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conde fois le payement, sauf leur recours contre celui qui a reçû.

On appelle lettre de créance, une lettre qu’un banquier ou marchand donne à un homme qui voyage, pour lui servir de lettre de change quand il aura besoin d’argent : c’est proprement une lettre de crédit.

On appelle aussi créance à la chambre des comptes, le rapport qui est fait verbalement à la chambre, de ce qui s’est passé en quelque députation ou autre commission. (A)

Créance, (Fauconnerie & Venerie.) c’est un nom qu’on donne à la filiere ou ficelle avec laquelle on retient l’oiseau qui n’est pas bien assûré. On appelle un oiseau de peu de créance, celui qui n’est ni bon ni loyal, qui est sujet à s’essorer ou à se perdre : on dit aussi un chien de créance, de celui auquel on peut se fier.

CRÉANCIER, s. m. (Jurispr.) est celui auquel il est dû quelque chose par un autre, comme une somme d’argent, une rente, du grain, ou autre espece.

Pour pouvoir se dire véritablement créancier de quelqu’un, il faut que celui qu’on prétend être son débiteur soit obligé, du moins naturellement.

On devient créancier en vertu d’un contrat ou quasi-contrat, en vertu d’un jugement, d’un délit, ou d’un quasi-délit.

Tous créanciers sont chirographaires ou hypothécaires, & les uns & les autres sont ordinaires ou privilégiés. Voyez ci-devant au mot Créance.

Un créancier peut avoir plusieurs actions pour la même créance, savoir une action personnelle contre l’obligé & ses héritiers, une action réelle s’il s’agit d’une charge fonciere, une action hypothécaire contre les tiers détenteurs d’héritages hypothéqués à la dette.

Il est permis au créancier, pour se procurer son payment, de cumuler toutes les contraintes qu’il a droit d’exercer, comme de faire des saisies & arrêts, & en même tems de saisir & exécuter les meubles de son débiteur, même de saisir réellement les immeubles, s’il s’agit d’une somme au moins de 200 liv. & d’user aussi de la contrainte par corps, si le titre de la créance y autorise.

Mais il n’est pas permis au créancier de se mettre de son autorité en possession des biens de son débiteur ; il faut qu’il les fasse saisir & vendre par autorité de justice.

Les créanciers sont en droit, pour la conservation de leur dû, d’exercer les droits de leur débiteur, comme de saisir & arrêter ce qui lui est dû, de former opposition en sous-ordre sur lui, de prendre de son chef des lettres de rescision contre un engagement qu’il a contracté à son préjudice, & de faire révoquer tout ce qu’il a fait en fraude des créanciers ; enfin d’accepter en son nom une succession malgré lui, en donnant caution de l’acquiter des charges.

On ne peut pas contraindre un créancier de morceler sa dette, c’est-à-dire de recevoir une partie de ce qui lui est dû, ni de recevoir en payement une chose pour une autre, ni d’accepter une délégation & de recevoir son payement dans un autre lieu que celui où il doit être fait.

Lorsque plusieurs prêtent conjointement quelque chose, chacun d’eux n’est censé créancier que de sa part personnelle, à moins qu’on n’ait expressément stipulé qu’ils seront tous créanciers solidaires, & que chacun d’eux pourra seul pour tous les autres exiger la totalité de la dette.

La qualité de créancier est un moyen de reproche contre la déposition d’un témoin ; ce seroit aussi un moyen de récusation contre un arbitre & contre un juge.

Il faut encore remarquer ici quelques usages sin-

guliers qui se pratiquoient autrefois par rapport au

créancier.

A Bourges, un bourgeois qui étoit créancier pouvoit se saisir des effets de sa caution, & les retenir pour gages sans la permission du prevôt ou du voyer.

En poursuivant le payement de sa dette, à Orléans, le créancier ne payoit aucun droit comme étranger.

Enfin au Périgord & dans le Quercy, le créancier qui avoit obtenu des lettres royaux pour appeller ses débiteurs devant les juges royaux, n’étoit pas obligé de faire les sergens royaux porteurs de ces lettres ; ce qui est contraire à l’usage présent, selon lequel l’huissier ou sergent doit être porteur de tous les titres en vertu desquels il instrumente. Voyez ci-devant Créance, Hypotheque, Priorité, Privilége, Saisie. (A)

CRÉAT, s. m. (Manége.) gentilhomme qui est élevé dans une académie pour se mettre en état d’enseigner l’art de monter à cheval. Il sert aussi de sous-écuyer. Dictionn. de Trév. (V)

CRÉATEUR, s. m. (Gramm.) est celui qui tire un être du néant. Il ne se dit proprement que de Dieu ; mais il se transporte par métaphore aux inventeurs originaux, sur-tout d’un genre. Voyez Création.

CRÉATION, sub. f. (Métaphys.) La création est l’acte d’une puissance infinie qui produit quelque chose, sans la tirer d’une matiere préexistante. C’est une question assez problématique, si le dogme de la création a été soûtenu par quelques philosophes payens, ou si les docteurs Juifs & les Chrétiens sont les premiers qui l’ayent enseigné. Les savans sont partagés là-dessus : le sentiment de ceux qui soûtiennent la négative par rapport aux payens, paroît le plus vraissemblable. Nous ne craindrons point d’avancer sur la foi de leurs ouvrages, que tous les philosophes anciens ont crû que la matiere premiere avoit été de toute éternité. Cela paroît en ce qu’ils n’avoient même aucun terme dans leurs langues, ni aucune façon de parler, qui exprimassent la création & l’anéantissement. « Y a-t-il un seul physicien, demande Cicéron, qui saisisse, qui conçoive ce que c’est que créer & qu’anéantir » ? Aristote, en poussant ses spéculations plus loin, ajoûte que les premiers habitans du monde ont toûjours jugé que la matiere existoit par elle-même, & sans dépendre d’aucune cause extérieure. Si elle en dépendoit, disoient-ils, on ne pourroit la connoître que par quelqu’idée qui lui seroit étrangere, qui n’auroit aucun rapport avec elle ; & cette idée dégraderoit certainement la matiere du titre de substance qui lui appartient. L’éternité de la matiere leur servoit à sauver la bonté de Dieu aux dépens de sa puissance, & à expliquer d’une maniere en apparence moins révoltante l’origine du mal moral & du mal physique. « Peut-on croire, disoit Platon dans son Timée, que ce qui est mauvais & déreglé soit l’ouvrage de Dieu ? N’est-il pas le principe & la source de toute vertu, tant en lui-même que hors de lui ? S’il avoit trouvé plus de docilité dans la terre, plus de disposition à l’ordre, sans doute qu’il l’auroit remplie de toute sorte de bien. Tel est en effet son caractere, à moins qu’il ne trouve des obstacles invincibles ». Ils étoient persuadés en général, que si Dieu avoit tiré la matiere du néant, il l’auroit aisément pliée à sa volonté, au lieu de trouver en elle un sujet rébelle. Il avoit fait cependant, disoient-ils, pour mettre l’ordre dans le monde, tout ce qui pouvoit dépendre de sa sagesse ; mais elle se trouva trop contrariée, & ne put empêcher cet amas de desordres qui inondent l’univers, & de miseres, & de disgraces, auxquelles les hommes sont assujettis.

L’histoire de la création du monde étant la base de la loi de Moyse, & en même tems le sceau de sa mis-