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ples de la Gaule Septique, qui habitoient le Maine, & dont il passa en Italie une colonie qui conserva le même nom.

CENOTAPHE, s. m. tombeau vuide ou monument qui ne contient point de corps ni d’ossemens, & dressé seulement pour honorer la mémoire de quelque mort. Voyez Tombeau & Monument.

Ce mot est formé du Grec κενὸς, vuide, & τάφος, tombeau. (G)

CENS, census, s. m. (Hist. anc. & mod.) parmi les Romains c’étoit une déclaration authentique que les citoyens faisoient de leurs noms, biens, résidence, &c. pardevant des magistrats préposés pour les enregistrer, & qu’on nommoit à Rome censeurs, & censiteurs dans les provinces & les colonies.

Cette déclaration étoit accompagnée d’une énumération par écrit de tous les biens, terres, héritages qu’on possédoit, de leur étendue, situation, quantité, qualité, des femmes, enfans, métayers, domestiques, bestiaux, esclaves, &c. qui s’y trouvoient. Par un dénombrement si exact, l’état pouvoit connoître aisément ses forces & ses ressources.

Ce fut dans cette vûe que le roi Servius institua le cens, qui se perpétua sous le gouvernement républicain. On le renovelloit tous les cinq ans, & il embrassoit tous les ordres de l’état sous des noms différens. Celui du sénat sous le titre de lectio ou recollectio ; celui des chevaliers qu’on appelloit recensio & recognitio ; à celui du peuple demeura le nom de census ou de lustrum, parce qu’on terminoit ce dénombrement par un sacrifice nommé lustrum, d’où la révolution de cinq ans fut aussi appellée lustre.

De-là le mot de census a été aussi en usage pour marquer une personne qui avoit fait sa déclaration aux censeurs, par opposition à incensus, c’est à-dire un citoyen qui n’a fait enregistrer ni son nom ni ses biens. Dans la loi Voconia, census signifie un homme dont les biens sont portés sur le registre des censeurs jusqu’à la valeur de cent mille sesterces. (G)

Quoique dans la démocratie, dit l’illustre auteur de l’Esprit des Lois, l’égalité soit l’ame de l’état, cependant comme il est presqu’impossible de l’établir, il suffit qu’on établisse un cens qui réduise ou fixe les différences à un certain point ; après quoi c’est à des lois particulieres à tempérer cette inégalité, en chargeant les riches & soulageant les pauvres.

Le même auteur prouve, liv. XXX. ch. xv. qu’il n’y a jamais en de cens général dans l’ancienne monarchie Françoise, & que ce qu’on appelloit cens, étoit un droit particulier levé sur les serfs par les maîtres. (O)

Cens, s. m. (Jurisp.) est une rente fonciere dûe en argent ou en grain, ou en autre chose, par un héritage tenu en roture au seigneur du fief dont il releve. C’est un hommage & une reconnoissance de la propriété directe du seigneur. Le cens est imprescriptible & non rachetable ; seulement on en peut prescrire la quotité ou les arrérages par 30 ou 40 ans.

Le cens, dans les premiers tems, égaloit presque la valeur des fruits de l’héritage donné à cens, comme font aujourd’hui nos rentes foncieres ; de sorte que les censitaires n’étoient guere que les fermiers perpétuels des seigneurs, dont les revenus les plus considérables consistoient dans leurs censives. Ce qui en fait à présent la modicité, c’est l’altération des monnoies, qui lors de l’établissement des censives étoient d’une valeur toute autre.

Le cens est la premiere redevance qui est imposée par le seigneur direct, dans la concession qu’il fait de son héritage. Toutes les autres charges imposées depuis n’ont pas le privilége du cens.

Le cens reçoit diverses dénominations, comme de champart, terrage, agrier, avenage, carpot, complant, & autres ; droits qui tous, quelque nom qu’ils

portent, entraînent avec eux celui de lods & ventes, s’ils ont été imposés lors de la premiere concession, & qu’il n’y ait point d’autre charge imposée spécialement à titre de cens.

La plûpart des coûtumes prononcent une amende faute de payement du cens, au jour & lieu qu’il est dû, sans préjudice de la saisie que le seigneur peut faire des fruits pendans sur l’héritage redevable du cens, qu’on appelle arrêt ou brandon. Voyez Arrêt & Brandon.

Les héritages situés dans la ville & banlieue de Paris sont exempts de cette amende : mais le seigneur, faute de payement du cens, peut procéder sur les meubles, étant en iceux par voie de saisie-gagerie, pour trois années ou moins ; car s’il a laissé amasser plus de trois années, il n’a que la voie ordinaire de l’action. Voyez Gagerie. (H)

CENSAL, s. m. (Commerce.) terme en usage sur les côtes de Provence & dans les échelles du Levant. Il signifie la même chose que courtier. V. Courtier.

Les marchands & négocians payent ordinairement un demi pour cent au censal pour son droit de censerie ou de courtage. Voyez Courtage.

La plûpart des censals du Levant, mais particulierement ceux qui font la censerie ou courtage au grand Caire, sont Arabes de nation. Dans les négociations qui se font entre les marchands Européens & ceux du pays, ou pour l’achat ou la vente des marchandises, tout se passe en mines & en grimaces ; & c’est sur-tout une comédie quand le censal veut obliger le marchand Européen de payer la marchandise de son compatriote à son premier mot, ou du moins de n’en guere rabattre.

Lorsque l’Européen a fait son offre, toûjours au-dessous de ce que le vendeur en demande, le censal Arabe fait semblant de se mettre en colere, hurle & crie comme un furieux, s’avance comme pour étrangler le marchand étranger, sans pourtant lui toucher. Si cette premiere scene ne réussit pas, il s’en prend à lui-même, déchire ses habits, se frappe la poitrine à grands coups de poing, se roule à terre, & crie comme un desesperé, qu’on insulte un marchand d’honneur, que sa marchandise n’a point été volée pour en mesoffrir si extraordinairement. Enfin le négociant d’Europe accoûtumé à cette burlesque négociation, restant tranquile & n’offrant rien de plus, le censal reprend aussi sa tranquillité, lui tend la main, & l’embrasse étroitement en signe de marché conclu, & finit la piece par ces mots halla quebar, halla quebir, Dieu est grand & très-grand, qu’il prononce avec autant de sens-froid qu’il a marqué auparavant de véhemence & d’agitation. Dictionn. du Comm. (G)

CENSE, s. f. (Jurisprud.) est une petite métairie qu’on donne à ferme, & quelquefois à rente ; ce qui s’appelle acenser une métairie. (H)

CENSERIE, s. f. (Commerce.) se dit de tout ce qui signifie courtage, & quelquefois de la profession même du censal, & du droit qui lui est dû. Voyez Censal & Courtage. (G)

CENSEUR, s. m. (Hist. anc.) l’un des premiers magistrats de l’ancienne Rome, qui étoit chargé de faire le dénombrement du peuple, & la répartition des taxes pour chaque citoyen. Ses fonctions avoient encore pour objet la police, & la réformation des mœurs dans tous les ordres de la république.

Le nom de censeur vient de censere, estimer, évaluer, parce que cet officier évaluoit les biens de chacun, enregistroit leurs noms, & distribuoit le peuple par centuries. Selon quelques auteurs, ce terme est dérivé de l’inspection que les censeurs avoient sur les mœurs & sur la police.

Il y avoit à Rome deux censeurs. Les premiers furent créés en 311, c’étoient Papirius & Sempronius : Le sénat qui voyoit que les consuls étoient assez oc-