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leur epicrusis ou catacrusis. Il y avoit même à Rome une sorte de gens qui reviennent à nos bâteleurs ou à nos charlatans (mangones), qui faisoient métier d’appliquer les flagellations sur les enfans en charte, Galien nous en rapporte un exemple, ad hunc modum, dit-il, mango quidam proximè nates pueri fame consumptas, brevi anxit, percussu mediocri quotidie usus, aut saltem alternis diebus. Voyez method. med. lib. XIV. c. xvj. Pline nous apprend encore qu’on fouette utilement dans la rougeole avec des branches de sureau. Boa appellatur morbus papularum cum rubent corpora, sambuci ramo verberantur. Voyez histor. nat. Ici peut également convenir l’expédient que propose Heurnius, dans la curation de la léthargie, c. xj. de letharg. lib. de morbis capitis, & qui consiste à enduire de miel le visage du malade, pour l’exposer ensuite à la piquure des abeilles, quo rostellis muscæ flagellent : à la vérité l’auteur ne désigne que les gens de la campagne, rustici, sur qui l’on puisse tenter ce remede.

Les titillations à la plante des piés trouvent encore place ici. On sait qu’elles sont quelquefois de puissans révulsifs dans les apoplexies, & autres maladies soporeuses.

Les ligatures, sont des épispastiques très-efficaces qui conviennent d’ailleurs avec les sinapismes par les rougeurs, les inflammations ou enflures qu’elles occasionnent. Oribase nous a conservé la maniere dont on les appliquoit anciennement. « Nous prenons, dit-il, des bandes un peu larges faites de laine simplement torse, ou de quelqu’autre étoffe mieux tissue & plus serrée, ou enfin nous y employons les vieux habits, les étoffes usées. Nous entourons de ces bandes les extrémités, en ayant l’attention de ne pas meurtrir les chairs, & de serrer mollement, de maniere pourtant que la ligature soit serrée ; ce qui se fera toujours bien si les bandes sont larges, & d’une étoffe douce : mais après la seconde compression, il faut serrer encore davantage ; & il n’y a pas à craindre de blesser les chairs qui ne seront jamais que comprimées. Le meilleur signe pour reconnoître que la compression est bien faite, c’est lorsque les chairs qui sont autour des parties comprimées, s’élevent & deviennent rouges ; alors en nous reglant sur le battement des vaisseaux, nous serrons de plus en plus, & prenons bien garde que les parties ne s’engourdissent, & de ne point occasionner de douleur. » Voyez med. collut. l. X. c. xviij.

Les ligatures se varient suivant les maladies & l’intention du médecin ; dans les hœmophtisies, Arætée recommande de lier les piés au-dessus des malléoles jusqu’au genou ; & les mains, depuis tout le bras jusqu’au coude. Voyez de curat. acut. morb. l. II. c. ij. Dans la dyssenterie, Aætius propose de lier fortement avec des bandes larges les bras du malade, à commencer depuis le haut de l’humerus, jusqu’à l’extrémité des doigts. Voyez letr. III. serm. j. c. xlj. Les méthodiques employoient les ligatures sur les articulations, sur les bras & les cuisses, dans la vûe de détourner le sang dans les hémorrhagies. Voyez Prosper Alpin, de med. method. l. XII. c. iv. Erasistrate est d’avis qu’en pareil cas on les fasse aux aînes & aux aisselles. Celse, & après lui le rabbin Moïse, 5 aphor. veulent que dans les céphalalgies, la tête soit promptement serrée avec des bandes. Voyez dans Mercurialis, c. xvij. pag. 95. de affectibus capitis.

Les ligatures s’emploient encore dans les lésions, ou abolitions de mémoire, dans beaucoup de vices des fonctions de l’estomac, & de quelques autres organes. Un homme sur qui on avoit inutilement tenté pendant quinze jours, toutes sortes de remedes pour lui arrêter le hoquet, fut enfin guéri en lui serrant fortement les hypocondres & l’estomac avec une

serviette. Voyez Aquitan. miner. aq. pag. 23. Les ligatures seroient donc encore des especes de toniques ?

Les ligatures, ou liens dolorifiques, n’ont pas moins de succès lorsqu’il s’agit des révulsions dans les hémorrhagies, ou dans le flux immodéré de quelques autres humeurs. Forestus rapporte là-dessus une observation qui paroitra d’autant plus singuliere que le remede, à ce qu’il prétend, fut enseigné par une femme. C’est à l’occasion d’un flux de semence chez quelque noble. Qando dormitum ibat nobilis, ligabat filum vel chordulam ad collum, quæ chordula descendebat usque ad collum virgæ, & cum ed virgam ligabat, non multum stringendo ; & quando in somno instabatur & erigebatur membrum, propter ligatuiam illius chordulæ dolorem virgæ incurrebat, & sic excitabutur ut se>men in somno non rejiceret, & ita fuit curatus. Voyez de penis ac virgæ vitiis, l. XXVI. obser. 17. On peut rapporter ici les ligatures au prépuce, pratiquées par les méthodiques. Voyez Prosper Alpin, de med. method. l. XII. c. iv. les distorsions des doigts, & généralement tous les dolorifiques employés à titre d’épipastiques ou attirans.

Les ventouses, elles élevent la peau en tumeur, & y occasionnent des vessies si on les laisse trop séjourner sur la partie. Ce sont de puissans épipastiques dans l’apoplexie, la frénésie, les cardialgies & plusieurs autres maladies. Voyez Ventouses, (Medecine.)

Les suctions, suctus, sont encore mises par quelques auteurs, au nombre des épispastiques ; tels sont les suçons de toute espece, la pratique des Psylles & des Marses pour attirer au-dehors le venin des plaies. Quelques auteurs y joignent les extractions de l’air, du pus & autres matieres qui peuvent être contenues dans des cavités du corps, par le moyen des seringues, des soufflets, &c. dont on voit que les effets sont purement méchaniques. Voyez Mercatus, l. II. de rect. præsid art. med. usu, l. II. c. viij. Voyez, (Médec.)

Les sangsues peuvent être regardées comme des especes de ventouses, elles sont révulsives par le stimulus de leur morsure ou de leur suction ; elles procurent en même tems des dérivations très-utiles. Zacutus Lusitanus parle d’une femme qui étant tombée dans une violente épilepsie, à la suite d’un accouchement laborieux, qui avoit été suivi d’une suppression des regles, fut guérie par l’application de trois sangsues à la vulve. Voyez page 6. obs. 26. On a vu depuis quelques exemples de guérisons de cette nature. Les sangsues appliquées à la marge de l’anus, font encore beaucoup de bien dans la suppression du flux hémorrhoïdal. Voyez Sangsue.

Les vésicatoires proprement dits, ou les emplâtres vésicatoires. Voici les premiers épispastiques modernes, ceux qu’il arrive assez souvent à nos praticiens d’employer, & dont on ne fait peut-être pas toujours assez d’usage. Ce que nous avons dit jusqu’à présent des autres vésicatoires en particulier, ne pouvant être regardé, par l’oubli où la plupart de ces remedes sont tombés, que comme un historique accessoire de l’exposition de ceux-ci, nous devons donc étendre cette exposition à tous les détails qui peuvent intéresser la partie de ces remedes la plus essentiellement utile à connoître, c’est-à-dire la partie qui concerne la pratique ; c’est ce que nous allons tâcher de faire en rapprochant & abrégeant, le plus qu’il se pourra, les faits qui autrement nous meneroient trop au-delà des bornes déjà assez étendues de cet article.

Nous avons observé au commencement, que le nom de vésicatoire n’étoit pas bien ancien. Rolfinck est, si je ne me trompe, le premier ou un des premiers qui s’en soient servis pour designer cette espece particuliere d’épispastique. Mais l’usage de ces re-