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foyer dont il emprunte cette chaleur. Or oseroit-on dire que la chaleur dans les vaisseaux capillaires est une fois plus grande que dans les gros vaisseaux & dans le cœur ? On ne sauroit répondre à cette difficulté, que les organes générateurs de la chaleur sont si exactement répandus parmi toutes les parties inutiles à cette génération, que la distribution égale de cette chaleur à toutes les parties, s’opere par une influence ou communication soudaine : car il est tel organe, qui par sa constitution est le plus favorablement disposé à la génération de la chaleur, & qui n’est pas à portée de la partager avec aucune partie froide. La peau, par exemple, n’est presque formée que par un tissu de vaisseaux capillaires ; elle n’embrasse & n’avoisine même aucune partie inutile à la génération de la chaleur : les grandes cavités du corps au contraire, le bas-ventre, par exemple, contiennent un grand nombre de parties, non-seulement inutiles à la génération de la chaleur, mais même nécessairement disposées à partager celle qui s’excite dans les vaisseaux capillaires de ces visceres (s’il est vrai qu’ils se trouvent jamais dans le cas d’en engendrer) & par consequent à la diminuer : ces parties sont le volume vuide ou rempli de matiere inactive des intestins, la vessie de l’urine, celle de la bile, les gros vaisseaux sanguins, les différens conduits excrétoires, &c. Ce seroit donc la peau qu’il faudroit regarder comme le foyer principal de la chaleur animale, & comme jouissant dans tous les cas de la génération de la chaleur (qui font l’état ordinaire de l’animal) d’un degré de chaleur très-supérieur à celui de l’intérieur de nos corps ; & par conséquent on devroit observer dans la peau, dans l’état naturel & ordinaire d’un animal, une chaleur à-peu-près double de celle de la cavité du bas-ventre. Or tout le monde sait combien ce fait est contraire à l’expérience.

Nous nous contenterons de ce petit nombre d’objections principales ; elles suffisent pour nous prouver que nous sommes aussi peu avancés sur la détermination des sources de la chaleur animale, que les différens auteurs dont nous avons successivement adopté & abandonné les systèmes ; que Galien lui-même, qui a avancé formellement qu’elle ne dépendoit point d’un mouvement d’attrition. Cette découverte n’est pas flatteuse assûrément ; mais dans notre maniere de philosopher, la proscription d’un préjugé, d’une erreur, passe pour une acquisition réelle. Au reste, elle nous fournira cependant un avantage plus positif & plus général : elle pourra servir à nous convaincre de plus en plus, par l’exemple d’un des plus jolis systèmes que la théorie méchanicienne ait fourni à la Medecine, combien l’application des lois méchaniques aux phénomenes de l’œconomie animale sera toûjours malheureuse. Voyez Œconomie animale.

Les anciens ont appellé coctions les élaborations des humeurs, parce qu’ils les regardoient comme des especes d’élixations. Voyez Coction.

Le sang est-il rafraîchi, ou au contraire échauffé par le jeu des poumons ? c’est un problème qui partage les Physiologistes depuis que Stahl a proposé sur la fin du dernier siecle ce paradoxe physiologique : savoir que le poumon étoit le principal instrument de la conservation, & par conséquent de la génération de la chaleur animale. V. Respiration. (b)

Chaleur des sexes, des tempéramens. Voyez Sexe, Tempérament.

Chaleur animale contre nature (Medecine pratique.) La chaleur animale s’éloigne de son état naturel principalement par l’augmentation & par la diminution de son intensité, ou de son degré.

Il faut se rappeller d’abord que nous avons observé, en exposant les phénomenes de la chaleur animale,

que son degré, tout inaltérable qu’il est par les différens changemens de température des corps environnans, pouvoit cependant varier dans une certaine latitude, sans que le sujet qui éprouvoit ces variations cessât de jouir d’une santé parfaite.

Il faut donc, pour que la chaleur animale soit réputée maladive ou contre nature par l’augmentation ou la diminution de son degré, que le phénomene soit accompagné de la lésion des fonctions, ou au moins de douleur, de malaise, d’incommodité.

La diminution contre nature de la chaleur animale est désignée dans le langage ordinaire de la Médecine par le nom de froid. Voyez Froid.

La chaleur augmentée contre nature, ou se fait ressentir dans tout le corps, ou seulement dans quelques parties. Dans les deux cas elle est idiopatique ou symptomatique.

La chaleur générale idiopatique est celle qui dépend immédiatement d’une cause évidente, savoir de quelques-unes des six choses non naturelles, ou de l’action d’un corps extérieur ; telle est celle qui est produite dans nos corps par un exercice excessif, ou par la fatigue, par la boisson continuée & inaccoutumée des liqueurs spiritueuses, par la chaleur soutenue de l’atmosphere, par les excès avec les femmes, &c.

La chaleur générale symptomatique est celle qui dépend d’une disposition contre nature déjà établie dans le corps & ayant un siége déterminé ; telle est la chaleur de la fievre qui accompagne les maladies aigues, &c.

L’augmentation idiopatique de la chaleur générale ne peut jamais être regardée que comme une incommodité ; car la chaleur simplement excessive n’est jamais en soi une maladie, malgré le préjugé qui la rend si redoutable même aux Médecins.

Il est bien vrai que cet état peut devenir cause de maladie s’il se soutient un certain tems ; mais ce ne sera jamais qu’en détruisant l’équilibre ou l’ordre & la succession des fonctions, en un mot en affectant quelqu’organe particulier qui deviendra le noyau ou le siége de la maladie : car les effets généraux de la chaleur comme telle sur le système général des solides & sur la masse entiere des humeurs, ne sont assûrément rien moins qu’évidens, comme nous l’observerons dans un instant, en parlant du plus haut degré de chaleur fébrile.

Cette incommodité ne mérite dans la plûpart des cas aucun traitement vraiment médicinal, & on peut se contenter de prescrire à ceux qui l’éprouvent de cesser de s’exposer à l’action des causes qui la leur ont procurée. Si cependant on pouvoit en craindre quelques suites fâcheuses, comme ces suites sont à craindre en effet dans les tempéramens ardens, vifs, mobiles, sensibles, on les prévient très-sûrement par le repos du corps, le silence des passions, la boisson abondante des liqueurs aqueuses legerement acides & spiritueuses ; celle des émulsions, des legeres décoctions de plantes nitreuses ; les alimens de facile digestion & peu nourrissans, tels que les fruits aqueux, acidulés ; les légumes d’un goût fade, les farineux fermentés, les bains tempérés, la saignée lorsque la chaleur n’est pas accompagnée d’épuisement, &c.

Le symptome le mieux caractérisé de l’état du corps, qu’on appelle communément échauffement, c’est la constipation. Ces deux termes même ne désignent presque qu’une même chose dans le langage ordinaire : lorsque la chaleur augmentée est accompagnée de la disposition du ventre que la constipation annonce, elle approche un peu plus de l’état de maladie. Mais cet état-là même est le plus souvent d’une bien moindre conséquence qu’on ne l’imagine. Voyez Constipation.