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espolins comme les couleurs. Le coup commence ici par le fond, un autre coup commencera par le verd, par le jaune, &c.

Dans le dessein proposé, le fond A est blanc ; la tige B est verte ; les parties C, C, C, C, de la fleur sont jaunes ; les parties D, D, D, &c. sont lilas foncé ; les parties E, E, E, E, &c. sont lilas plus clair ; les parties F, F, F, &c. violet.

Ces couleurs se succedent assez ordinairement à la tire les unes aux autres dans un même ordre, cela facilite beaucoup l’exécution de l’ouvrage : c’est l’habitude de travailler & la connoissance de son dessein ; c’est un petit morceau d’étoffe de la couleur qui rentre, attaché au lacs, qui avertit qu’elle va commencer, & qu’une autre couleur a cessé.

Plus il y a de couleurs, moins il regne d’ordre entre la maniere dont elles se succedent, plus l’ouvrage demande d’attention de la part de l’ouvrier.

Il est, je crois, démontré pour quiconque connoît un peu le métier, que sur un métier bien monté, & avec un grand nombre de semples, on parviendroit à exécuter des figures humaines, & des animaux nuancés comme dans la peinture.

Il y a ici douze lisses, huit pour le satin, & quatre pour lier le fond & la dorure. La chaîne est de trois milles six cents fils ; partant chaque lisse de satin fait travailler la huitieme partie de trois mille six cents. Quant aux lisses de liage, la premiere ne prend que le dixieme fil de chaîne ; la seconde, que le vingtieme, la troisieme que le trentieme, & ainsi de suite.

Il faut bien remarquer que l’étoffe sur laquelle on exécute ici le dessein GHIK n’a que dix pouces ; & qu’on ne l’a supposée telle que pour faciliter l’intelligence de l’opération du brocher.

Quand il n’y a point de dorure, & qu’on veut conserver les lisses de liage, la premiere prend le cinquieme fil ; la seconde, le dixieme, &c.

C’est la couleur du fond & le nombre des couleurs, qui montrent qu’une étoffe est ou brochée ou non brochée.

On peut considérer l’art de brocher, comme une sorte de peinture où les soies répondent aux couleurs, les petites navettes ou espolins aux pinceaux ; & la chaîne a une toile sur laquelle on place & l’on attache les couleurs par le moyen de ses fils, dont on fait lever telle ou telle partie à discrétion au-dessus du reste, par le moyen de ficelles qui correspondent à ces fils, avec cette différence que le peintre est devant sa toile, & que le brocheur est derriere.

* Brocher, (en Bonneterie) c’est tricoter ou travailler avec des broches ou aiguilles.

* Brocher, (chez les Bouchers) c’est après que le bœuf a été égorgé & mis bas, y pratiquer avec la broche des ouvertures pour souffler. Voyez Broche & Souffler.

* Brocher, (chez les Couvreurs) c’est mettre de la tuile en pile sur des lattes, entre les chevrons.

* Brocher, (chez les Cordiers) c’est passer le boulon dans le touret : on dit brocher le touret. Voyez Touret, voyez aussi Corderie.

Brocher, (en Jardinage) se dit des plantes qui montrent de petites pointes blanches, soit à la tête pour pousser de nouvelles branches, soit au pié pour jetter de nouvelles racines. (K)

Brocher, (terme de Maréchal) c’est enfoncer à coup de brochoir, qui est le marteau des Maréchaux, des clous qui passent au-travers du fer & de la corne du sabot, afin de faire tenir le fer au pié du cheval. Brocher haut, c’est enfoncer le clou plus près du milieu du pié. Brocher bas, c’est l’enfoncer plus près du tour du pié. Brocher en musique, c’est brocher tous les clous d’un fer inégalement, tantôt haut, tantôt bas ; ce qui vient du peu d’adresse de celui qui ferre.

On se servoit autrefois de ce mot pour dire : piquer

un cheval avec les éperons, afin de le faire courir plus vîte. (V)

Brocher, (terme de Blason) on dit que des chevrons brochent sur des burelles, pour dire qu’ils passent dans l’écu sur des burelles. Voyez Burelle.

Brocher, (terme de Relieur) c’est plier les feuilles d’un livre les unes sur les autres, les coudre ensemble, & les couvrir de papier marbré ou autre. Voyez Relier.

BROCHET, s. m. lucius, (Hist. nat.) poisson de riviere qui se trouve aussi dans les lacs & les étangs, il est fort commun dans toutes les eaux douces. Le brochet est long, son dos est presque quarré, lorsqu’il est gras. Il a le ventre gros, la queue courte, la tête quarrée & percée de petits trous ; le bec allongé à peu près comme celui d’une oie : il y a sur le devant de la mâchoire inférieure de petites dents recourbées en dedans. La mâchoire supérieure n’en a point de correspondantes à celles de l’autre mâchoire : mais il y en a deux rangs sur le palais. Les yeux sont de couleur d’or, les écailles sont petites & minces ; desorte que lorsque ce poisson est jeune, il semble n’avoir point d’écailles : mais elles deviennent dans la suite dures & apparentes. Le corps est parsemé de taches jaunâtres, le dos est noirâtre, le ventre blanc, les côtés de couleur d’argent : mais lorsque le brochet est vieux, ils sont de couleur d’or ; plus ce poisson est jeune, plus il approche de la couleur verte. Il a deux nageoires au bas des ouies, deux autres au bas du ventre qui sont fortes. Il y a auprès de la queue une nageoire de couleur dorée & tachetée de noir, posée en dessus, & une autre en dessous ; la queue est fourchue & parsemée de taches brunes. La ligne qui s’étend le long du corps dans le milieu n’est marquée que par de petits points. Les brochets des grandes rivieres & des lacs ont la chair ferme ; ceux au contraire qui sont dans les eaux dormantes & fangeuses, ne sont pas bons à manger. Ces poissons sont très-voraces ; ils s’efforcent quelquefois pour avaler d’autres poissons qui sont presqu’aussi gros qu’eux : ils commencent par la tête, & ils attirent peu à peu le reste du corps à mesure qu’ils digerent ce qui est dans leur estomac ; on les a vû avaler de petits chiens & de petits chats que l’on avoit noyés dans des rivieres. Souvent ils se nourrissent de grenoüilles : mais on dit que s’ils avalent un crapaud de terre ils le vomissent. On prétend qu’ils n’attaquent point les perches à cause des aiguillons qu’elles ont sur le dos ; cependant on a rapporté qu’ils prenoient les perches en travers dans leur bouche, & qu’ils les y tenoient jusqu’à ce qu’elles fussent mortes avant que de les avaler. Ce qu’il y a de certain, c’est qu’ils n’épargnent pas même les poissons de leur espece. Rondelet. Willughbi. Voyez Poisson. (I)

Brochet de mer. Voyez Spet. (I)

* On lit dans du Bravius de Piscinis & piscium, lib. I. chap. ij. que la grenouille saute quelquefois sur la tête du brochet, l’embrasse de ses pattes, qu’elle les lui met dans les yeux, & les lui creve. Aldrovande & Cardan prétendent que si l’on jette un brochet à qui on aura ouvert le ventre, dans un étang ou un réservoir où il y ait des tanches, il ne mourra pas de sa blessure ; l’humeur gluante de la tanche, contre laquelle il va se frotter, l’ayant bien-tôt fait cicatriser. Voilà des faits qu’il seroit aisé de vérifier : il ne s’agiroit pour le premier, que de tenir pendant long-tems un brochet dans un réservoir où il y auroit bien des grenouilles, & où il n’y auroit que cela ; & pour le second, que de blesser un brochet & le jetter entre des tanches.

On croit que le brochet vit long-tems. On dit qu’il en fut trouvé un dans un étang d’Allemagne en 1497, qui avoit un anneau d’airain passé dans la couverture de ses ouies, sur lequel il y avoit une inscription