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ces & les mouvemens des astres ; nous ne pourrions point prédire leurs éclipses, &c. On peut donc dire sans exagération, que la trigonométrie est un art par lequel une infinité de choses naturellement cachées, & hors de la portée des hommes, ont été manifestées à leur intelligence : quiconque l’ignore ne peut faire aucun progrès dans les mathématiques mixtes, & se trouve arrêté à tout moment dans la physique.

La trigonométrie, ou la résolution des triangles, est fondée sur la proportion mutuelle qui est entre les côtés & les angles d’un triangle, cette proportion se détermine par le rapport qui regne entre le rayon d’un cercle, & certaines lignes que l’on appelle cordes, sinus, tangentes, & sécantes. Voyez Sinus, Tangente, & Sécante.

On observera que tous les problèmes trigonométriques peuvent se résoudre par le seul secours des triangles semblables, sans employer les sinus ou leurs logarithmes ; mais cette méthode, quoique rigoureusement démontrée à l’esprit, n’est pas aussi savante, ni aussi sure, & aussi expéditive dans la pratique, que celle des sinus : on a même fait voir dans les institutions de géométrie, qui se vendent chez de Bure l’aîné, à Paris, que l’on pouvoit, sans faire usage des sinus, ni même des triangles semblables, déterminer les distances inaccessibles, horisontales, élevées au-dessus de l’horison, ou inclinées au-dessous ; trouver la valeur d’un angle inaccessible ; mener une parallele à une ligne inaccessible, &c. & cela avec la simple connoissance de ces deux propositions ; les trois angles d’un triangle, pris ensemble, sont égaux à la somme de deux angles droits ; & dans un triangle, les angles égaux sont opposés à des côtés égaux ; de sorte qu’en deux jours de géométrie l’on peut se mettre en état d’entendre toute la théorie de la trigonométrie rectiligne, ce qui est d’un assez long détail par les autres méthodes : on remarquera aussi dans ces institutions, que tous les problèmes de la trigonométrie, qui emploient les sinus, peuvent se résoudre par cette proposition unique : les sinus des angles sont entre eux comme les côtés opposés à ces angles.

Le rapport des sinus & des tangentes au rayon, est quelquefois exprimé en nombres naturels, & forme alors ce qu’on appelle la table des sinus naturels, tangentes, &c.

Quelquefois aussi il est exprimé en logarithmes, & en ce cas c’est ce qu’on appelle la table des sinus artificiels ou logarithmiques, &c. Voyez Table.

Enfin ce rapport est aussi exprimé par des parties prises sur une échelle, qu’on appelle alors la ligne des sinus des tangentes, &c. Voy. Ligne & Echelle.

La trigonométrie est divisée en trigonométrie rectiligne, & en trigonométrie sphérique. La premiere ne regarde que les triangles rectilignes ; la seconde considere les triangles sphériques.

La trigonométrie rectiligne est d’un usage continuel dans la navigation, l’arpentage, la géodésie, & autres opérations géométriques. Voyez Mesure, Arpentage, Navigation, &c.

La trigonométrie sphérique est plus savante ; elle est d’usage principalement dans l’astronomie, & les arts ou les sciences qui en dépendent, comme la géographie & la gnomonique. Elle passe pour être extrèmement difficile, à cause du grand nombre de cas qui la compliquent ; mais M. Wolf en a écarté les plus grandes difficultés. Cet auteur ne s’est pas contenté de faire voir que tous les cas des triangles peuvent être résolus par les méthodes ordinaires, en employant les regles des sinus & des tangentes ; mais il a donné une regle générale, par laquelle tous les problèmes des triangles rectilignes & sphériques sont résolus ; il enseigne même à résoudre les triangles obliquangles avec autant de facilité que les autres. On trouvera sa méthode au mot Triangle.

La trigonométrie rectiligne est l’art de trouver toutes les parties d’un triangle rectiligne, par le moyen de quelques-unes de ces parties que l’on suppose données.

Le principe fondamental de cette trigonométrie, consiste en ce que les sinus des angles sont entr’eux dans le même rapport que les côtés opposés. Voyez l’application de ce principe à plusieurs cas des triangles rectilignes, à l’article Triangle.

La trigonométrie sphérique est l’art par lequel trois des parties d’un triangle sphérique étant données, on trouve toutes les autres. Qu’on connoisse par exemple, deux côtés & un angle, on trouvera les deux autres angles & le troisieme côté. Voyez Sphérique.

Voici les principes de la trigonométrie sphérique, suivant la réforme ou la doctrine de Wolf. 1o. Dans tout triangle sphérique ABC, rectangle en A, le sinus total est au sinus de l’hypothénuse BC ; (Pl. trigon. fig. 31.) comme le sinus de l’un des deux angles aigus C, est au sinus du côté opposé AB ; ou comme le sinus de l’angle B, au sinus de son côté opposé AC : d’où il suit que le rectangle sous le sinus total, & sous le sinus d’un de ces côtés, est égal au rectangle sous le sinus de l’angle opposé à ce côté, & sous le sinus de l’hypothénuse.

Comme c’est ici la doctrine de M. Wolf, il est nécessaire d’expliquer quelques termes qui sont particuliers à cet auteur. Supposant le triangle rectangle BAC (Pl. de trigonom. fig. 33.), il appelle partie moyenne celle qui se trouve entre deux autres, considérée comme extrèmes : ainsi prenant les côtés AB, BC, pour extrèmes, l’angle B sera la partie moyenne : si les parties que l’on considere comme extrèmes sont contiguës avec la moyenne, ou que l’angle droit A se trouve entre la moyenne & l’une des extrèmes, il les nomme parties conjointes. Par exemple, B étant la partie moyenne, AB & BC seront les parties conjointes. Si AB est moyenne, AC & B seront les conjointes : si c’est le côté BC, en ce cas les angles BC, le seront : est-ce l’angle C, on aura pour conjointes les côtés BC, CA : enfin si le côté AC est moyenne, l’angle C & le côté AB seront les parties conjointes.

Mais si entre les parties qui sont à la place des extrèmes, & la moyenne, il se trouve quelqu’autre partie différente de l’angle droit, alors il les appelle parties disjointes : par exemple, l’angle B étant la moyenne, le côté AC, & l’angle C seront les disjointes : car entre la partie moyenne B & l’extrème C, se trouve l’hypothénuse BC ; entre la moyenne B & l’autre extrème AC, il y a le côté AB, outre l’angle droit A, que l’on ne considere point ici : ainsi le côté AB étant moyenne, le côté BC, & l’angle C seront les parties disjointes : si c’est le côté BC, les disjointes seront AB, AC. Quand ce sera l’angle C, l’angle B, & le côté AB, seront les disjointes : enfin si le côté AC est la moyenne, le côté BC, & l’angle B seront les parties disjointes. Cela supposé, dans tout triangle rectangle ABC (fig. 32.), dont aucun côté n’est un quart de cercle ; si on prend les complémens des côtés AC, ou AC à la place de ces côtés, le rectangle du sinus total, par le co-sinus de la partie moyenne, est égal au rectangle des parties disjointes ou extrèmes.

D’où il suit 1o. en employant les sinus logarithmiques à la place des naturels, que le sinus total ajouté avec le co-sinus de la partie moyenne, est égal à la somme des sinus des parties disjointes.

2o. Puisque dans le triangle rectiligne ABC (fig. 32.), le sinus total est à l’hypothénuse BC, comme le sinus de l’angle B ou C au sinus du côté opposé AC ou AB : si au-lieu des sinus des côtés, on prend les côtés mêmes, il sera encore vrai, dans ce cas, que le co-sinus de la partie moyenne AC ou AB ; ou bien que AC ou AB joint au sinus total sera égal à la som-