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de l’abcès : sans cette précaution, la surface de ces chairs exposées à l’air se dessécheroit, le pus s’épaissiroit, & causeroit dans ces mêmes chairs un endurcissement qui rendroit la cure difficile. Ainsi la premiere indication que nous avons à remplir pour procurer la suppuration des chairs abscedées, demande que nous les entretenions dans les dispositions qui facilitent cette suppuration, par l’usage des suppuratifs émolliens ou maturatifs introduits dans la cavité de l’abcès, & appliqués extérieurement, surtout si les chairs engorgées sont fermes ou endurcies : il faut au moins dans ce dernier cas continuer d’appliquer ces remedes sur la partie malade, comme on faisoit avant que l’abcès fût ouvert.

Tant que l’abcès n’a pas eu d’issue extérieure, la dépravation des sucs purulens n’a pû faire un progrès si rapide que lorsqu’il est ouvert, & que l’air peut pénétrer dans sa cavité : c’est pourquoi on doit être fort attentif dans ce dernier cas à s’opposer à cette dépravation, qui peut quelquefois rendre en fort peu de tems les matieres purulentes très-nuisibles. Dans cette vûe on ajoûte aux suppuratifs maturatifs qu’on introduit dans la cavité de l’abcès, quelques substances antiputrides & balsamiques, & c’est ce mêlange qui constitue le remede digestif. Il n’est donc point un remede pourrissant, puisqu’il est composé au contraire de remedes balsamiques qui s’opposent à la pourriture ; mais le mêlange de ceux-ci avec les remedes onctueux & relâchans, doit être combiné suivant l’état de la plaie. C’est principalement le relâchement qu’on doit avoir en vûe dans l’usage des digestifs, lorsque les plaies sont susceptibles d’inflammation, qu’elles sont fort douloureuses & susceptibles d’irritation ou d’étranglement. Mais si la plaie est accompagnée de contusion ou d’une disposition à la mortification qui rendent l’action organique des chairs trop languissante, on anime les digestifs par des remedes actifs & spiritueux ; ce qui fait reconnoître en Chirurgie trois sortes de digestifs, les digestifs relâchans, les digestifs balsamiques, & les digestifs animés.

On ne doit pas sans quelque raison particuliere continuer long-tems les digestifs, & sur-tout les relâchans, parce qu’ils affoiblissent trop l’action organique des chairs ; elles deviendroient molles, pâles, & fongueuses. Lorsque le dégorgement est fait, on doit penser à mondifier & à déterger la plaie. Voyez Détersifs.

Le chirurgien intelligent sait varier la formule des onguens digestifs suivant la nature & l’état de la plaie, & du pus qui en sort. Dans quelques cas il faut augmenter, comme nous l’avons dit, l’action des vaisseaux voisins de ceux qui sont embarrassés & rompus ; dans d’autres il faut calmer le jeu des solides : il faut quelquefois délayer des humeurs grossieres & visqueuses dont la tenacité s’oppose au dégorgement des vaisseaux ; quelquefois au contraire il faut donner de la consistance à une sanie trop limpide, & envelopper, pour ainsi dire, par des incrassans ses particules acrimonieuses. Ces différens états déterminés souvent par des causes fort éloignées, demandent toute l’attention d’un savant chirurgien, pour combiner suivant l’indication les remedes qui doivent composer le digestif qu’il est plus convenable d’employer. (Y)

DIGESTION, s. f. (Œconom. anim.) est une fonction du nombre de celles que les scholastiques appellent naturelles, dont l’effet le plus sensible est le changement des alimens en chyle & en gros excrémens ; changement opéré dans l’estomac & dans les intestins par le concours nécessaire des humeurs digestives, & le plus souvent par celui d’une boisson non-alimenteuse, ou de la partie non-alimenteuse d’une boisson nourrissante.

Je ne regarde le changement des alimens en chyle & en gros excrémens, que comme l’effet le plus sensible de la digestion, & non pas comme l’effet unique de cette fonction selon l’opinion la plus commune ; parce qu’une observation ingénieuse & éclairée a démontré depuis peu que la digestion considérée simplement comme action organique, & sans égard à la chylification, avoit une influence générale & essentielle sur toute l’œconomie animale, dont elle réveilloit périodiquement le jeu. Voyez Œconomie animale.

La digestion considérée par rapport à son effet le plus sensible ou le plus anciennement observé, est la premiere coction des anciens ou leur chylosis, chylopoiesis, chylificatio.

L’histoire raisonnée de cette fonction suppose la connoissance de ses instrumens ou organes immédiats, l’estomac & les intestins (Voyez Estomac & Intestins) ; celle de quelques autres qui paroissent agir sur ceux-ci (voyez Diaphragme, Muscles abdominaux, Péritoine) ; celle des humeurs digestives (voyez Salive, Humeur œsophagienne, Humeur gastrique, Humeur intestinale, Bile, Suc pancréatique, & Larmes, si vous voulez les mettre au rang des humeurs digestives avec quelques physiologistes) ; celle de la structure & du jeu des principaux organes qui séparent & fournissent ces humeurs (voyez Foie, Glandes salivaires, Pancréas) ; celle des alimens & des boissons (voyez Aliment, & Nourrissant) ; celle d’une disposition corporelle connue sous le nom de faim (voyez Faim) ; & enfin celle de deux fonctions qu’on peut appeller préparatoires. Voyez Mastication & Déglutition.

Les alimens solides (nous ne parlerons d’abord que de ceux-ci) appétés, mâchés (du moins dans la digestion la plus parfaite ; car les alimens peuvent être absolument digérés sans être appétés, & quelques-uns même sans être mâchés), humectés dans la bouche & dans l’œsophage, arrivent à l’estomac ordinairement accompagnes d’une certaine quantité de boisson ; ils sont retenus dans ce viscere, qu’ils étendent, dont ils effacent les rides, & qu’ils disposent de façon que sa grande courbure qui est inférieure, selon le langage des Anatomistes, lorsque l’estomac est vuide, devient presque antérieure ; & par conséquent sa face antérieure devient supérieure & contiguë au diaphragme. La salive & l’humeur œsophagienne ne cessent d’aborder dans l’estomac, dont les différens organes excrétoires fournissent alors leurs humeurs.

A chaque inspiration l’estomac plein est abaissé, & il est repoussé vers le haut à chaque expiration ; il est agité & comprimé par cette cause. Les Physiologistes conviennent assez généralement que l’estomac comme muscle, a un mouvement propre par lequel il agit par compression sur ce qu’il contient. M. Lieutaud a observé que la rate se contractoit, devenoit plus petite, & pâlissoit pendant que l’estomac digéroit.

Des vomissemens arrivés peu de tems après le repas, & les ouvertures des animaux vivans exécutées dans la vûe d’examiner le changement des alimens dans leur estomac, ont appris qu’ils y étoient contenus dans l’état sain ou naturel sous la forme d’une pâte liquide grisâtre, retenant l’odeur des alimens, mais tournant ordinairement à l’aigre, & quelquefois au nidoreux. On ne distingue que fort confusément dans cette masse la matiere du chyle, qui est pourtant déjà ébauchée, & que quelques auteurs anciens ont appellé chyme dans cet état.

A mesure que la pâte dont nous venons de parler est préparée, c’est-à-dire après que les alimens ont éprouvé la digestion qu’on peut appeller gastrique ou