commence à bouillir, on y jette trente livres de tartre en poudre ; & un quart-d’heure après, on verse avec un vaisseau de terre la liqueur bouillante dans les neuf manches, qui sont suspendues à une perche placée horisontalement sur trois

fourches de bois de trois piés & demi de haut. Les neuf premieres terrines qui se trouvent sous ces manches étant presque pleines, on les retire, & on place successivement sous ces manches les autres terrines.

» Dans l’espace de moins d’une demi-heure ; & l’eau filtrée étant encore fumante dans ces terrines, on voit des crystaux se former sur la surface, il s’en forme aussi dans le même tems contre les parois & aux fonds des terrines.

» Pendant que les crystaux se forment ainsi, les ouvriers, sans perdre de tems, versent dans la chaudiere l’eau qui a été retirée des quatre chauderons, où s’est achevé le jour précédent le crystal de tartre ; & quand elle commence à bouillir, on y jette trente livres de tartre crud en poudre : cependant l’on verse par inclination l’eau des vingt-sept terrines dans la cuve de pierre, ayant eu soin avant de la verser de remuer avec la main la surface de cette eau, afin d’en faire précipiter sur le champ les crystaux au fond de la terrine. Après que ces terrines ont été vuidées, on y voit les crystaux attachés au fond & aux côtés ; pour-lors le tartre se trouvant avoir bouilli un quart-d’heure, on filtre comme auparavant la liqueur bouillante dans les mêmes vingt-sept terrines chargées des crystaux précédens ; & pendant que cette liqueur se refroidit & qu’il se forme de nouveaux crystaux, on fait, sans perdre de tems, passer l’eau de la cuve dans la chaudiere, en la versant avec un vaisseau de terre ; & lorsqu’elle commence à bouillir, on y jette la même quantité de tartre crud en poudre qu’aux deux autres cuites. On filtre ensuite dans les mêmes terrines dont on vient de vuider l’eau dans la cuve, & qui sont chargées de plus en plus de crystaux : en un mot, on fait dans la journée successivement cinq cuites & cinq filtrations semblables, en se servant pour les trois dernieres cuites, de l’eau qu’on a versée des terrines dans la cuve.

» Il s’employe environ deux heures & demie à chaque cuite, y comprenant la filtration qui la suit & qui se fait en peu de tems, ensorte que la cinquieme cuite finit vers les trois heures du soir. On laisse alors refroidir les terrines pendant deux heures ; & après en avoir versé l’eau dans la cuve, on les trouve fort chargées de crystaux, que les ouvriers appellent pâtes. Quand ils ont versé l’eau des terrines dans la cuve, ils ont laissé ces pâtes avec assez d’humidité pour pouvoir les détacher plus commodément avec une racloire de fer ; & les ayant ainsi ramassées, ils en remplissent quatre terrines, où ils les laissent rasseoir un quart-d’heure pour que l’eau qui surnage s’en sépare, afin de pouvoir la verser dans la cuve. Ces pâtes paroissent pour-lors grasses, rousses, & pleines de crystaux blanchâtres : on lave par trois fois avec de l’eau de fontaine dans ces mêmes terrines ces pâtes, les y agitant avec les mains, & les retournant plusieurs fois les unes sur les autres, l’eau qui a servi à la premiere de ces lotions que l’on verse après est très-foncée, celle de la deuxieme est roussâtre, & celle de la troisieme un peu trouble ; enfin les pâtes deviennent d’un blanc tirant sur le roux.

» L’on remarquera ici, 1°. qu’après chaque filtration qui suit la cuite, on nettoie les manches ; 2°. que les eaux que l’on verse par inclination des terrines dans la cuve après la formation des crystaux, sont d’un roux foncé & d’un goût aigrelet ; 3°. qu’après la derniere cuite l’on retire de la cuve l’eau du dessus, dont on emplit les deux tiers de la chaudiere pour servir avec un tiers d’eau de fontaine à la premiere cuite qui doit se faire le lendemain matin, comme on l’a dit au commence-