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Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 17.djvu/284

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huile déliée & expansible ne se combine pas assez étroitement avec les autres principes.

Les sels acides ne peuvent être intimement unis avec les huiles, qu’au moyen d’une longue digestion ; mais il s’y lient beaucoup plus facilement par l’intermede des terres, avec lesquelles ils font des sels crystallisés, ou déliquescens ; en même tems, ces acides embarrassés par l’addition des huileux retiennent moins fortement les terreux ; & ce mélange forme une substance muqueuse ou gluten, qui est beaucoup moins visqueux dans les sujets de la fermentation proprement dite, que dans ceux de la putréfaction.

L’ordre suivant lequel les différentes especes de fermentation se succedent dans les matieres qui en sont susceptibles, ne peut avoir lieu pour les corps dans la composition desquels un principe l’emporte extrémement sur les autres. C’est ainsi que les sucs des citrons, & ceux des fruits acerbes dégénerent d’abord en moisissure. L’excès du principe terrestre dans les parties ligneuses des végétaux s’oppose à ce que leur mixtion soit dissoute. Les aromates pour être propres à la fermentation vineuse ont besoin d’être depouillés par la distillation de leurs huiles surabondantes.

On voit par les exemples des résines artificielles & du savon, ou sel huileux de Starkey, que les mélanges des huiles avec le sel approchent de la consistance solide : comme l’acide pur adhere bien plus fortement à la terre qu’à l’eau, il doit se lier presque sous une forme seche avec le principe terreux qui existe dans les huiles, suivant les expériences de Kunkel. Ces raisons & l’exemple des grains, prouve que l’eau n’entre pas essentiellement dans la mixtion des corps qui peuvent fermenter : mais elle est l’instrument du mouvement de fermentation. Elle s’attache à la partie saline du mixte, ou à la partie terreuse subtile qui a le plus d’affinité avec l’élément salin ; elle les sépare des parties plus grossieres, & purifie de plus en plus la liqueur qui fermente.

Le fluide aqueux qui produit cet effet par son rapport avec les corpuscules salins, & par l’agitation que lui imprime un degré de chaleur modéré, ne doit pas être trop subtil. C’est pourquoi l’esprit-de-vin très-rectifié ne dissout point-le sucre, & lorsqu’il agit sur le miel & les grains, il extrait plutôt une portion de ces substances. Les huiles n’excitent point la fermentation, parce que les molécules huileuses qui leur sont analogues sont retenues dans le tissu des mixtes par un plus grand nombre de molécules terrestres & salines, & d’ailleurs ne peuvent entraîner celles ci, qui sont plus & moins mobiles.

La fermentation ne demande pas absolument le contact immédiat de l’air libre. Elle a lieu quoique plus tard & plus difficilement dans des vaisseaux bien fermés, & même, suivant Stahl, dans des vaisseaux dont on a pompé l’air, pourvu qu’ils soient assez grands. Boerhaave dit cependant qu’il ne peut se faire de mouvement de fermentation dans la machine pneumatique, lorsqu’on en a retiré l’air élastique.

Il n’est pas douteux que l’air a beaucoup d’influence dans la fermentation, car les variations du chaud & du froid extérieur accélerent ou affoiblissent beaucoup le mouvement de fermentation. Ainsi, il est avantageux pour l’égalité des progrès de la fermentation, que la masse qu’on fait fermenter soit considérable ; & on observe que les liqueurs fermentées sont plus fortes & plus pénétrantes, lorsqu’elles ont été préparées dans des grands tonneaux.

Mais il paroît certain que l’eau seule est l’instrument immédiat de la fermentation. Celle-ci est également arrêtée par l’excès ou le défaut de fluide aqueux. On fait du vin doux en remplissant de mout aussitôt qu’il est foulé, un tonneau bien relié, qu’on bondonne & qu’on met pendant quinze jours dans l’eau, qui doit

baigner par-dessus ; de même une humidité surabondante empêche la putréfaction. Voyez Putréfaction. D’un autre côté, Stahl rapporte, qu’un vin concentré se conserva pendant plusieurs années, quoique le vaisseau où il étoit contenu ne fût qu’à demi-plein.

Les liqueurs qui fermentent jettent des vapeurs très-subtiles, dont il faut modérer l’éruption pour rendre les liqueurs plus parfaites. Ces vapeurs se répandent avec un effort, qui se fait sentir dans des espaces beaucoup plus grands que ceux que remplit l’expansion des vapeurs de l’acide vitriolique sulphureux de l’eau-forte, de l’esprit de sel fumant, qu’on retire du mercure sublimé. Ces exhalaisons forment dans les celliers, comme un nuage qui éteint la flamme des chandelles. Les effets pernicieux de cette vapeur sur les animaux qui la respirent, sont plus funestes, suivant Boerhaave, que ceux d’aucun autre poison. Elle leur cause une mort soudaine, ou des maladies très-graves du cerveau & des nerfs sans apparence d’humeur morbifique, ou de lésion des visceres.

Comme les animaux sont affectés de la même maniere par la fumée des corps gras à demi-brûlés, ou des charbons allumés dans un lieu étroit ; Stahl en a inféré avec vraissemblance, que ces vapeurs sont des parties grasses de la liqueur qui fermente, extrémement atténuées, & jointes à des parcelles d’eau. Il a fort bien connu que l’élasticité de ces vapeurs, n’est point inhérente à leurs substances sulphureuses, puisque l’action même du feu ne peut la développer dans cette substance. Mais il a prétendu que cette substance devoit son ressort au commerce de l’air extérieur, & il s’est jetté dans une explication vague & insuffisante.

Beccher avoit pensé que ces vapeurs ne sont ni salines, ni sulphureuses, parce qu’il ne put les condenser en appliquant au bondon d’un gros tonneau plein de mout qui fermentoit un alembic avec son réfrigerant. Il a comparé ces esprits à ceux qui naissent du mélange de l’huile de tartre avec des esprits corrosifs, durant le tems de l’effervescence. Voyez Gas.

En réflechissant sur cette analogie proposée par Beccher, on est porté à croire, que pour achever la belle théorie de Stahl sur la fermentation, il faut y suppléer par celle de M. Venel sur les effervescences. Voyez Effervescence. L’eau qui dissout les sujets de la fermentation spiritueuse composés d’huile, de sel & de terre, fait une précipitation de l’air combiné chimiquement avec ces principes. Cet air, à mesure qu’il se dégage, étant intercepté par les parties visqueuses de la liqueur, y produit une ébullition d’autant plus forte, qu’il rencontre plus de terre muqueuse : mais s’il trouve des parties huileuses, pures, il les atténue prodigieusement, les entraîne, & les éleve en vapeurs élastiques. On voit pourquoi les sujets de la fermentation spiritueuse étant exposés à un feu nud, ne donnent point de vapeurs semblables. Si Stahl eût connu les expériences de Hales, il n’eût pas parlé de ces vapeurs d’une maniere si obscure & si incertaine. Voyez la statique des végetaux, exp. 55 & 57. L’effervescence est causée par l’air principe de la composition des corps, dont il est détaché par l’action des acides sur les particules terreuses, qui ne sont pas réunies en de trop grandes masses. Ainsi, les vins qui ont trop bouilli sont austeres, & moisissent bientôt, parce qu’il s’y est développé trop d’acide. L’addition des terres maigres, comme la craie, par exemple, arrête l’ébullition d’une liqueur qui fermente, parce qu’elles embarrassent les acides, & sont très-peu analogues aux parties grasses & huileuses de la liqueur pour se séparer avec les feces ; l’ébullition a toujours lieu dans la bierre forte, & dans