Aller au contenu

Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 17.djvu/92

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

jusqu’à la barre ; quelquefois aussi, de beau tems, & dans l’espérance d’une bonne pêche, ils vont en mer au-delà de la barre.

Cette pêche a lieu depuis le mois de Février jusqu’en Juin, mais pour la faire avec succès, il faut qu’il y ait des eaux blanches, c’est-à-dire de celles qui tombent des monts Pyrénées, ce que recherchent sur-tout les saumons, dont la pêche est aujourd’hui fort stérile, eu égard à l’abondance avec laquelle on la faisoit autrefois.

Les trameaux ou hameaux des brions, que les pêcheurs basques nomment l’esmail, ont la maille de sept pouces dix lignes en quarré, & la toile, nappe, flue ou ret du milieu, qu’ils nomment la charte, a deux pouces, & deux pouces une ligne en quarré ; ainsi ces sortes de rets sont plus serrés & moins ouverts que ceux dont se servent les pêcheurs de la Seine, pour faire dans la même saison, la même pêche.

VERQUINTE, s. m. en terme de Rafineur, n’est autre chose que le sucre gras que l’on trouve dans la tête des vergeoises, que l’on fond comme elles. Voy. Vergeoises.

VERRAT, voyez Cochon.

VERRE, (Hist. des arts & Littérat.) le hasard pere de tant de découvertes, l’a été vraissemblablement de celle du verre, matiere dure, fragile, transparente, lisse, incorruptible, & qu’aucune substance ne peut altérer. Le feu seul auquel elle doit sa naissance, pourroit avoir des droits sur elle ; il a au-moins le pouvoir de lui faire changer de forme, comme il a eu celui de la préparer par la fusion de sable, de pierres vitrifiables & de sel alkali.

Ce corps singulier, si l’on en croit le conte de Pline, se forma pour la premiere fois de lui-même en Egypte. Des marchands qui traversoient la Phénicie, allumerent du feu sur les bords du fleuve Bélus pour faire cuire leurs alimens. La nécessité de former un appui pour élever leurs trépiés, leur fit prendre au défaut de pierres, des mottes de natrum mêlées de sable, qu’ils trouverent sur le rivage. La violence de la chaleur que ce mélange éprouva, le vitrifia bientôt, & le fit couler comme un ruisseau enflammé ; mais ce flot brillant & écumeux ayant pris en se refroidissant une forme solide & diaphane, indiqua déjà 1000 ans avant la naissance de J. C. la maniere grossiere de faire le verre, qu’on a depuis si singulierement perfectionnée.

Josephe, l. II. c. ix. de la guerre des Juifs, raconte des choses merveilleuses du sable de ce fleuve Bélus dont parle Pline. Il dit que dans le voisinage de cette riviere, il se trouve une espece de vallée de figure ronde, d’où l’on tire du sable qui est inépuisable pour faire du verre, & que si l’on met du métal dans cet endroit, le métal se change sur le champ en verre. Tacite, liv. V. de ses histoires, rapporte la chose plus simplement. « Le Bélus, dit-il, se jette dans la mer de Judée ; l’on se sert du sable qui se trouve à son embouchure pour faire du verre, parce qu’il est mêlé de nitre, & l’endroit d’où on le tire quoique petit, en fournit toujours ». Apparemment que le vent reportoit sans cesse dans cette vallée le sable qui se trouvoit sur les hauteurs voisines.

Quelques auteurs prétendent qu’il est parlé du verre dans le livre de Job, ch. xxviij. vers. 17. où la sagesse est comparée aux choses les plus précieuses, & où il est dit, selon la vulgate, l’or & le verre ne l’égalent point en valeur. Mais c’est S. Jérome qui a le premier jugé à propos de traduire par verre, vitrum, le mot de l’original qui veut dire seulement tout ce qui est beau & transparent. Plusieurs versions ont traduit ce terme par diamant, d’autres par bérille, d’autres par hyacinthe, & d’autres par crystal : chacun a imaginé ce qu’il connoissoit de plus beau dans la nature pour le joindre à l’or. Mais comme il n’est point

parlé de verre dans aucun autre endroit de l’ancien Testament, tandis qu’il en est souvent parlé dans le nouveau, comme dans les épitres de S. Paul, de S. Jacques, & dans l’apocalypse, il est vraissemblable que les anciens écrivains sacrés ne connoissoient point cette matiere, qui leur eût fourni tant de comparaisons & d’allégories.

Selon d’autres savans, Aristophane a fait mention du verre par le mot grec ὕαλος, qu’on trouve, act. II. sc. j. de ses Nuées. Il introduit sur la scène Sthrepsiade qui se moque de Socrate, & enseigne une méthode nouvelle de payer de vieilles dettes ; c’est de mettre entre le soleil & le billet de créance, une belle pierre transparente que vendoient les droguistes, & d’effacer par ce moyen les lettres du billet. Le poëte appelle cette pierre ὕαλος, que nous avons traduit par le mot verre ; mais ce mot ne se trouve point pris dans ce sens par Hesychius. On entendoit jadis par ce terme le crystal ; & c’est en ce sens que le scholiaste d’Aristophane le prenoit : le même mot désignoit aussi une espece d’ambre jaune & transparent.

Aristote propose deux problèmes à résoudre sur le verre. Dans le premier, il demande quelle est la cause de la transparence du verre ; & dans le second, pourquoi on ne peut pas le plier. Ces deux problèmes d’Aristote, s’ils sont de lui, seroient les monumens les plus anciens de l’existence du verre ; car si cette substance eût été connue avant le tems d’Aristote, elle eût donné trop de matiere à l’imagination des poëtes ou orateurs grecs, pour qu’ils eussent négligé d’en faire usage.

Lucrece est le premier des poëtes latins qui ait parlé du verre, & de sa transparence. Il dit, liv. IV. vers. 602.

Nisi recta foramina tranant
Qualia sunt vitri.


Et liv. VI. vers. 98.

Atque aliud per ligna, aliud transire per aurum,
Argentoque foras, aliud vitroque meare
.

Pline, l. XXXVI. c. xxvj. prétend que Sidon est la premiere ville qui ait été fameuse par sa verrerie ; que c’est sous Tibere qu’on commença à faire du verre à Rome, & qu’un homme fut mis à mort pour avoir trouvé le secret de rendre le verre malléable ; mais ce dernier fait est une chimere que la saine physique dément absolument. Qu’on ne m’oppose point en faveur de la malléabilité du verre, les témoignages de Pétrone, de Dion Cassius & d’Isidore de Séville, car ils n’ont fait que copier l’historien romain, en ajoutant même à son récit des circonstances de leur invention. Il ne faut donc les regarder que comme les échos de Pline, qui plus sage qu’eux, avoue lui-même que l’histoire qu’il rapporte avoit plus de cours que de fondement. Peut-être que son verre flexible & malléable étoit de la lune cornée, qui quelquefois prend l’œil d’un beau verre jaunâtre, & devient capable d’être travaillée au marteau.

Ce qu’il y a de certain, c’est que la Chimie n’a point fait de découverte depuis celle des métaux, plus merveilleuse & plus utile que la découverte du verre. Quels avantages n’en a-t-elle pas retirés ? C’est le verre, dit très-bien le traducteur de Schaw, qui a fourni à cet art les instrumens qui lui ont donné les moyens d’extraire, de décomposer & de recomposer des substances qui, sans ce secours, fussent restées inconnues faute de vaisseaux où l’on pût exécuter les opérations. Les vaisseaux de terre & de grès ne sauroient même suppléer à ceux de verre dans plusieurs circonstances, parce que les premiers se fendent très-aisément lorsqu’ils sont exposés à une chaleur considérable ; au lieu que les vaisseaux de verre