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Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 4.djvu/1061

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teintures : le même esprit, après avoir servi à l’extraction d’une résine : les acides minéraux circulés sur certaines terres, dans diverses vûes, &c. Cette même opération fournit à la Pharmacie & à divers arts, des huiles essentielles, de l’esprit de vin, &c. Les sujets de cette classe ne fournissent dans la distillation qu’un seul produit mobile ; l’eau employée à la distillation des huiles essentielles, & qui s’éleve avec elles, ne faisant pas une exception à cette observation (voy. Huile essentielle), qui ne comprend cependant que les cas ordinaires, ceux où la distillation est usitée : car on pourroit faire à dessein des amas qui fourniroient plusieurs produits mobiles dans la distillation.

Quant à la deuxieme classe des sujets de la distillation ; si une substance inconnue est resoute par la distillation en un certain nombre de principes connus, & qu’on réussisse à reproduire cette substance par la réunion de ces principes, on a découvert alors & la nature des matériaux de la composition de cette substance, & même sa constitution intérieure : & voilà l’usage philosophique de la distillation sur les sujets de cette espece. Ces usages œconomiques sont ceux-ci ; elle nous fournit l’acide vitriolique, le vinaigre radical retiré sans intermede, le soufre des pyrites, le mercure des amalgames, l’eau-forte employée dans le départ, & séparée par ce moyen du cuivre ou de l’argent. Voyez Départ. &c. La distillation des sujets de cette classe ne fournit ordinairement qu’un ou deux produits mobiles, trois tout au plus, en y comprenant l’air dégagé dans cette opération.

Pour ce qui regarde les sujets de la troisieme classe, on sait, dès qu’on est un peu versé dans la lecture des livres chimiques, que la plûpart de leurs auteurs, & sur-tout ceux des deux derniers siecles, n’ont presque connu d’autre moyen d’analyse, pour les corps même les plus composés, que la distillation poussée par degré jusqu’à la plus grande violence du feu. On sait encore que cette ancienne analyse fut non-seulement imparfaite en soi, ou comme moyen insuffisant, mais qu’elle devint encore plus funeste aux progrès de l’art par les vûes vaines, les conséquences précaires, les observations mal entendues qu’elle fournit. Voyez Principes & Analyse végétale au mot Végétal.

La distillation des composés artificiels, ou des substances distillées avec des intermedes que nous avons rangés avec les sujets de cette classe, n’est exposée à aucun des inconvéniens que nous venons de reprocher à l’analyse ancienne ; l’usage philosophique dè ce dernier moyen est, au contraire, aussi utile & aussi étendu que celui de la distillation sans intermede est défectueux & borné : voyez Analyse menstruelle au mot Menstrue ; nous disons à dessein, borné, & non pas absolument nul, car on peut par cette derniere opération obtenir au moins quelques connoissances générales sur certains sujets inconnus ; des sens exercés reconnoîtront dans certains produits de ces corps quelques caracteres particuliers aux divers regnes de la nature, & même à quelques classes & à quelques divisions moins générales encore. Voyez Analyse végétale au mot Végétal, Substance, Animal, & Minéral.

Les matieres que cette distillation fournit aux Arts & sur-tout à la Pharmacie, sont les acides & les alkalis volatils, l’un & l’autre de ces principes sous une forme fluide, ou sous une forme concrete ; des huiles empyreumatiques, des sels ammoniaceux ; voyez les articles particuliers : & ce sont là les fameux principes ou especes chimiques. Voyez Principes. Quelques matieres particulieres, comme le beurre de cire, le phosphore, &c. sont aussi des produits de cette troisieme classe de distillation. Voyez Cire & Phosphore.

La distillation des sujets de cette classe (excepté de nos composés artificiels) fournit donc toûjours plusieurs principes. Voici l’ordre sous lequel les produits les plus généraux se présentent : 1°. un phlegme chargé de l’odeur du sujet distillé, lors même que ce corps distillé est appellé inodore ; phlegme d’abord lympide & sans couleur, suivi bientôt de gouttes troubles colorées, & prenant enfin une odeur d’empyreume ou de brûlé : 2°. de l’huile lympide & tenue, & le même phlegme qui ne donne encore aucun signe d’acidité ni d’alkalicité : 3°. un phlegme foiblement acide ou alkali volatil, une huile plus colorée, plus épaisse, moins lympide, & de l’air : 4°. une huile noire, épaisse, trouble, une eau plus saline ; de l’alkali volatil concret, de l’air.

Des observations répétées nous ont appris que c’est dans un ordre constamment le même, que les divers produits de la distillation des mêmes sujets se succedent, lorsqu’on administre le feu selon l’art. Mais quelle est la cause qui fixe cet ordre ? ne pourroit-on pas établir une théorie générale qui la déterminât ?

En considérant la distillation sous le point de vûe qui se présente d’abord, on est tenté de la croire renfermée, cette théorie, dans la formule suivante : « Par le moyen de la distillation, les principes se séparent successivement les uns des autres ; les plus volatils s’élevent les premiers, & les autres ensuite, à mesure qu’ils éprouvent le degré de chaleur qui est capable de les enlever ». Le moyen le plus simple de vérifier cette regle, c’est de l’essayer sur les cas particuliers : c’est ce que nous allons faire.

Nous avons déjà observé, & nous l’avons observé précisément pour pouvoir le rappeller ici, que les sujets de notre premiere classe ne fournissoient qu’un seul produit mobile, excepté qu’on ne confondît à dessein, sans vûe, & sans utilité, plusieurs liqueurs volatiles immiscibles ; que ceux de la seconde classe ne fournissoient qu’un petit nombre de produits mobiles ; & qu’enfin la plûpart de ceux de la troisieme en fournissoit plusieurs. C’est donc dans les sujets de la seconde & de la troisieme classe qu’il faut choisir ces cas particuliers, auxquels pourroit convenir la regle générale que nous examinons.

Prenons d’abord un sujet de la seconde classe : le vitriol de Mars non calciné. Ce corps étant place dans un appareil convenable, & le feu administré selon l’art, l’eau de la crystallisation, celle qu’on sépare ordinairement par une calcination préliminaire, passera d’abord ; à cette eau succédera un phlegme legerement acide, & enfin de l’air & un acide plus concentré. Nous voyons donc déjà que la théorie proposée n’est pas applicable à tous les cas ; car dans celui-ci, l’eau & le phlegme acide qui sont beaucoup moins volatils que l’air, passent avant ce dernier principe. Je poursuis mon essai sur les autres sujets de la même classe, sur le verdet, sur le sel de Saturne, &c. ces tentatives ne sont pas plus heureuses que la premiere.

Je passe aux sujets de la troisieme classe, & je vois d’un seul coup d’œil qu’il n’en est pas un seul dans la distillation duquel on puisse observer cette succession de produits, fondée sur leur degré respectif de volatilité ; je vois les alkalis volatils s’élever après du phlegme & des huiles pesantes, des acides & des huiles précéder l’air, &c. Dans la distillation analytique de l’esprit-de-vin, par l’intermede de l’acide vitriolique ; de l’esprit-de-vin inaltéré & de l’acide vitriolique s’élevent avant l’éther & avant l’acide sulphureux volatil, l’un & l’autre plus volatils que les deux premiers principes.

En un mot, après l’examen le plus détaillé de tous les cas particuliers, je ne trouve que ces amas de liqueurs volatiles immiscibles dont nous avons parlé