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a donné occasion à M. Cowper de faire des expériences sur d’autres animaux, dont les parties ont la même structure que celles de l’homme : il a vû dans l’omentum d’un chat le sang se mouvoir vivement à-travers les inosculations, & il a trouvé la même chose dans l’omentum & mieux encore dans le mesentere d’un chien. Il ajoûte que la diminution des diametres des extrémités des vaisseaux ne suit pas les mêmes proportions dans différens animaux.

Il a souvent observé dans la queue d’un tétard, entre les veines & les arteres, plusieurs communications, à-travers chacune desquelles deux globules pouvoient passer de front. Dans de jeunes poissons, & en particulier dans les petites anguilles, la branche communicante est si petite, qu’un globule de sang y peut à peine passer en une seconde de tems.

Il resteroit ici bien des questions à examiner sur les valvules des veines, la distribution des vaisseaux lymphatiques, la vîtesse du sang, sa circulation dans le foie & dans quelques autres visceres ; mais nous renvoyons tout cela aux mots Veine, Artere, Sang, Foie, &c.

Les parties qui servent à la circulation ne sont pas tout-à-fait les mêmes dans le fœtus que celles que nous venons de décrire ; la cloison qui sépare les deux oreillettes du cœur est percée d’un trou qu’on appelle le trou ovale ; le tronc de l’artere pulmonaire, peu après qu’elle est sortie du cœur, jette dans l’aorte descendante un canal que l’on appelle canal de communication : le fœtus étant né, le trou ovale se ferme peu-à-peu, & le canal de communication se desseche, & devient un simple ligament. Voyez Trou, Ovale, &c.

Ce méchanisme une fois connu, il est aisé d’en appercevoir les usages ; car tandis que le fœtus est enfermé dans le sein de sa mere, ses poumons ne peuvent s’enfler & se desenfler comme ils feront après sa naissance, & après l’entrée libre de l’air : ils demeurent donc presque affaissés & sans mouvement ; car leurs vaisseaux sont comme repliés en eux-mêmes, & ne permettent pas que le sang y circule ni en abondance ni avec facilité. La nature a donc dû épargner aux poumons le passage de la plus grande partie de la masse du sang : pour cela elle a percé le trou ovale, afin qu’une partie du sang de la veine cave reçû dans l’oreillette droite passât dans l’oreillette gauche, & par-là se trouvât, pour ainsi dire, aussi avancée que si elle avoit traversé le poumon.

Ce n’est pas tout : car le sang de la veine cave qui de l’oreillette droite tombe dans le ventricule droit, étant en trop grande quantité pour aller dans le poumon où il est poussé par l’artere pulmonaire, le canal de communication en intercepte une partie en chemin, & le verse immédiatement dans l’aorte descendante. Voyez Fœtus, &c.

Tel est le sentiment de Harvey & de Lower, & de plusieurs autres Anatomistes : mais M. Mery, de l’Académie royale des Sciences, y a fait une innovation.

Il donne une autre usage au trou ovale, & il soûtient que de toute la masse du sang qui est portée par la veine cave au ventricule droit, une partie passe comme dans les adultes dans l’artere pulmonaire, d’où une partie est ensuite portée par le canal de communication dans l’aorte descendante, sans circuler par le poumon, & la partie qui traverse le poumon revient ensuite dans l’oreillette gauche, se partage encore en deux, dont l’une passe par le trou ovale dans le ventricule droit, sans avoir circulé par l’aorte & par tout le corps ; l’autre est poussée à l’ordinaire par la contraction du ventricule gauche dans l’aorte, & dans tout le corps du fœtus.

Toute la question se réduit donc à savoir si le sang

qui passe par le trou ovale, passe du côté droit du cœur dans le gauche, selon l’opinion commune, ou du gauche dans le droit, selon M. Mery.

M. Duverney s’étoit déclaré pour l’ancien système ; il soûtenoit qu’au trou ovale il y avoit une valvule disposée de façon à s’ouvrir lorsque le sang est chassé dans le ventricule droit, & à se fermer exactement lorsqu’il est poussé dans le gauche : mais M. Mery nie l’existence d’une pareille valvule.

De plus dans l’adulte, l’aorte devant recevoir tout le sang de la veine pulmonaire, se trouve de même grosseur que celle-ci ; mais dans le fœtus l’artere pulmonaire & l’aorte recevoient des quantités inégales de sang dans les deux systèmes.

Selon l’opinion ordinaire, l’aorte qui reçoit plus de sang que la pulmonaire, devroit être la plus grosse des deux ; suivant le sentiment de M. Mery, l’aorte pulmonaire doit être au contraire la plus grande des deux, parce qu’il pense qu’elle doit recevoir une plus grande quantité de sang.

Pour juger lequel des deux systèmes est le vrai, il n’y a donc qu’à voir lequel de ces deux vaisseaux, l’aorte ou l’artere pulmonaire, a le plus de capacité dans le fœtus.

M. Mery trouva toûjours que le tronc de l’artere pulmonaire étoit environ moitié plus gros que celui de l’aorte.

Et d’un autre côté M. Tauvry, éleve de M. Duverney, fit voir deux sujets dans lesquels l’artere pulmonaire étoit moindre que l’aorte, & les faits furent examinés des deux côtés par l’Académie.

M. Tauvry ajoûte que quoique l’artere pulmonaire soit plus grosse que l’aorte, cela ne prouve pas néanmoins qu’il passe plus de sang dans la premiere que dans la seconde de ces arteres, puisqu’on peut attribuer cette structure à la pression du sang qui est plus forte vers les poumons qu’il a de la peine à pénétrer, & qui par cette raison distend les parois de cette artere, & l’élargit très-facilement.

M. Littre en disséquant un adulte dans lequel le trou ovale étoit toûjours ouvert, & mesurant les capacités des vaisseaux de chaque côté, se déclara pour M. Mery. Ainsi la question est fort indécise.

Quant à la cause de la circulation du sang dans le fœtus, les Anatomistes sont encore divisés là-dessus. L’opinion commune est que pendant la grossesse les arteres de la matrice versent leur sang dans le placenta, qui s’en nourrit ; le surplus de ce sang entre dans les racines de la veine ombilicale, qui fait partie du cordon ; de-là il est porté au foie du fœtus dans le tronc de la veine-porte, d’où il passe dans la veine-cave & dans le ventricule droit du cœur, & se distribue comme ci-dessus. De plus le sang qui sort des arteres iliaques du fœtus entre dans le cordon par les arteres ombilicales, de-là dans le placenta, où il est repris par les veines de la matrice qui le reportent à la mere, & peut-être aussi par les racines de la veine ombilicale, qui le remêlent avec de nouveau sang de la mere. Selon ce système, c’est uniquement le sang de la mere qui nourrit le fœtus, qui n’est ici regardé que comme un membre particulier de la mere : le battement de son cœur lui envoye une portion de son sang, qui conserve le degré d’impulsion qu’il faut pour entretenir cette circulation languissante dont le fœtus joüit, & qui lui donne probablement cette foible pulsation qu’on observe dans le cœur.

D’autres Anatomistes prétendent que le fœtus ne se nourrit que du chyle qui lui est fourni par les glandes de la matrice, qui est encore plus travaillé, se change en sang dans les vaisseaux du fœtus, & y circule sans autre communication avec la mere ; ils n’admettent de circulation réciproque qu’entre le placenta & le fœtus.