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Il y avoit enfin des expiations publiques pour purifier les villes. La plûpart avoient un jour marqué pour cette cérémonie : elle se faisoit à Rome le 5 de Février. Le sacrifice qu’on y offroit se nommoit amburbale ou amburbium, selon Servius, & les victimes que l’on y employoit amburbiales, au rapport de Festus. Outre cette fête, il y en avoit une tous les cinq ans pour expier tous les citoyens de la ville, & c’est du mot lustrare, expier, que cet espace de tems a pris le nom de lustre. Il y avoit encore d’autres occasions où ces expiations solemnelles étoient employées, comme il arriva lorsque les Tarquins furent chassés, ainsi que nous l’apprenons de Denis d’Halicarnasse. Ce n’étoit pas seulement les villes entieres qu’on soumettoit à l’expiation, on l’employoit pour des lieux particuliers lorsqu’on les croyoit souillés ; celle de carrefours se nommoit compitalia. Voyez tous ces mots.

Les Athéniens avoient poussé aussi loin que les Romains leurs cérémonies en ce genre. Outre le jour marqué pour l’expiation de la ville, ils avoient établi des expiations pour les théatres & pour les lieux où se tenoient les assemblées publiques.

L’antiquité portoit un si grand respect aux fondateurs de villes, que plusieurs furent mis au rang des dieux. Les villes étoient aussi très-jalouses de leurs époques. Celles qui étoient construites autour des temples étoient dévouées au service du dieu qui y étoit adoré.

Les villes célebres de l’antiquité qui ont fourni des monumens aux premiers historiens, furent Thèbes, Memphis, Ninive, Babylone, Sidon, Tyr, Carthage, &c.

Si les poëtes s’étoient contentés de nous apprendre le nom des grands hommes qui ont fondé ces premieres villes, & les cérémonies religieuses qui s’observoient dans ces occasions, on auroit souvent appris des traits d’histoire que les annales des peuples n’ont pas toujours conservés, & on préféreroit de simples vérités au merveilleux qu’ils ont souvent répandu sur ce sujet. Les prodiges, les oracles & les secours visibles des dieux accompagnent toujours dans leurs récits ces sortes d’entreprises. Ce ne sont point de simples ouvriers qui bâtissent la citadelle de Corinthe ; elle est, selon eux, l’ouvrage des Cyclopes, & la lyre d’Amphion met seule les pierres en mouvement pour s’arranger d’elles-mêmes autour de la ville de Thèbes. Nous avons laissé ce merveilleux qui caractérise la poésie, & nous avons cherché simplement dans les historiens quelles étoient les cérémonies que la religion & la politique avoient introduites chez les Romains lorsqu’ils jettoient les fondemens de leurs villes. La religion avoit pour objet d’entretenir l’union entre les nouveaux citoyens par le culte des dieux, & la politique travailloit à les mettre en sureté contre la jalousie des peuples voisins, à qui les nouveaux établissemens donnent toujours de l’ombrage. (D. J.)

Ville, (Jurisprud.) on distingue relativement au droit public plusieurs sortes de villes.

Villes abonnées, sont celles où la taille est fixée à une certaine somme pour chaque année. Voyez Abonnement & Taille.

Villes anséatiques d’Allemagne ou de la hanse Teutonique, sont des villes impériales libres & d’autres municipales d’Allemagne, alliées ensemble pour le commerce. Voyez Anse.

Villes d’arrêt, sont celles dont les bourgeois & habitans jouissent du privilege de faire arrêt sur la personne & les biens de leurs débiteurs forains, sans obligation, ni condamnation. Paris, par exemple, est ville d’arrêt, suivant l’article 173. de la coûtume.

Ville baptice, bastiche, batiche ou bateiche, bastélereche, bateleresche, bateilleche, c’étoit une ville qui

n’avoit point de commune ni de murailles de pierre, & qui n’étoit défendue que par des tours & châteaux de bois, qu’on appelloit baldrescha & bastrecha, en françois bretesche, breteque. Quelques-uns croient que ce nom de villes bastiches vient de bastite, bastide ou bastille, qui signifioit autrefois une tour quarrée flanquée aux angles de tourelles, le tout en bois ; d’autres que ville bateilleche étoit celle qui étoit en état de batailler, c’est-à-dire de se défendre au moyen des fortifications dont elle étoit revêtue. Voyez la coûtume de Guise de l’an 1279, le glossaire de Thaumassiere, à la suite des coûtumes de Beauvaisis, & le mot Breteche.

Bonnes Villes, c’étoient celles qui avoient une commune & des magistrats jurés, & auxquelles le roi avoit accordé le droit de bourgeoisie, avec affranchissement de taille & autres impositions. Voyez Brusselles, usage des fiefs. On trouve des exemples de cette qualification donnée à plusieurs villes dès l’an 1314. Le roi la donne encore à toutes les grandes villes dans ses ordonnances, édits, déclarations & lettres-patentes.

Ville capitale, est la premiere & principale ville d’un état ou d’une province ou pays. Paris est la capitale du royaume, Lyon la capitale du Lyonnois, &c.

Ville chartrée, est celle qui a une charte de commune & affranchissement. Voyez Ville de commune & de loi.

Ville de commerce, voyez ci-après.

Ville de commune, est celle qui a droit de commune, c’est-à-dire de s’assembler. Voyez Ville de loi.

Ville épiscopale, est celle où se trouve le siege d’un évêché. Voyez Évêché.

Villes forestieres, on a donné ce nom à quatre villes d’Allemagne, à cause de leur situation vers l’entrée de la Forêt-noire, savoir Rhinfeld, Sekingen, Lauffenbourg & Waldshut.

Villes impériales, sont celles qui dépendent de l’Empire. Voyez Empire.

Ville jurée, quelques uns pensent que l’on donnoit ce nom aux villes qui avoient leurs magistrats propres élus par les bourgeois, & qui avoient ensuite prêté serment au roi ; en effet en plusieurs endroits ces officiers s’appellent jurats, jurati, à cause du serment qu’ils prêtent.

D’autres tiennent que ville jurée est celle où il y a maîtrise ou jurande pour les arts & métiers, parce qu’anciennement en France il n’y avoit que certaines bonnes villes où il y eût certains métiers jurés, c’est-à-dire ayant droit de corps & communauté, en laquelle on entroit par serment, lesquelles villes, à cette occasion, étoient appellées villes jurées ; mais par édit d’Henri III. de l’an 1581, confirmé & renouvellé par un autre édit d’Henri IV. en 1597, toutes les villes du royaume sont devenues villes jurées. Voyez Loyseau en son traité des offices, l. V. ch. vij. n. 77. & les mots Arts, Jurande, Maîtrise, Métier, Réception, Serment.

Ville libre, voyez plus haut.

Ville de loi. est celle qui a droit de commune, & ses libertés & franchises. Dans une confirmation des privileges de la ville de Lille en Flandre, du mois de Janvier 1392, on voit que le procureur des échevins, bourgeois & habitans de cette ville, observa que cette ville étoit ville de loi, & qu’ils avoient corps & commune, cloche, scel, ferme (ou authentique), lois, coutumes, libertés & franchises anciennes appartenans à corps & commune de bonne ville. Voyez le tome VII. des ordonn. de la troisieme race.

Quelquefois par ville de loi on entend une ville où il y a maîtrise pour le commerce, & les arts & métiers, ce qui suppose toujours une ville de commune.