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Le sucre est de tous les corps connus celui que l’eau dissout en plus grande quantité ; une partie d’eau tient deux parties de sucre en dissolution sous la température moyenne de notre climat ; car la même quantité d’eau très-chaude en dissout bien davantage (voyez Menstrue, Sirop). La quantité de la plûpart des sels requise pour saturer une certaine quantité d’eau, a été observée Voyez Sel.

2°. Qu’on n’observe point une pareille proportion entre l’eau & les différens liquides avec lesquels elle fait une union réelle ; mais qu’au contraire une quantité d’eau quelconque se combine chimiquement avec une quantité quelconque d’un liquide auquel elle est réellement miscible. Un gros d’eau se distribue uniformément dans une pinte d’esprit-de-vin, & y éprouve une dissolution réelle, comme une pinte d’eau étend un gros d’esprit-de-vin, & contracte avec ce dernier liquide une union réelle ou chimique. En un mot, l’eau se mêle à tous les liquides solubles par ce menstrue, comme l’eau s’unit avec l’eau, l’huile avec l’huile, &c. Quelques chimistes, du nombre de ceux qui ont considéré les phénomenes chimiques le plus profondément, ont fait du mêlange dont nous parlons, une espece particuliere d’union, qu’ils ont distinguée de la dissolution ou union menstruelle : mais ce n’est pas ici le lieu d’examiner combien cette distinction est légitime. V. Menstrue.

C’est par la propriété qu’a l’eau de dissoudre certaines substances, qu’elle nous devient utile pour les separer de divers corps auxquels elles étoient unies. C’est par-là qu’elle fournit un moyen commode pour retirer les sels lixiviels de parmi les cendres, le nitre des platras, les extraits des végétaux, &c. en un mot, qu’elle est un instrument chimique de l’analyse menstruelle, dont l’application est très-étendue. Voyez Menstruelle, (Analyse). C’est à ce titre qu’elle a mille usages œconomiques & diététiques ; qu’elle nous sert à blanchir notre linge, à dégraisser nos étoffes, à nous préparer des bouillons, des gélées, des syrops, des boissons agréables comme orgeat, limonade, &c. qu’elle nous fournit plusieurs remedes sous une forme commode, salutaire, & agréable. Voyez Eau, Pharmacie.

Il est essentiel de se ressouvenir que l’eau que le chimiste emploie à titre de menstrue doit être pure, & que celle que la Nature peut lui fournir ne l’est pas ordinairement assez pour les opérations qui demandent beaucoup de précision. La distillation lui offre un moyen commode & suffisant pour retirer de l’eau la moins chargée de parties étrangeres, telle que l’eau de neige, d’en retirer, dis-je, une eau qu’il peut employer comme absolument pure. L’eau de neige distillée est donc l’eau pure des laboratoires ; l’eau de pluie, l’eau de riviere, & même une eau commune quelconque, acquiert aussi par la distillation un degré de pureté qui peut être pris pour la pureté absolue.

L’ordre d’affinité de l’eau & de quelques-unes des substances que nous avons nommées, est tel que l’acide vitriolique & l’alkali fixe doivent être placés au premier rang, sans qu’on puisse leur assigner un ordre entr’eux ; car lorsqu’on verse un de ces deux corps sur une eau chargée de l’autre, il agit sur ce dernier avec tant d’énergie, qu’il est impossible de distinguer s’il en opere la précipitation avant la dissolution, comme cela s’observe sensiblement de l’alkali versé sur une dissolution de cuivre.

L’acide vitriolique a plus de rapport avec l’eau, que tous les autres acides ; il le leur enleve, il les concentre. L’ordre de tous ces autres acides entre eux, quant à leur affinité avec l’eau, n’est pas connu, & n’est peut-être pas connoissable.

Les esprits ardens (ordinairement représentés dans

les expériences chimiques par l’esprit-de-vin) occupent le second rang, du moins par rapport à l’alkali fixe ordinaire qui les déphlegme.

Je dis, du moins par rapport à l’alkali fixe, pour ne rien établir sur l’acide vitriolique, duquel on ne sait pas en effet s’il y a plus de rapport avec l’eau que l’esprit-de-vin ; car on n’apprend rien sur ce point par les phenomenes de la préparation de l’éther vitriolique (voyez Ether vitriolique), & je crois que personne ne s’est encore avisé de mêler de l’acide vitriolique concentré, à de l’esprit-de-vin foible, pour s’instruire du degré d’affinité dont il s’agit.

Je dis en second lieu, l’alkali fixe ordinaire ; car l’ordre de rapport de l’alkali fixe de soude, de l’eau, & de l’esprit-de-vin, n’a pas été observé que je sache, & il ne paroît pas qu’il doive être le même que celui de l’alkali fixe ordinaire.

L’alkali volatil uni à l’eau est précipité par l’esprit-de-vin rectifié, comme il est évident par la production de l’offa de Vanhelmont. Voyez Offa de Vanhelmont.

Plusieurs sels neutres dissous dans l’eau, sont précipités par l’esprit-de-vin.

Plusieurs sels neutres unis à l’eau, sont précipités par l’alkali fixe, selon les expériences de M. Baron. (Voyez mém. étr. de l’acad. roy. des Scienc. vol. I.) Les sels neutres ont donc moins de rapport avec l’eau, que l’alkali fixe & que l’esprit-de-vin. Ils ont aussi avec ce menstrue une moindre affinité sans doute, que tous les acides minéraux ; mais ceci n’a pas été déterminé par des expériences, non plus que l’ordre d’affinité de toutes les autres substances solubles par l’eau.

Le chimiste qui se proposera d’étendre autant qu’il est possible, la table des rapports de M. Geoffroy, nous fournira sans doute toutes ces connoissances de détail, & il aura fait un travail très-utile.

Nous retirons dans les travaux ordinaires quelques utilités pratiques du petit nombre de connoissances que nous avons sur cette matiere : nous réduisons sous une forme concrete, des sels neutres très-avides d’eau, par le moyen de l’esprit-de-vin ; nous concentrons l’acide nitreux par l’acide vitriolique ; nous déphlegmons l’esprit-de-vin par le sel de tartre. Voyez la table des rapports au mot Rapport ; voyez Précipitation.

Troisiemement, le chimiste employe l’eau comme instrument méchanique, ou, si l’on veut, physique ; il l’interpose entre le feu & certains corps auxquels il veut appliquer un feu doux, & renfermé dans l’étendue des degrés de chaleur dont ce liquide est susceptible. Cet intermede (que j’appellerai faux, voy. Intermede) est connu dans l’art sous le nom de bain-marie (voyez Feu, Chimie). L’eau sert de la même façon dans la cuite des emplâtres qui contiennent des chaux de plomb. Voyez Emplatre.

L’eau est l’instrument essentiel de la pulvérisation philosophique, qu’on appelle aussi pulvérisation à l’eau. Voyez Pulvérisation.

Le lavage par lequel on sépare une poudre plus legere d’une poudre plus pesante, est encore une opération méchanique que le chimiste exécute par le moyen de l’eau. Voyez Lavage.

Il est aisé d’appercevoir que l’eau, dans les derniers usages que nous venons de rapporter, agit comme liquide, & non pas comme liquide tel ; & voilà pourquoi elle est dans ces cas un agent physique, & non pas un agent chimique. Voyez la partie dogmatique de l’article Chimie. (b)

Eau douce ou eau commune. L’eau que la nature nous présente sous la forme d’un corps aggregé, est encore un objet chimique, entant que les différentes substances dont elle est toûjours mêlée, ne peuvent être découvertes & définies que par des moyens chimiques.