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frigorifiques & salines s’est introduite par les pores entre les globules de l’eau, elles peuvent être si proches les unes des autres, qu’elles se trouvent dans leur sphere d’attraction : il suivra de-là que les parties cohéreront ensemble & formeront un corps solide jusqu’à ce que la chaleur les sépare, les agite, rompe leur union & les éloigne assez l’une de l’autre pour qu’elles ne soient plus dans la sphere d’attraction, mais pour qu’elles soient au contraire exposées à la force répulsive, & qu’alors l’eau reprenne sa fluidité. Il paroît probable que le froid & la gelée doivent leur origine à une substance saline naturelle qui nage dans l’air ; en effet, tous les sels, & particulierement quelques-uns mêlés avec de la neige ou de la glace, augmentent considérablement la force & les effets du froid. On peut ajoûter que tous les corps salins donnent de la roideur & de la rigidité aux parties des corps dans lesquelles ils sont introduits.

Les observations qu’on a faites sur les sels avec les microscopes, font voir que les particules de quelques sels, avant qu’ils soient réduits en un corps solide, paroissent très-fines, & ont la figure de petits coins ; c’est pourquoi elles se soutiennent dans l’eau lorsqu’elles sont élevées, quoiqu’elles soient spécifiquement plus pesantes que l’eau.

Ces petites pointes des sels introduites dans les pores de l’eau, & qui sont en quelque façon soutenues par ce moyen, même dans l’hyver (quand la chaleur du soleil n’a pas assez de force pour tenir les sels suspendus dans le fluide, pour émousser leurs pointes ou pour les entretenir dans un mouvement continuel) ; ces petites pointes, dis-je, venant à perdre leur arrangement & devenant plus libres de s’approcher les unes des autres, elles forment alors des crystaux de la maniere que nous l’avons expliqué ci-dessus, qui s’introduisant par leurs extrémités dans les plus petites parties de l’eau, la convertissent de cette façon en un corps solide, qui est la glace.

Outre cela, il y a encore une grande quantité de particules d’air dispersées çà & là, tant dans les pores des particules de l’eau, que dans les interstices formés par les globules sphériques. Les particules salines s’introduisant dans les particules d’eau, en chassent les petites bules d’air ; celles-ci s’unissant plusieurs ensemble, forment un plus grand volume & acquerent par cette union une plus grande force d’expansion que quand elles étoient dispersées. De cette façon elles augmentent le volume, & diminuent la pesanteur spécifique de l’eau convertie en glace.

Nous pouvons concevoir de-là comment l’eau impregnée de soufre, de sels & de terres, qui ne se dissolvent que difficilement, peut être changée en métaux, minéraux, gommes & autres fossiles ; les parties de ces différens mixtes formant avec l’eau une espece de ciment, ou s’introduisant dans les pores des particules de l’eau, se trouvent changées en différentes substances. Voyez Sel & Eau.

Quant au second système, comme on suppose que la matiere éthérée est généralement la cause du mouvement des fluides (Voyez Éther), & que l’air ne doit son mouvement qu’à ce même principe, il suit de-là que tous les fluides doivent rester dans un état de repos & de fixité, lorsque cette matiere subtile perd de la force qu’elle doit avoir. Par conséquent l’air étant moins échauffé dans l’hyver à cause de l’obliquité des rayons du soleil, il est plus dense & plus fixe dans ce tems que dans toute autre saison. Outre cela on s’est convaincu par plusieurs expériences, que l’air contient un sel qu’on suppose être de la nature du nitre. Cela accordé, & supposant la condensation de l’air, il suit que les particu-

les du nitre doivent être rapprochées par la condensation de l’air, & qu’au contraire elles doivent être divisées & éloignées les unes des autres par sa raréfaction & sa plus grande fluidité. Si la même chose arrive à toutes les liqueurs qui sont saoulées ou qui tiennent un sel en dissolution ; si la chaleur de la liqueur tient le sel exactement divisé ; si la fraîcheur d’une cave ou de la glace, fait que les molécules d’un sel dissous se rapprochent les unes des autres, se réunissent plusieurs ensemble & forment des crystaux ; pourquoi l’air, qui est reconnu pour un fluide, seroit-il exempt de la loi générale des fluides ?

Il est vrai que le nitre de l’air étant plus grossier quand il fait froid que quand il fait chaud, devroit perdre de sa vîtesse ; mais aussi le produit de sa masse par sa vîtesse, qui reste la même, augmentant, il aura un plus grand mouvement ou une plus grande quantité de mouvement. Il n’en faut pas davantage pour que le sel agisse avec plus de force sur les parties des fluides. C’est aussi probablement pour cette raison, que l’évaporation est si considérable dans un tems de gélée.

Ce nitre aërien doit être cause de la concrétion des fluides : ce n’est point l’air ni le nitre qu’il contient qui donne le mouvement aux fluides, puisque c’est la matiere subtile : donc quand cette matiere subtile perd de sa force, tout le fluide perd en même tems une partie de son mouvement.

Mais la matiere éthérée, assez foible d’elle-même dans l’hyver, doit de nouveau perdre beaucoup de sa force, agissant contre un air condensé & chargé de molécules de sel assez considérables ; elle doit donc perdre de sa force dans le tems froid, & pour cela elle a moins d’aptitude à entretenir le mouvement des fluides ; en un mot lorsqu’il gele, on peut regarder l’air comme la glace impregnée de sel, avec laquelle nous faisons glacer nos liqueurs en été. Probablement ces liqueurs se congelent à cause de la diminution du mouvement de la matiere éthérée par son action contre la glace & le sel mêlés ensemble : alors l’air malgré sa grande chaleur n’est point en état d’empêcher la concrétion. Chambers. (M)

Congelation, en Chimie, est une espece de fixation : elle se dit du changement qui arrive à un fluide, lorsqu’il devient une masse solide ou molle en perdant sa fluidité, soit que ce changement se fasse par l’air froid, comme lorsqu’un métal fondu ou de la cire fondue au feu se congelent, ou par de la glace qui congele les liqueurs grasses & les aqueuses, ou par quelqu’autre moyen que ce soit, comme par les acides qui congelent certaines liqueurs. Voyez Coagulation. (M)

Le terme de la congelation, en parlant d’un thermometre, est le point où la liqueur s’arrête dans le tuyau lorsqu’on plonge la boule dans une eau mêlée de glace. Voyez Thermometre. (M)

CONGELER, c’est ôter la fluidité de ce qui étoit liquide : des sels moyens, des alkalis, des acides, & même des esprits mêlés avec de la neige ou de la glace, peuvent congeler la plûpart des liqueurs. On produit un degré de froid très-considérable par le mêlange de l’acide du vitriol ou de celui du nitre avec de la neige. On tient cette expérience de M. Boyle.

M. Homberg observe qu’on fait un froid artificiel, en mêlant ensemble parties égales de sublimé corrosif & de sel ammoniac, avec quatre fois autant de vinaigre distillé.

L’art de congeler est une chose fort agréable en été, & d’un grand usage pour faire des glaces. (M)

CONGENERE, adj. en Anatomie ; nom des muscles qui concourent tous à la même action, soit à la flexion ou à l’extension des parties. Voyez Muscle.