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pierres taillées, pour les transporter du chantier au bâtiment. (P)

Chariot à canon, c’est un chariot qui sert uniquement à porter le corps d’une piece de canon. Il consiste en une fleche, deux brancards, deux essieux, quatre roues, & deux limonnieres. (Q)

Chariot ou Carrosse, (Corderie.) assemblage de charpente qui sert à supporter & à conduire le toupin. Il y a des chariots qui ont des roues, & d’autres qui sont en traîneaux. Voyez l’article Corderie.

* CHARISIES, s. f. pl. (Mythologie.) fêtes instituées en l’honneur des Graces que les Grecs nommoient Charites. Une des particularités de ces fêtes, c’étoit de danser pendant toute la nuit ; celui qui résistoit le plus long-tems à cette fatigue & au sommeil, obtenoit pour prix un gâteau de miel & d’autres friandises que l’on nommoit charisia.

* CHARISTERIES, s. m. pl. (Hist. anc. & Mytholog.) c’étoit des fêtes qui se célébroient à Athenes le 12 du mois de Boëdromion, en mémoire de la liberté que Thrasibule avoit rendue aux Athéniens, en chassant les trente tyrans. On nommoit en Grece ces fêtes, χαριστήρια ἐλευθερίας charisteria libertatis.

* CHARISTICAIRE, s. m. (Hist. eccles.) commendataires ou donataires, à qui on avoit accordé par une formule particuliere que Jean d’Antioche a conservée, la joüissance des revenus des hôpitaux & monasteres, tant d’hommes que de femmes. Ces concessions injustes se sont faites indistinctement à des ecclésiastiques, à des laïcs, & même à des personnes mariées : on les a quelquefois assurées sur deux têtes. On en transporte l’origine jusqu’au tems de Constantin Copronyme. Il paroît que les empereurs & les patriarches de l’église grecque, dans l’intention de réparer & de conserver les monasteres, continuerent une dignité que la haine de Copronyme avoit instituée dans le dessein de les détruire, mais que les successeurs des premiers charisticaires, mieux autorisés dans la perception des revenus monastiques, n’en furent pas toûjours plus équitables dans leur administration. Il est singulier qu’on ait crû que le même moyen pourroit servir à deux fins entierement opposées, & que les revenus des moines seroient mieux entre les mains des étrangers qu’entre les leurs. Voy. Bingh. antiq. Hist. eccles. Eccles. græc. monum. cont.

* CHARISTIES, s. f. pl. (Mythologie,) fêtes que les Romains célébroient le 19 Février en l’honneur de la déesse Concorde. On se visitoit pendant ces fêtes ; on se donnoit des repas ; on se faisoit des présens ; les amis divisés se reconcilioient : une particularité de ces repas, c’est qu’on n’y admettoit aucun étranger. Il semble qu’il se soit conservé quelques vestiges des charisties dans nos repas & festins de familles, qui ne sont jamais si fréquens qu’à-peu-près dans le même tems où ces fêtes étoient célébrées par les Romains.

CHARITATIF, adj. (Jurisprud.) terme de droit canonique, ne se dit point seul, mais est ordinairement joint avec le terme de don ou de subside. Il signifie une contribution modérée que les canons permettent à l’évêque de lever sur ses diocésains en cas d’urgente nécessité ; par exemple si ses revenus ne lui fournissent pas de quoi faire la dépense nécessaire pour assister à un concile auquel il est appellé. (A)

* CHARITÉ, s. f. (Théologie.) on la définit une vertu théologale, par laquelle nous aimons Dieu de tout notre cœur, & notre prochain comme nous-mêmes. Ainsi la charité a deux objets matériels, Dieu & le prochain. Voy. Objet & Materiel.

La question de la charité ou de l’amour de Dieu, a excité bien des disputes dans les écoles. Les uns ont prétendu qu’il n’y avoit de véritable amour de

Dieu que la charité ; & que toute action qui n’est pas faite par ce motif, est un péché.

D’autres plus catholiques, qui n’admettent pareillement d’amour de Dieu que celui de charité, mais qui ne taxent point de péchés les actions faites par d’autres motifs, demandent si cette charité suppose, ou ne suppose point de retour vers soi. Alors ils se partagent, les uns admettent ce retour, les autres le rejettent.

Ceux qui l’admettent distinguent la charité en parfaite & en imparfaite. La parfaite, selon eux, ne differe de l’imparfaite que par l’intensité des degrés, & non par la diversité des motifs, comme le pensent leurs adversaires. Ils citent en faveur de leurs sentimens ce passage de saint Paul, cupio dissolvi & esse cum Christo, où le desir de la possession est joint à la charité la plus vive.

Les uns & les autres traitent d’erreur le rigorisme de ceux dont nous avons parlé d’abord, qui font des péchés de toute action qui n’a pas le motif de charité ; & ils enseignent dans l’église, que les actions faites par le motif de la foi, de l’espérance ou de la crainte de Dieu, loin d’être des péchés, sont des œuvres méritoires : ils vont plus loin ; celles qui n’ont même pour principe que la vertu morale, sont bonnes & loüables selon eux, quoique non méritoires pour le salut. Voy. Grace, Vertu morale, Contrition, &c.

Il y a deux excès à éviter également dans cette matiere ; & ce qu’il y a de singulier, c’est que, quoiqu’ils soient directement opposés dans leurs principes, ils se réunissent dans leurs conséquences. Il y en a qui aiment Dieu en pensant tellement à eux, que Dieu ne tient que le second rang dans leur affection. Cet amour mercenaire ressemble à celui qu’on porte aux personnes, non pour les bonnes qualités qu’elles ont, mais seulement pour le bien qu’on en espere : c’est celui des faux amis, qui nous abandonnent aussi-tôt que nous cessons de leur être utiles. La créature qui aime ainsi, nourrit dans son cœur une espece d’athéisme : elle est son dieu à elle-même. Cet amour n’est point la charité ; on y trouveroit en le sondant, plus de crainte du diable que d’amour de Dieu.

Il y en a qui ont en horreur tout motif d’intérêt ; ils regardent comme un attentat énorme cet autel qu’on semble élever dans son cœur à soi-même, & où Dieu n’est, pour ainsi dire, que le pontife de l’idole. L’amour de ceux-ci paroît très-pur ; il exclut tout autre bien que le plaisir d’aimer ; ce plaisir leur suffit ; ils n’attendent, ils n’esperent rien au-delà : tout se réduit pour eux à aimer un objet qui leur paroît infiniment aimable ; un regard échappé sur une qualité relative à leur bonheur, souilleroit leur affection ; ils sont prêts à sacrifier même ce sentiment si angélique, en ce qu’il a de sensible & de réfléchi, si les épreuves qui servent à le purifier exigent ce sacrifice. Cette charité n’est qu’un amour chimérique. Ces faux spéculatifs ne s’apperçoivent pas que Dieu n’est plus pour eux le bien essentiel & souverain. Plaçant le sublime de la charité à se détacher de toute espérance, ils se rendent indépendans, & se précipitent à leur tour dans une espece d’athéisme, mais par un chemin opposé.

Le champ est vaste entre ces deux extrèmes. Les Théologiens sont assez d’accord à temperer & l’amour pur & l’amour mercenaire ; mais les uns prétendent que pour atteindre la vérité, il faut réduire l’amour pur à ses justes bornes ; les autres au contraire, qu’il faut corriger l’amour mercenaire. Ces derniers partent d’un principe incontestable ; savoir que nous cherchons tous naturellement à nous rendre heureux. C’est, selon saint Augustin, la vérité la mieux entendue, la plus constante &