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& de l’antispasmodique ; & de toutes celles-là, il paroît par la propriété dominante connue des remedes auxquels on a donné le titre de tempérant, ou sédatif, que c’est la vertu rafraîchissante à laquelle elle est le plus analogue.

Ces remedes sont les acides, le nitre, & le sel sédatif que M. Baron qui a plus travaillé sur ce sel qu’aucun autre chimiste, croit ne devoir sa vertu sédative qu’à un principe acide : sur quoi on peut observer que si ce principe acide n’est pas bien démontré, la vertu sédative du sel sédatif est moins démontrée encore.

Quant à la qualité tempérante du nitre, elle paroît un peu plus constatée ; mais malgré l’autorité de Sthal, & les éloges qu’il donne au nitre (voyez Nitre), ni ses effets le plus clairement annoncés, ni ses effets assurément moins bien définis par cette qualification de tempérant, ne sont encore des choses reconnues en médecine sans contradiction. (b)

TEMPÉRANCE, s. f. (Morale.) la tempérance dans un sens général, est une sage modération qui retient dans de justes bornes nos desirs, nos sentimens, & nos passions ; cette vertu si rare, porte les hommes à se passer du superflu. Le sage dédaigne les moyens pénibles que l’art a inventés pour se procurer l’aise, & ce qu’on nomme faussement le plaisir ; il se contente de la simplicité naturelle des choses : modéré dans la jouissance de ces mêmes objets, son cœur n’est point agité par la convoitise, temperat à luxuria rerum.

Mais nous prendrons ici la tempérance dans une signification plus limitée, pour une vertu qui met un frein à nos appétits corporels, & qui les contenant dans un milieu également éloigné de deux excès opposés, les rend non-seulement innocens, mais utiles, & louables.

Parmi les vices que réprime la tempérance, les principaux sont l’incontinence & la gourmandise, voyez ces deux mots. S’il est d’autres vices contraires à la tempérance, ils émanent de l’une ou de l’autre de ces deux sources, & par conséquent ces deux branches sont la chasteté & la sobriété.

On ne doit pas confondre, comme on le fait souvent, la continence avec la chasteté ; l’abus des termes entraîne avec soi la confusion des idées ; comme on peut être chaste sans s’astreindre à la continence, tel aussi s’en fait une loi, qui pour cela n’est pas chaste. La pensée toute seule peut souiller la chasteté ; elle ne suffit pas pour enfreindre la continence ; tous les hommes sans distinction de tems, d’âge, de sexe, & de qualités, sont obligés d’être chastes, mais aucuns ne sont obligés d’être continens.

La continence consiste à s’abstenir des plaisirs de l’amour ; la chasteté à ne jouir de ces plaisirs, qu’autant que la loi naturelle le permet. La continence, quoique volontaire, n’est point estimable par elle-même, & ne le devient qu’autant qu’elle importe accidentellement à la pratique de quelque vertu, ou à l’exécution de quelque dessein généreux : hors de ces cas, elle mérite souvent plus de blâme que d’éloges.

Quiconque est conformé de maniere à pouvoir procréer son semblable, a droit de le faire ; c’est le droit ou la voix de la nature ; & cette voix mérite plus d’égard que les institutions humaines, qui semblent la contrarier. Je ne sais point de raison qui oblige à une continence perpétuelle ; il en est tout au plus qui la rendent nécessaire pour un tems ; mais c’en est assez sur cet article.

Quant aux autres appétits sensuels opposés à la tempérance, je n’apporterai que la seule réflexion de M. J. J. Rousseau, sur le peu de sagesse qu’il y a de s’y livrer. « Puisque la vie est courte, dit-il, c’est une raison de dispenser avec économie sa durée,

afin d’en tirer le meilleur parti qu’il est possible. Si un jour de satiété nous ôte un an de jouissance, c’est une mauvaise philosophie d’aller jusqu’où le desir nous mene, sans considérer si nous ne serons point plutôt au bout de nos facultés que de notre carriere, & si notre cœur épuisé ne mourra point avant nous. Il arrive que ces vulgaires épicuriens toujours ennuyés au sein des plaisirs, n’en goûtent réellement aucun. Ils prodiguent le tems qu’ils pensent économiser, & se ruinent comme les avares, pour ne savoir rien perdre à propos ». (D. J.)

TEMPÉRATURE, voyez Tempérament.

Température, Tempérament, Intempérie, (Langue franç.) le premier se dit de l’air, & le second de la constitution naturelle des hommes ; mais intempérie se dit de l’air & des humeurs.

Tempérament se dit encore en agriculture des terres, & figurément en morale, d’un adoucissement, d’un milieu qu’on cherche, ou qu’on trouve en affaires, pour accorder des parties. (D. J.)

TEMPÉRE, adj. (Géog.) zones tempérées, sont les deux zones qui sont entre la zone torride & la zone froide ; l’une dans l’hémisphere septentrional, l’autre dans l’hémisphere méridional. On les appelle tempérées, parce que la chaleur y est beaucoup moindre que dans la zone torride, & le froid moindre que dans les zones froides. Les habitans de ces zones participent d’autant plus de la chaleur ou du froid, qu’ils sont plus près de la zone tempérée ou de la zone froide, & le climat que nous habitons, est peut-être à cet égard le plus doux & le plus tempéré qui soit sur la terre. (O)

TEMPÊTE, s. f. (Phys.) agitation violente de l’air avec de la pluie ou sans pluie, ou avec de la grêle, de la neige, &c. Voyez Vent, Ouragan, &c.

Il y a des endroits dans la mer plus sujets que d’autres aux tempêtes ; par exemple, vers la partie septentrionale de l’équateur, entre le quatrieme & le dixieme degré de latitude, & entre les méridiens qui s’étendent au-delà des îles hespérides. On a toujours entre les mois d’Avril & de Septembre, du tonnerre, des éclairs, des ouragans, des ondées, &c. qui se succedent fort vîte les uns aux autres ; il fait aussi souvent des tempêtes proche les côtes d’Angola. Mussch. essai de Physique. (O)

Tempête, (Mythol.) les Romains avoient déifié la Tempête ou les tempêtes ; elle avoit un temple à Rome, Ovide, dans le VI. liv. des Fastes :

Te quoque Tempestas, meritam delubra fatemur,
Cum penè est Corsis obruta classis aquis.

« Nous avouons que la Tempête a mérité des temples quand notre flotte fut presque submergée près de Corse ». Cela arriva l’an de Rome 494 : lorsque le vieux Scipion qui étoit alors consul, prit Corse, ses vaisseaux furent en grand danger ; c’est pourquoi il voua un temple à la Tempête dans le premier quartier de Rome ; c’est ce qu’il est facile de justifier par un monument de ce tems-là, que Gassendi rapporte dans la vie de M. de Peiresk.

On ne sera pas fâché de le lire ici ; car c’est une chose assez curieuse de voir de quelle maniere les premiers latins écrivoient leur langue. Honc. Oino. Ploirume. consentiont. R. Duonoro. Optimo. Fuisse. Viro. Luciom. Scipione. filios. Barbati. Consol. Censor, Aidilis, Hic Fuct. A. Hic cepit. Corsica. Alteriaque Urbe dedet. tempestatibus. Aide Mereto.

Voici comment on l’écriroit aujourd’hui, Hunc unum plurimi consentiunt Romani bonorum optimum fuisse virum Scipionem, filius Barbati, consul, censor, ædilis, hic fuit, autem hic cepit Corsicam, Alteriam que urbem, dedit tempestatibus ædem meritò, « c’est-à-dire, la plûpart des Romains tombent d’accord,