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naturel, on peut assûrer qu’en tous ces cas différens les maladies ne sont que des maladies sympathiques, ou qui n’appartiennent pas, à proprement parler, au cœur.

Au contraire, si le pouls est constamment irrégulier & variable, s’il change ainsi que le mouvement du cœur au plus leger exercice, on peut prononcer en général qu’il y a quelque vice ou quelque obstacle dans le cœur ; mais ces vices ou ces obstacles étant quelquefois compliqués avec des dérangemens à-peu-près semblables de la base de l’aorte, & les dérangemens de l’artere, lorsqu’ils sont seuls, étant très-difficiles à distinguer d’avec ceux du cœur, il est fort heureux que le danger où l’on est de se tromper dans ces cas-là, ne soit pas de grande conséquence.

Telles sont les regles nécessaires pour ne pas confondre les maladies propres du cœur avec les maladies sympathiques. Il n’est pas moins essentiel de distinguer ces maladies propres les unes des autres : premierement, les dilatations des diverses cavités du cœur peuvent être discernées par les signes suivans ; en général, les battemens du cœur ne sont pas violens, dit M. de Senac : quand le ventricule droit ou le sac de ce ventricule sont extrèmement dilatés, à peine les dilatations produisent-elles des palpitations ; dans beaucoup de cas les malades sentent seulement un grand poids dans la région du cœur, ils sont sujets à des syncopes, à des étouffemens, autre signe constant selon Lancisi : outre cela, les dilatations du ventricule droit & de son oreillette, produisent toûjours des battemens dans les veines du cou.

L’absence de ces battemens, lorsqu’une dilatation est d’ailleurs soupçonnée, indique que cette dilatation, si elle existe, est dans le ventricule gauche. Cette dilatation a encore d’autres signes : les battemens des arteres sont très-violens, si ces arteres sont libres ; c’est ce que M. de Senac a observé dans plusieurs maladies : l’auteur ne parle pas de la dilatation seule de l’oreillette gauche, elle est rare, & les signes distinctifs de cette maladie nous manquent.

Pour ce qui est des autres vices du cœur, tels que les retrécissemens, les corps étrangers, les tumeurs, les ossifications, il faut n’en former qu’une classe & les réduire en général aux obstacles qui s’opposent à l’entrée ou à la sortie du sang.

Il est des principes généraux qui doivent regler la cure des maladies du cœur : en général, l’ignorance crédule peut espérer de certains succès qu’elle n’a jamais vûs ; & dans les dilatations du cœur, dans les ossifications, & lorsqu’il contient des polypes qui résistent à tous les dissolvans, les ressources de l’art sont plûtôt entre les mains des malades, que dans les pharmacies.

Il faut se borner à arrêter les progrès de ces maladies, à modérer leurs accidens, à prévenir ou à éloigner leurs suites ; à moins qu’on ne puisse saisir ces maladies dans leur commencement, car alors il y en auroit plusieurs qui peut-être ne résisteroient pas aux remedes.

Quoi qu’il en soit, il faut dans la cure palliative que nous venons de proposer, diminuer le volume du sang par les saignées, à laquelle la petitesse du pouls ne doit pas empêcher d’avoir recours, à moins qu’il n’y eût des syncopes actuelles : l’exercice, les efforts, les mouvemens violens doivent être interdits, parce qu’ils s’opposent même aux bons effets des saignées ; non que les mouvemens doux, dans des voitures ou à cheval, ne soient des remedes utiles, puisque le sang croupit sur-tout dans le bas-ventre dans la vie sédentaire.

La diete, & même l’usage du lait, ou celui des alimens, doux & faciles à digérer, sont aussi utiles

que les saignées ; & il ne faut pas oublier d’avoir recours aux lavemens, aux laxatifs doux, & aux eaux minérales ferrugineuses, ainsi qu’à l’esprit anodyn minéral de Hoffman, la poudre tempérante de Stahl, l’eau de fleur d’orange, de tilleul, &c.

Telle est l’idée générale que l’on peut prendre des maladies propres du cœur, suivant M. de Senac. On trouvera des connoissances de détail sur les cas particuliers, aux mots Péricarde, Polype, Palpitation, Syncope. Voyez ces différens articles.

Outre les maladies propres du cœur dont nous venons de parler, cette partie est exposée à des maladies générales, c’est-à-dire qui peuvent attaquer toutes les diverses parties du corps. Nous observerons d’abord en deux mots à propos de ses blessures, qu’elles ne sont pas toutes & toûjours mortelles par elles-mêmes ; leur cours est souvent aussi long que le cours des blessures des autres parties ; elles suppurent quelquefois, sur-tout si elles sont petites : c’est ce que M. de Senac démontre par un grand nombre d’autorités.

Il y a des plaies ou des déchirures du cœur faites par l’effort du sang, ou qui sont la suite des contusions du cœur, qui sont aussi dangereuses, quoique plus rares, que les plaies par cause externe & récente.

Quant au diagnostic des plaies du cœur, la place sur laquelle l’instrument perçant a porté, la profondeur jusqu’à laquelle il a été enfoncé, peuvent donner des soupçons sur l’existence des plaies du cœur ; mais ces soupçons ne peuvent être confirmés que par des accidens : telles sont les défaillances, la petitesse & l’inégalité du pouls, les sueurs froides, les anxiétés, la douleur vers le sternum. Pour ce qui est de la fievre, c’est un accident général dans les blessures ; il n’est pas douteux qu’elle ne s’allume lorsque le cœur est blessé.

Les lavages, les saignées lorsqu’il n’y a point une hémorrhagie considérable, l’eau de Rabel, ou l’esprit de sel, les acides végétaux qui ont quelque austérité, & une diete très-sévere, sont les seuls remedes auxquels on doive avoir recours dans les plaies du cœur ; observant qu’il est important de ne pas fermer l’ouverture extérieure de la plaie, & qu’il convient même quelquefois de l’aggrandir, suivant que les accidens pourront faire soupçonner un épanchement.

Le cœur est sujet, comme les autres parties du corps, à l’inflammation, aux abcès, & aux ulceres. Voyez Inflammation, Abcès, Ulcere. Les fievres violentes sont quelquefois la cause ou l’effet de la premiere de ces maladies. Les observations incontestables de plusieurs auteurs, démontrent que le cœur est sujet à des abcès & à des ulceres ; la douleur, les syncopes, les palpitations, ne doivent donner que des soupçons au sujet de l’inflammation. Pour ce qui est des signes des abcès & des ulceres, ils sont à-peu-près les mêmes que ceux des plaies.

Mais si la nature nous permet quelquefois d’appercevoir ses démarches, elle nous cache les secours qui pourroient les arrêter ou les corriger. L’art ne peut dans les inflammations du cœur, s’il n’y est pas entierement inutile, que hâter les remedes que demandent les autres inflammations. Pour ce qui est des abcès & des ulceres du cœur, les Medecins ne peuvent se conduire dans ces cas que par l’analogie, puisque l’expérience n’a rien appris là-dessus.

Le volume du cœur peut se resserrer ou s’étendre. Le cœur se concentre ; on l’a trouvé flétri, desséché, durci & pour ainsi dire skirrheux, à la suite de quelques maladies chroniques, & même dans un homme qui périt de la rage : s’il en faut croire Pline, les rois d’Egypte avoient observé la phthisie du cœur. La