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Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 2.djvu/125

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Basse-cour, s. f. terme d’Architecture ; on appelle ainsi, dans un bâtiment construit à la ville, une cour séparée de la principale, autour de laquelle sont élevés des bâtimens destinés aux remises, aux écuries, ou bien où sont placés les cuisines, offices, communs, &c. Ces basses-cours doivent avoir des entrées de dégagement par les dehors, pour que le service de leurs bâtimens se puisse faire commodément & sans être apperçû des appartemens des maîtres & de la cour principale.

Pour l’ordinaire ces basses-cours ont des issues dans la principale cour ; mais la largeur des portes qui leur y donnent entrée s’accordant mal avec l’ordonnance d’un bâtiment régulier, il est mieux que les équipages, après avoir amené les maîtres près le vestibule, s’en retournent par les dehors pour aller à leur destination.

On appelle à la campagne basse-cour, non-seulement celles qui servent aux mêmes usages dont nous venons de parler, mais aussi celles destinées au pressoir, sellier, bûcher, ainsi que celles des bestiaux, des grains, &c. (P)

Basse-eau, ou Basse-mer (Marine) ; se dit de la mer retirée, & lorsque l’eau n’est pas plus haute qu’elle étoit avant que la mer commençât à monter, ce qui est entierement opposé à plaine mer. (Z)

Basse-enceinte, s. f. c’est la même chose que la fausse-braie, en terme de Fortification. V. Fausse-braie. (Q)

Basse-justice. (Jurisprudence.) Voyez Justice, & Fonciere. V. aussi ci-dessus Bas-justicier. (H)

Basse-taille, s. m. acteur de l’opéra ou d’un concert qui chante les rôles de basse-taille. Voy. Basse.

Ces rôles ont été les dominans ou en sous-ordre, dans les opéra, selon le plus ou le moins de goût que le public a montré pour les acteurs qui en ont été chargés.

La basse-taille étoit à la mode pendant tout le tems que Thevenard a resté au théatre : mais les compositeurs d’à present font leurs rôles les plus brillans pour la haute-contre.

Les rôles de Roland, d’Egée, d’Hidraot, d’Amadis de Grece, &c. sont des rôles de basse-taille.

On appelle Tancrede l’opéra des basse-tailles, parce qu’il n’y a point de rôles de haute-contre, & que ceux de Tancrede, d’Argant & d’Ismenor sont des rôles fort beaux de basse-taille.

Les Magiciens, les Tyrans, les Amans haïs sont pour l’ordinaire des basses-tailles ; les femmes semblent avoir décidé, on ne sait pourquoi, que la haute-contre doit être l’amant favorisé, elles disent que c’est la voix du cœur ; des sons mâles & forts allarment sans doute leur délicatesse. Le sentiment, cet être imaginaire dont on parle tant, qu’on veut placer par-tout, qu’on décompose sans cesse sans l’éprouver, sans le définir, sans le connoître, le sentiment a prononcé en faveur des hautes-contre. Lorsqu’une basse-taille nouvelle se sera mise en crédit, qu’il paroîtra un autre Thevenard, ce système s’écroulera de lui-même, & vraissemblablement on se servira encore du sentiment pour prouver que la haute-contre ne fut jamais la voix du cœur. V. Haute-contre. (B)

Basses-voiles, c’est ainsi qu’on appelle en Marine, la grande voile & celle de misene ; quelques-uns y ajoûtent l’artimon, qui ne doit pas y être compris quand on dit amarez les basses-voiles ; car l’artimon n’a point de coüets. (Z)

BASSÉE s. f. (Commerce.), mesure dont on se sert en quelques lieux d’Italie, pour mesurer les liquides. La bassée de Verone est la sixieme partie de la brinte. Voyez . (G)

* Bassée (la), Géog. ville des Pays-Bas François, au comté de Flandre, sur les confins de l’Artois, & sur un canal qui se rend dans la Deule. Longit. 20. 30. lat. 50. 53.

BASSE-LISSE. Voyez Lisse.

* BASSEMPOIN (Géog.), petite ville de France, dans la Gascogne.

* BASSENTO (Géog.), riviere de la Calabre citérieure, qui passe à Cosenze, & se joint au Grate.

* BASSESSE, abjection (Gramm.) termes synonymes, en ce qu’ils marquent l’un & l’autre l’état où l’on est : mais si on les construit ensemble, dit M. l’abbé Girard, abjection doit précéder bassesse, & la délicatesse de notre langue veut que l’on dise, état d’abjection, bassesse d’état.

L’abjection se trouve dans l’obscurité où nous nous enveloppons de notre propre mouvement, dans le peu d’estime qu’on a pour nous, dans le rebut qu’on en fait, & dans les situations humiliantes où l’on nous réduit. La bassesse, continue le même auteur, se trouve dans le peu de naissance, de mérite, de fortune & de dignité.

Observons ici combien la langue seule nous donne de préjugés, si la derniere reflexion de M. l’abbé Girard est juste. Un enfant, au moment où il reçoit dans sa mémoire le terme bassesse, le reçoit donc comme un signe qui doit réveiller pour la suite dans son entendement les idées de défaut de naissance, de mérite, de fortune, de condition, & de mépris : soit qu’il lise, soit qu’il écrive, soit qu’il médite, soit qu’il converse, il ne rencontrera jamais le terme bassesse, qu’il ne lui attache ce cortége de notions fausses ; & les signes grammaticaux ayant cela de particulier, en morale sur-tout, qu’ils indiquent non seulement les choses, mais encore l’opinion générale que les hommes qui parlent la même langue, en ont conçûe, il croira penser autrement que tout le monde & se tromper, s’il ne méprise pas quiconque manque de naissance, de dignités, de mérite & de fortune ; & s’il n’a pas la plus haute vénération pour quiconque a de la naissance, des dignités, du mérite & de la fortune ; & mourra peut-être, sans avoir conçû que toutes ces qualités étant indépendantes de nous, heureux seulement celui qui les possede ! Il ne mettra aucune distinction entre le mérite acquis & le mérite inné ; & il n’aura jamais sû qu’il n’y a proprement que le vice qu’on puisse mépriser, & que la vertu qu’on puisse loüer.

Il imaginera que la nature a placé des Êtres dans l’élévation, & d’autres dans la bassesse ; mais qu’elle ne place personne dans l’abjection ; que l’homme s’y jette de son choix, ou y est plongé par les autres ; & faute de penser que ces autres sont pour la plûpart injustes & remplis de préjugés, la différence mal-fondée que l’usage de sa langue met entre les termes bassesse & abjection, achevera de lui corrompre le cœur & l’esprit.

La piété, dit l’auteur des Synonymes, diminue les amertumes de l’état d’abjection. La stupidité empêche de sentir tous les desagrémens de la bassesse d’état. L’esprit & la grandeur d’ame font qu’on se chagrine de l’un, & qu’on rougit de l’autre.

Et je dis moi que les termes abjection, bassesse, semblent n’avoir été inventés que par quelques hommes injustes dans le sein du bonheur, d’où ils insultoient à ceux que la nature, le hasard, & d’autres causes pareilles n’avoient pas également favorisés ; que la Philosophie soûtient dans l’abjection où l’on est tombé, & ne permet pas de penser qu’on puisse naître dans la bassesse ; que le philosophe sans naissance, sans bien, sans fortune, sans place, saura bien qu’il n’est qu’un être abject pour les autres hommes, mais ne se tiendra point pour tel ; que s’il sort de l’état prétendu de bassesse qu’on a imaginé, il en sera tiré par son mérite seul ; qu’il n’épargnera rien pour ne pas tomber dans l’abjection, à cause des inconvéniens physiques & moraux qui l’accompagnent ; mais que s’il y tombe, sans avoir aucun mauvais usage de