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gne on ne s’on servoit de son tems qu’en médicament contre les ulceres ; & il ajoûte qu’il n’y a rien de meilleur pour blanchir les dents, que de les frotter avec du beurre.

Clement d’Alexandrie remarque que les anciens Chrétiens d’Egypte brûloient du beurre dans leurs lampes, sur leurs autels, au lieu d’huile ; & les Abyssiniens, suivant Godignus, conservent cette pratique. Dans les églises Romaines il étoit permis anciennement pendant les fêtes de Noël, de se servir de beurre au lieu d’huile, à cause de la grande consommation qui se faisoit de cette derniere dans d’autres usages.

Scockius écrivit un volume assez gros, de butiro & aversione casei, sur le beurre & sur l’aversion du fromage, où il traite de l’origine & des phénomenes du beurre. Il a recherché si le beurre étoit connu du tems d’Abraham, & si ce n’étoit pas le mets avec lequel il traita les Anges : il examine comment on le préparoit chez les Scythes, d’où viennent ses différentes couleurs ; il enseigne comment il faut lui donner sa couleur naturelle, le battre, le saler, le garder, &c. La partie du Suffolk, en Angleterre, qu’on appelle le haut Suffolk, est un terrein riche, tout employé à des laiteries ; elle passe encore pour fournir le meilleur beurre, & peut-être le plus mauvais fromage d’Angleterre : le beurre est mis en barrils, ou assaisonné dans des petites caques, & vendu à Londres, ou même envoyé aux Indes occidentales, d’où les voyageurs nous disent qu’on l’a quelquefois rapporté aussi bon qu’au départ.

Voici la maniere dont on fait le beurre dans nos campagnes : quand le lait est refroidi & un peu reposé, on en va lever la creme avec une grande cueillere bien nette, & on la met dans un pot jusqu’à ce qu’on l’employe. Pour faire le beurre, on jette la creme dans une baratte, voyez Baratte. Il faut que la baratte soit bien lavée : on bat cette creme avec la batte-beurre, jusqu’à ce qu’elle s’épaississe. S’il arrive que les grandes chaleurs l’empêchent de prendre promptement ; alors tirez une vache, & jettez de son lait chaud une juste quantité dans la baratte ; ou, si vous êtes en hyver, approchez un peu la baratte du feu tandis que vous battrez. Il y en a qui pensent que la creme prend plus promptement, si l’on met dans la baratte une piece d’argent. Quand le beurre sera bien fait & bien lavé avec de l’eau, on le serrera dans un lieu propre & frais.

Le beurre du mois de Mai est le plus estimé & le meilleur ; celui qu’on fait en été entre les deux Notre-Dame, vient après : celui du commencement de l’automne est moins bon que les précédens ; mais il vaut mieux que celui qui se fait plus tard. Il faut le choisir d’une odeur & d’une saveur douce : quant à la couleur, il faut qu’elle soit jaune, mais d’une jaune peu foncé.

On a deux sortes de beurre : le salé & le fondu. Pour saler le beurre, prenez-en deux livres à la fois ; étendez-le avec un rouleau sur une table bien nette ; saupoudrez-le de sel bien égrugé ; pliez-le en trois ou quatre ; pétrissez-le bien ; étendez-le de nouveau ; salez une seconde fois & pétrissez ; goûtez-le ensuite, & s’il vous paroît assez salé, prenez un pot de grès, couvrez le fond de sel, mettez y votre beurre, & fermez votre pot avec un autre lit de sel ; ou faites une saumure de sel fondu dans l’eau, & versez-la dessus ; renouvellez de tems en tems cette saumure ; mettez sur cette saumure quelques doubles de papier, & placez votre pot dans un lieu frais.

Pour faire fondre le beurre, il faut le mettre dans un chaudron, sur un feu clair & moderé ; le faire bouillir jusqu’à ce qu’il soit cuit ; l’écumer, & le verser dans des pots de grès. Il se gardera pendant deux ans entiers, quoiqu’on n’y ait point mis de sel.

La Bretagne est celle de nos provinces qui passe

pour fournir le meilleur beurre. Il nous vient dans de petits pots de terre grise, couvert d’un lit de sel blanc.

Beurre, en Chimie ; les Chimistes employent ce mot pour signifier plusieurs de leurs préparations, comme le beurre d’antimoine, celui d’arsenic, de cire, de saturne, &c. par rapport à la consistance de ces substances, qui approchent de celle du beurre.

Le beurre d’antimoine se fait avec une partie d’antimoine crud qu’on met en poudre dans un mortier ; ensuite on le broye sur le porphyre, en y mêlant peu-à-peu deux parties de sublimé corrosif. On met ce mêlange dans une cornue de verre qui est lutée, & dont la moitié reste vuide. On laisse la cornue en cet état dans un lieu humide, sans la boucher, pendant deux ou trois jours ; ensuite on la place dans un bain de sable ; on y ajuste un récipient, & après avoir luté les jointures, on donne un feu doux, qu’on augmente peu, mais qu’on continue long-tems, c’est-à-dire, jusqu’à ce qu’il ne paroisse plus découler rien par le bec de la cornue. En laissant le mêlange dans la cornue, avant que de la mettre au feu, la matiere s’humecte un peu à l’air, & l’acide qui est dans le sublimé corrosif, commence à agir sur l’antimoine, & s’y joint plus intimement. Par cette précaution, on a aussi un beurre moins épais. Si malgré cela, il venoit assez épais pour s’amasser dans le cou de la cornue, il faudroit en approcher un charbon allumé, qui fera fondre le beurre, & le fera tomber plus promptement dans le récipient. On voit aussi que pour prévenir cet inconvénient de l’embarras du beurre dans le cou de la cornue, ce qui la feroit casser, & donneroit des vapeurs fort dangereuses, il est nécessaire d’employer pour faire cette opération, une cornue dont le col soit large & court. On doit avertir l’artiste qu’il faut qu’il évite soigneusement de respirer de la poudre qui s’éleve en broyant le sublimé corrosif avec l’antimoine ; il lui suffit pour cela de détourner la tête, & de broyer doucement & également.

Le beurre d’antimoine exposé à l’air, y prend de l’humidité & se liquéfie. Lorsque le beurre d’antimoine ressemble plus par sa consistance à l’huile qu’au beurre, on le nomme l’huile glaciale d’antimoine. Il faut avoir soin de mettre dans la cornue le mêlange, de façon qu’il ne reste rien dans le col, parce que s’il y restoit quelque chose du mêlange, cela saliroit le beurre.

Si on a un beurre d’antimoine qui soit brun & épais, on le rectifie pour l’éclaircir & l’avoir plus coulant, & on le rectifie dans une cornue à feu doux ; c’est ce qu’on nomme beurre d’antimoine rectifié.

Basile Valentin rectifioit trois fois le beurre d’antimoine avec de l’esprit-de-vin ; il les mettoit digérer ensemble pendant trois mois avant que de redistiller ; & il ajoûtoit de nouvel esprit-de-vin à chaque distilation. Le beurre d’antimoine devient par ce moyen liquide, & rouge comme du sang.

Duchesne qui appelloit antidote polychreste, le beurre d’antimoine, le rectifioit trois fois aussi, laissant chaque fois le résidu, & il cohoboit sur ce beurre d’antimoine de l’esprit d’hydromel vieux, jusqu’à ce qu’il fût doux. Enfin il tiroit l’esprit par la distillation, jusqu’à ce que ce qui restoit fût en consistance d’huile ; & il le faisoit prendre comme fébrifuge, depuis une goutte jusqu’à six.

La quantité du beurre d’antimoine qu’on retire est le tiers du mêlange qu’on a employé pour le faire, c’est-à-dire, que si on a employé quatre onces d’antimoine & huit onces de sublimé corrosif, on en retire quatre onces de beurre d’antimoine ; on doit même en tirer quatre onces & demie.

Il faut observer que le récipient qu’on met pour recevoir le beurre, doit être sec ; s’il étoit humide, le beurre s’y mettroit en poussiere.