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prendre les socs, coutres, & ferremens des charrues, faute de prestation de ses cens & corvées : mais il étoit défendu de donner en gage aux Juifs ces mêmes ustensiles, comme il est dit dans une ordonnance de 1360. Voyez les ordonn. de la troisieme race, tom. III. pag. 294. & 477.

Une charrue, en matiere de privilége & d’exemption de tailles, signifie la quantité de terres que chaque charrue peut labourer.

Par l’édit du mois de Mars 1667, il fut ordonné que les ecclésiastiques, gentilshommes, chevaliers de Malthe, officiers, privilégiés & bourgeois de Paris, ne pourroient tenir qu’une ferme par leurs mains dans une même paroisse, & sans fraude ; savoir les ecclésiastiques, gentilshommes, & chevaliers de Malthe, le labour de quatre charrues ; & les officiers, privilégiés, & bourgeois de Paris, deux charrues chacun, sans qu’ils puissent joüir de ce privilége que dans une seule paroisse.

L’article 15. du réglement de 1673, porte qu’un bourgeois de Paris peut tenir une ferme par ses mains, ou la faire exploiter par ses valets & domestiques, pourvû qu’elle soit située dans l’étendue de l’élection de Paris, & qu’elle ne contienne que la quantité de terre qu’une charrue peut labourer.

Les réglemens ne fixent point le nombre d’arpens de terre dont une charrue doit être composée, par rapport à l’exemption de tailles. Cela dépend de l’usage & de la mesure des terres dans chaque généralité. Dans celle de Paris, on fixe ordinairement chaque charrue à 120 arpens, c’est-à-dire à quarante arpens par solle ; on ne distingue point si c’est à la grande ou à la petite mesure : cela fait pourtant une différence considérable.

Dans l’Orléannois, une charrue n’est communément que de 28 à 30 arpens par solle, & on la fixe à 90 arpens, c’est-à-dire à 30 arpens par solle, par rapport au privilége.

La déclaration du Roi du 22 Janvier 1752, concernant la noblesse militaire, porte, article 1. que ceux qui seront actuellement au service du Roi, & n’auront point encore rempli les conditions prescrites par l’édit de Novembre 1750, pour acquérir l’exemption de taille, n’auront pas le droit qu’ont les nobles ni même les privilégiés, de faire valoir aucune charrue.

L’article 2. dit, que ceux qui auront rempli les conditions portées par l’édit pour acquérir l’exemption de taille, soit qu’ils soient encore au service du Roi, ou qu’ils s’en soient retirés, pourront faire valoir deux charrues seulement. (A)

CHARTE, s. f. (Jurisp.) du latin carta, ou charta, qui dans le sens littéral signifie le papier ou parchemin, & dans le sens figuré, se prend pour ce qui est écrit sur le papier ou parchemin ; en matiere d’histoire & de jurisprudence, se prend aussi pour lettres, ou ancien titre & enseignement. Le terme de charte est employé dans ce sens dans les coûtumes de Meaux, art. 176. Vitry, art. 119. Nivernois, tit. j. art. 7. en l’ancienne coûtume d’Auxerre, art. 76. Hainaut, ch. ij. lxxxjv. & detn. Normandie, ancienne, ch. vj. x. xv. xviij. liij. lxxxjx. & cjx. Mais on dit communément chartre, qui n’est cependant venu que par corruption de charte. Sous les deux premieres races de nos rois, & au commencement de la troisieme, jusqu’au tems du roi Jean, on appellit chartes ou chartres la plûpart des titres, & principalement les coûtumes, priviléges & concessions, & autres actes innommés. Blanchard, en son recueil chronologique, indique plusieurs chartes depuis Hugues Capet jusqu’en 1232 ; & la derniere charte dont Dutillet fait mention est du roi Jean, pour le sieur de Baigneux, du 23 Décembre 1354, part. I. p. 87. Depuis ce tems on ne s’est plus servi du terme de charte ou chartre

pris dans ce sens, que pour désigner les anciens titres antérieurs à-peu-près à l’époque dont on vient de parler, c’est-à-dire au milieu du xjv. siecle. On se sert encore de ce terme dans les chancelleries, pour désigner certaines lettres qui s’y expédient ; mais on dit aussi chartres, & non pas chartes. Voy. Chartre. (A)

Charte-partie, s. f. (Comm.) c’est un contrat mercantil pour le loüage d’un vaisseau.

Ce mot, dans l’ordonnance de la Marine, a deux synonymes, affrettement, & nolissement ; le premier est d’usage dans l’Océan ; le second, dans la Méditerranée : mais il sembleroit que la charte-partie est plûtôt le nom de l’acte par lequel on affrette ou l’on nolise, que l’affrettement ou le nolissement même, dont il n’est pas une partie essentielle, puisque tous les jours on affrette un vaisseau, c’est-à-dire que l’on y charge des marchandises à un prix convenu sans charte-partie, ou sans convention préliminaire par écrit entre les chargeurs & les propriétaires du bâtiment.

La charte-partie n’est guere d’usage que dans le cas d’un affrettement entier, ou assez considérable pour occasionner l’armement d’un vaisseau. On s’en sert encore pour s’assûrer un affrettement dans un pays éloigné, lors du retour d’un vaisseau qu’on y expédie. Un négociant de Bordeaux retient, par exemple, cent milliers de fret sur le retour d’un navire qui part pour Léogane, afin d’être sûr du prix du fret qu’il aura à payer, du tems & de la saison du chargement à-peu-près, du vaisseau, du capitaine, enfin des convenances.

Il est réciproquement avantageux aux propriétaires du bâtiment, d’être certains qu’il sera rempli. Dans les cas d’un chargement fortuit, ou d’une petite partie, l’affrettement est la police du chargement même, ou le connoissement. Voyez Connoissement.

Lorsqu’un vaisseau a plusieurs propriétaires ou intéressés, ils conviennent ordinairement de donner pouvoir à l’un d’eux pour prendre soin de l’armement ou des préparatifs du voyage. Cet intéressé, appellé l’armateur, est chargé de tous les comptes & des conventions qui regardent le vaisseau : c’est à lui que s’adressent ceux qui veulent l’affretter ou le loüer. Dans l’absence des propriétaires, le capitaine ou le maître les représente, & son fait est celui des propriétaires. Voyez Maître.

Le contrat qui se passe à l’occasion du loüage d’un bâtiment, s’appelle charte-partie. Les propriétaires s’engagent à tenir un vaisseau d’une grandeur spécifiée, en état de naviger dans un tems limité : on a coûtume d’y insérer le nombre des matelots, la qualité des agrès, apparaux & munitions qui paroissent nécessaires pour conduire sûrement le navire au lieu désigné : on y spécifie toutes les conditions de convenance réciproques pour les frais & les secours, tant au chargement qu’au déchargement des marchandises, l’espace de tems dans lequel l’un & l’autre doivent être faits ; & ce terme limité est appellé jours de planche. Si le terme est d’un mois, on dit qu’il est accordé trente jours de planche. Voyez Jours de planche.

Si ce terme expire avant le chargement, il sera dû des dédommagemens par la partie qui a manqué à la convention, & l’on en convient d’avance.

La charte-partie explique si l’affrettement du vaisseau se fait en partie ou en entier ; pour la moitié d’un voyage, c’est-à-dire, pour aller ou pour revenir seulement ; si c’est pour le voyage entier ; si c’est au mois ; enfin si le voyage doit être fait à droiture dans un lieu désigné, ou s’il doit passer dans plusieurs ; ce qui s’appelle faire escale. Voyez Escale.

Le chargeur s’engage par le même acte à payer