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& répond aux ambassadeurs en demeurant couvert, comme le chef de la république. Voyez Doge.

Vice-gérent est un vicaire, un député, un lieutenant. Voyez ces termes à leur place. En France nous avons des vice-gérents dans les officialités : ce sont des ecclésiastiques choisis par l’évêque, pour tenir la place de l’official en cas d’absence ou de maladie. Voyez Official.

Vice-légat est un officier que le pape envoie à Avignon, ou dans quelqu’autre ville pour y faire la fonction de gouverneur spirituel & temporel, quand il n’y a point de légat ou de cardinal qui y commande. Toute la Gaule narbonnoise, comme le Dauphiné, la Provence, &c. a recours au vice-légat d’Avignon pour toutes les expéditions ecclésiastiques, de même maniere que les autres provinces de France s’adressent à Rome. Voyez Légat.

Vice-roi est le gouverneur d’un royaume, qui y commande au nom du roi avec une autorité souveraine. Dans le tems que Naples & la Sicile étoient soumises à l’Espagne, elle y envoyoit des vice-rois. La cour de Vienne lorsqu’elle étoit en possession de ces pays, les gouvernoit aussi par des vice-rois. Le gouverneur général d’Irlande a le titre de vice-roi, & l’Espagne le donne aussi à ceux qui gouvernent en son nom le Mexique & le Pérou.

Vice-seigneur est un vicomte, un shérif, ou un vidame. Voyez ces mots.

Vice-seigneur d’une abbaye ou d’une église, en droit civil & canon, est un avocat ou advoué, c’est-à-dire un défenseur ou protecteur de l’abbaye ou de l’église. Voyez Advoué.

Vice seigneur de l’évêque, en droit canon, est un commissaire ou vicaire général de l’évêque. Voyez Commissaire.

VICEGRARD, (Géog. mod.) ou Visegrard ou Vizzegrard, autrement Plidenburg. Son nom latin est selon quelques-uns, Vetus-Salina ; ville de la basse Hongrie, sur la droite du Danube, à 3 milles au-dessus de Grau, entre cette ville & Bude, avec un château bâti sur le haut d’un rocher. Les Turcs la prirent en 1605, & le duc de Lorraine la leur enleva en 1684. Long. 36. 45. lat. 47. 32. (D. J.)

VICENCE, (Géog. mod.) en italien Vicenza, en latin Vicetia, Vicentia, Vicenta, Vicentia civitas ; ville d’Italie dans l’état de Venise, capitale du Vicentin, sur le Bacciglione. Elle est située dans un terroir des plus fertiles, à 18 milles au nord-ouest de Padoue, à 30 au nord-est de Vérone, à 40 à l’est de Bresse, & à égale distance de Feltri.

Cette ville a 4 milles de circuit. On y compte 57 églises, dont 14 sont paroissiales, 17 desservies par des religieux, & 12 qui appartiennent à des monasteres de filles. Elle est arrosée des rivieres Bacciglione & Rorone, outre quelques ruisseaux qui apportent de grandes commodités aux habitans, pour faire tourner des moulins à papier, apprêter la soie, exprimer l’huile d’olive, & pour conduire les bateaux en différens endroits de la ville qui a doubles murailles.

Les plus remarquables des sept places de Vicence, sont celles des environs du palais public & du dôme. La maison-de-ville est un bel édifice par la hardiesse de l’architecture. La tour de son horloge est surprenante par sa hauteur. Les lieux de plaisance des environs de cette ville sont agréables par leur situation entre de petits vallons, où tout croît en abondance, & sur-tout la vigne qui porte le vin le plus estimé de tout l’état. Le couvent du mont Béric a une église qui dans sa petitesse passe pour une des plus riches d’Italie. Long. de Vicence 29. 10. lat. 45. 30.

Cette ville est une des plus anciennes de l’Europe, car il y avoit plus de 200 ans qu’elle avoit été bâtie quand les gaulois sénonois l’aggrandirent. Les Romains lui donnerent le droit de bourgeoisie romaine, de cité & de république, & elle s’est vue sous la pro-

tection de Brutus & de Cicéron. Elle perdit beaucoup

de son lustre dans la décadence de l’empire, & elle a souffert depuis un grand nombre de révolutions. Les Lombards s’en rendirent les maîtres, & ensuite elle eut pendant quelque tems ses ducs & ses comtes. L’empereur Barberousse la réduisit à l’esclavage ; mais elle eut le bonheur de secouer le joug, de se joindre à Milan, & de conclure la ligue fameuse des villes de Lombardie. Fréderic II. désola cette ville, qui se vit obligée de se jetter entre les bras des Vénitiens. Maximilien la leur enleva en 1509, & 7 ans après elle fut rendue à la république qui l’a toujours possédée depuis.

Cette ville a produit trois hommes célebres, chacun dans leur genre ; Pacius, Palladino & Trissino.

Pacius (Jules), chevalier de S. Marc, philosophe & jurisconsulte, naquit à Vicence en 1550, & goûta de bonne heure les opinions des Protestans, en lisant leurs ouvrages par curiosité. On lui fit un crime de cette lecture, & on le menaça de la prison ; il en prit l’épouvante, se rendit en Allemagne, & delà en Hongrie, où il enseigna le droit pour subsister. Pacius vint ensuite en France, & il y professa à Sédan, à Nismes, à Montpellier (où il eut pour disciple M. de Peiresc), à Aix, & à Valence. On lui offrit des chaires de droit à Leyde, à Pise & à Padoue. Il préféra cette derniere ville, mais par l’inconstance de son humeur il revint à Valence, où il mourut en 1635, à 85 ans. Le P. Nicéron a fait son article dans les Mém. des homm. illust. tom. XXXIX. pag. 272. Pacius a publié divers ouvrages de droit qui sont estimés. Ses traductions de quelques œuvres d’Aristote, ne le sont pas moins. On met au nombre de ses principaux ouvrages : 1°. Methodicorum ad Justinianeum codicem libri tres, & de contractibus libri sex. Lyon 1606 in-fol. 2°. Synopsis, seu œconomia juris utriusque. Lyon 1616 in-fol. & Strasbourg 1620 in-fol. 3°. Corpus juris civilis. Genève 1580 in-fol. 4°. De dominio maris Adriatici. Lyon 1619 in-8°.

Palladio (André), natif de Vicence, célebre & savant architecte du xv. siecle, étudia les monumens antiques de Rome, & déterra par son génie, les véritables regles d’un art qui avoient été corrompues par la barbarie des Goths. Il nous a laissé un excellent traité d’architecture, divisé en 4 livres, qu’il mit au jour en 1570. Rolland Friart l’a traduit en françois. Palladio embellit Venise & Vicence de plusieurs beaux édifices, & mourut l’an 1580. Il avoit eu pour maître le Trissino dont nous allons parler, & qui réunissoit plus d’un talent.

Trissino (Jean-Georges), naquit à Vicence d’une famille noble & ancienne, l’an 1478. Il cultiva les belles-lettres, la poésie, les mathématiques, & l’architecture, dont il apprit les élemens à Palladio, qui devint dans la suite un si grand maître en ce genre.

Trissino dans son séjour à Rome, composa sa tragédie de Sophonisbe, que Leon X. fit représenter avec beaucoup de pompe, d’autant que c’étoit la premiere tragédie en langue italienne. Elle fut imprimée en 1524 in-4°. Son poëme épique, sous le titre de La Italia liberata da gotti, parut en 1547. J’ai parlé de cet ouvrage au mot Poëme épique.

Le Trissin avoit d’autres talens que celui de poëte ; il étoit propre à traiter de grandes affaires, & il se conduisit avec beaucoup d’adresse & de bonheur dans les négociations que lui confierent Leon X. Clément VII. Maximilien & Charles-Quint ; mais lorsqu’il revint à Vicence, il trouva sa famille remplie de troubles & de divisions. Un fils qu’il avoit eu de son premier mariage, s’étoit emparé du bien de sa mere, & de la maison de son pere, par une sentence des procurateurs de S. Marc. Trissino vivement affligé de l’ingratitude de ce fils, & de l’injustice de la république, se bannit de son pays, & fit à son départ les vers touchans que voici.