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de 10 en 10 ; cette division rendroit le calcul beaucoup plus aisé & plus commode, & seroit bien préférable à la division arbitraire de la livre en 20 sous, du sou en 12 deniers, du jour en 24 heures, de l’heure en 60 minutes, &c. (O)

Décimal, adj. (Jurisp.) se dit de ce qui a rapport à la dixme. Par exemple, le droit d’un décimateur s’appelle son droit décimal, comme le droit d’un curé s’appelle son droit curial. On dit une matiere décimale. L’article 3. de la coûtume de Normandie, porte que le bailli connoît des matieres bénéficiales, décimales, &c. Voyez Décimateur & Dixme. (A)

DÉCIMATEUR, s. m. (Jurispr.) est différent du dixmeur. Le premier est celui qui a droit de percevoir une dixme soit ecclésiastique ou inféodée ; au lieu que le dixmeur est celui qui leve la dixme pour un autre.

On appelle gros-décimateurs, ceux qui ont les grosses dixmes, les curés n’ayant ce cas que les menues & vertes dixmes, & les novales.

Décimateur ecclésiastique, est un ecclésiastique qui à cause de son bénéfice a droit de dixme.

Décimateur laïc, est un seigneur direct qui tient en fief d’un autre seigneur des dixmes inféodées.

Les gros-décimateurs sont tenus à cause des dixmes à plusieurs charges ; savoir, de faire les réparations du chœur & cancel, & de fournir les ornemens & livres nécessaires.

Ils sont aussi obligés de fournir la portion congrue au curé & à son vicaire, si mieux ils n’aiment abandonner tout ce qu’ils possedent des dixmes.

Quand il y a plusieurs gros-décimateurs, ils contribuent aux charges chacun à proportion de leur part dans les dixmes. Voyez les mém. du clergé, cinquieme édition, tome III. part. III. tit : 5. L’art. 21. de l’édit de 1693 ; le Prestre, cent. I. ch. xxj. & ci-après au mot Dixme. (A)

DÉCIMATION, s. f. (Hist. Rom.) Voyez les historiens, entr’autres Polybe, liv. XI. les Lexicographes, & les auteurs qui ont traité de la discipline militaire des Romains.

La décimation étoit une peine que les Romains infligeoient aux soldats, qui de concert avoient abandonné leur poste, qui s’étoient comportés lâchement dans le combat, ou qui avoient excité quelque sedition dans le camp. Alors on assembloit les troupes, le tribun militaire amenoit les coupables auprès du général, qui après leur avoir vivement reproché leurs fautes ou leurs crimes en présence de l’armée, mettoit tous leurs noms dans une urne ou dans un casque, & suivant la nature du crime, il tiroit de l’urne, cinq, dix, quinze, ou vingt noms d’entre les coupables, de sorte que le cinquieme, le dixieme, le quinzieme, ou le vingtieme que le sort dénommoit, passoit par le fil de l’épée ; le reste étoit sauvé : & cela s’appelloit décimer, decimare.

Pour faire une juste estimation des fautes ou des crimes par un corps, & pour y proportionner les peines, il faut toûjours considérer qu’on se tromperoit beaucoup de croire qu’il y ait dans un corps aucun crime qui puisse être véritablement regardé comme un crime égal dans chaque particulier qui compose ce corps. Lorsque ses membres sont assemblés pour les affaires du corps, ils ne sauroient apporter le même sens froid, la même prudence, la même sagesse, que chacun a dans ses affaires particulieres. La faute que commet alors la communauté, est l’effet de son état de communauté, & de l’influence de quelques membres qui ont le crédit ou l’art de persuader les autres. La multitude s’échauffe, s’anime, s’irrite, parce qu’elle fait corps, & qu’elle prend nécessairement une certaine confiance dans le nombre qu’elle ne sauroit prendre quand elle est séparée. Il suit de-là que les peines qui tomberoient sur le corps

entier, doivent être très-douces & de courte durée. La vérité de cette réflexion n’échappa pas aux Romains, malgré la sévérité de la discipline militaire qu’ils avoient à cœur de maintenir. C’est pourquoi nos peres, disoit Cicéron, cherchant un sage tempérament, imaginerent la décimation des soldats qui ont commis ensemble la même faute, afin que tous soient dans la crainte, & qu’il n’y en ait pourtant que peu de punis. (Orat. pro Cluentio). Article de M. le Chevalier de Jaucourt.

DÉCIME, (Hist. anc. & mod. & Jurisprud.) est un ancien droit, subvention, ou secours de deniers, que nos rois levoient autrefois sur tous leurs sujets, tant ecclésiastiques que laïcs, pour les besoins extraordinaires de l’état. Dans la suite, le terme de décime est demeuré propre aux subventions que les ecclésiastiques payent au roi, & ces décimes sont devenues annuelles & ordinaires ; le clergé paye aussi de tems en tems au roi des décimes ou subventions extraordinaires.

Ce mot décime vient du latin decima, qui signifie en général la dixieme partie d’une chose. Ce mot decima a d’abord été appliqué à la dixme, parce que dans l’origine elle étoit par-tout du dixieme des fruits : ce même mot decima a aussi été appliqué aux décimes, parce que les premieres levées qui furent faites de cette espece, étoient aussi du dixieme des fruits & revenus ; ensorte que le mot latin decima signifie également dixme & décime, quoique ce soient deux choses fort differentes, puisque la dixme se paye à l’Église, au lieu que les décimes sont fournies au roi par le clergé : c’est pourquoi dans notre langue on a eu l’attention de distinguer ces deux objets en appellant dixme la portion des fruits que les fideles donnent à l’Église ; & décime, ce que l’Église paye au roi pour cette subvention.

La premiere levée faite par nos rois qui ait été qualifiée de décime, & dont les autres levées semblables ont emprunté le même nom, est celle qui fut faite sous Philippe-Auguste. Saladin, soudan d’Egypte, ayant le 26 Septembre 1187 pris la ville de Jérusalem & chassé les Chrétiens de presque toute la Palestine, toute la Chrétienté prit les armes ; l’empereur, le roi d’Angleterre, & Philippe-Auguste, se croiserent, & tout ce qu’il y avoit de plus illustre dans le royaume. Pour fournir aux frais de cette expédition, il fut ordonné dans une assemblée d’états tenue à Paris au mois de Mars 1188, qu’on leveroit sur les ecclésiastiques le dixieme d’une année de leur revenu, & sur les laïcs qui ne feroient point le voyage, le dixieme de tous leurs biens-meubles & de tous leurs revenus. Cette levée fut appellée la dixme ou décime Saladine, à cause qu’elle étoit du dixieme & qu’elle se faisoit pour la guerre contre Saladin. Pierre de Blois écrivit contre cette levée pour le clergé ; cependant elle fut payée par tous les sujets du roi. Il y en eut une semblable en Angleterre.

Depuis ce tems, presque toutes les levées que l’on fit sur le clergé pour les croisades ou autres guerres, que l’on appelloit saintes, furent nommées dixiemes ou décimes.

Il y en eut en effet dans la suite encore quelques-unes qui furent pareillement du dixieme ; mais il y en eut aussi beaucoup d’autres qui furent moindres, comme du cinquantieme, du centieme : on ne laissa pas de leur donner à toutes le nom de décimes ; de sorte, par exemple, que la levée du centieme fut appellée la décime-centieme, & ainsi des autres ; & pour distinguer de celles-ci les décimes qui étoient réellement du dixieme, on les appelloit décimes entieres. Il y eut aussi des doubles-décimes & des demi-décimes, c’est-à-dire qui se levoient pendant deux années, ou pendant une demi-année. Enfin ce nom de décimes est demeuré à toutes les levées ordinai-