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raison, c’est-à-dire à l’âge de sept à huit ans. Voyez Enfant, Age.

Le bonheur dont on peut joüir dans ce monde, se réduit à avoir l’esprit bien réglé & le corps en bonne disposition : mens sana in corpore sano, dit Juvenal, sat. x. ainsi comme il faut posséder ces deux avantages, qui renferment tous les autres, pour n’avoir pas grand’chose à desirer d’ailleurs, on ne sauroit trop s’appliquer, pour le bien de l’humanité, à rechercher les moyens propres à en procurer la conservation ; lorsqu’on en joüit, à les perfectionner autant qu’il est possible, & à les rétablir lorsqu’on les a perdus.

C’est à l’égard de l’esprit que l’on trouve bien des préceptes concernant l’éducation des enfans : il en est peu concernant les soins que l’on doit prendre du corps pendant l’enfance : cependant quoique l’esprit soit la plus considérable partie de l’homme, & qu’on doive s’attacher principalement à le bien régler, il ne faut pas négliger le corps, à cause de l’étroite liaison qu’il y a entr’eux. La disposition des organes a le plus de part à rendre l’homme vertueux ou vicieux, spirituel ou idiot.

Il est donc du ressort de la Medecine de prescrire la conduite que doivent tenir les personnes chargées d’élever les enfans, & de veiller à tout ce qui peut contribuer à la conservation & à la perfection de leur santé ; à leur faire une constitution qui soit le moins qu’il est possible sujette aux maladies. C’est dans ce tems de la vie, où le tissu des fibres est plus délicat, où les organes sont le plus tendre, que l’économie animale est le plus susceptible des changemens avantageux ou nuisibles conséquemment au bon ou au mauvais effet des choses nécessaires, dont l’usage ou les impressions sont inévitables ; ainsi il est très-important de mettre de bonne heure à profit cette disposition, pour perfectionner ou fortifier le tempérament des enfans, selon qu’ils sont naturellement robustes ou foibles.

Tous ceux qui ont écrit sur ce sujet, s’accordent à-peu-près à proposer dans cette vûe une méthode, qui se réduit à ce peu de regles très-faciles à pratiquer ; savoir, de ne nourrir les enfans que de viandes les plus communes ; de leur défendre l’usage du vin & de toutes les liqueurs fortes ; de ne leur donner que peu ou point de medecines ; de leur permettre de rester souvent au grand air ; de les laisser s’exposer eux-mêmes au soleil, aux injures du tems ; de ne pas leur tenir la tête couverte ; d’accoûtumer leurs piés au froid, à l’humidité ; de leur faire prendre de l’exercice ; de les laisser bien dormir, sur-tout dans les premieres années de leur vie ; de les faire cependant lever de bon matin ; de ne leur pas faire des habits trop chauds & trop étroits ; de leur faire contracter l’habitude d’aller à la selle régulierement ; de les empêcher de se livrer à une trop forte contention d’esprit, de ne l’exercer d’abord que très-modérément, & d’en augmenter l’application par degrés. En se conformant à ces regles jusqu’à l’habitude, il n’y a presque rien que le corps ne puisse endurer, presque point de genre de vie auquel il ne puisse s’accoûtumer. C’est ce que l’on trouve plus amplement établi dans l’article Hygiene, où sont expliquées les raisons sur lesquelles est fondée cette pratique. Voyez aussi l’ouvrage de Locke sur l’éducation des enfans, traduit de l’anglois par M. Coste. (d)

* Enfance de Jesus-Christ, (Filles de l’) Hist. ecclés. congrégation dont le but étoit l’institution de jeunes filles, & le secours des malades. On n’y recevoit point de veuves : on n’épousoit la maison qu’après deux ans d’essai : on ne renonçoit point aux biens de famille en s’attachant à l’institut : il n’y avoit que les nobles qui pussent être supérieures. Quant aux autres emplois, les roturieres y pouvoient

prétendre ; il y en avoit cependant plusieurs d’abaissées à la condition de suivantes, de femmes de chambre, & de servantes. Cette communauté bisarre commença à Toulouse en 1657. Ce fut un chanoine de cette ville qui lui donna dans la suite des réglemens qui ne réparerent rien ; on y observa au contraire d’en bannir les mots de dortoir, de chauffoir, de refectoire, & autres qui sentent le monastere. On ne s’appelloit point sœurs. Les filles de l’enfance de Jesus prenoient des laquais, des cochers ; mais il falloit que ceux-ci fussent mariés, & que les autres n’eussent point servi de filles dans le monde. Elles ne pouvoient choisir un régulier pour confesseur. Le chanoine de Toulouse soûtenant contre toute remontrance la sagesse profonde de ses réglemens, & n’en voulant pas démordre, le roi Louis XIV. cassa l’institut, & renvoya les filles de l’enfance de Jesus-Christ chez leurs parens. Elles avoient alors cinq ou six établissemens, tant en Provence qu’en Languedoc.

ENFANT, s. m. fils ou fille, (Droit nat. Morale.) relation de fils ou de fille à ses pere & mere, quoique dans le droit romain le nom d’enfant comprenne aussi les petits-fils, soit qu’ils descendent des mâles ou des femelles.

Les enfans ayant une relation très-étroite avec ceux dont ils ont reçû le jour, la nourriture & l’éducation, sont tenus par ces motifs à remplir vis-à-vis de leurs pere & mere des devoirs indispensables, tels que la déférence, l’obéissance, l’honneur, le respect ; comme aussi de leur rendre tous les services & leur donner tous les secours que peuvent inspirer leur situation & leur reconnoissance.

C’est par une suite de l’état de foiblesse & d’ignorance où naissent les enfans, qu’ils se trouvent naturellement assujettis à leurs pere & mere, auxquels la nature donne tout le pouvoir nécessaire pour gouverner ceux dont ils doivent procurer l’avantage.

Il résulte de-là que les enfans doivent de leur côté honorer leurs pere & mere en paroles & en effets. Ils leur doivent encore l’obéissance, non pas cependant une obéissance sans bornes, mais aussi étendue que le demande cette relation, & aussi grande que le permet la dépendance où les uns & les autres sont d’un supérieur commun. Ils doivent avoir pour leurs pere & mere des sentimens d’affection, d’estime & de respect, & témoigner ces sentimens par toute leur conduite. Ils doivent leur rendre tous les services dont ils sont capables, les conseiller dans leurs affaires, les consoler dans leurs malheurs, supporter patiemment leurs mauvaises humeurs & leurs défauts. Il n’est point d’âge, de rang, ni de dignité, qui puisse dispenser un enfant de ces sortes de devoirs. Enfin un enfant doit aider, assister, nourrir son pere & sa mere, quand ils sont tombés dans le besoin & dans l’indigence ; & l’on a loüé Solon d’avoir noté d’infamie ceux qui manqueroient à un tel devoir, quoique la pratique n’en soit pas aussi souvent nécessaire que celle de l’obligation où sont les peres & meres de nourrir & d’élever leurs enfans.

Cependant pour mieux comprendre la nature & les justes bornes des devoirs dont nous venons de parler, il faut distinguer soigneusement trois états des enfans, selon les trois tems différens de leur vie.

Le premier est lorsque leur jugement est imparfait, & qu’ils manquent de discernement, comme dit Aristote.

Le second, lorsque leur jugement étant mûr, ils sont encore membres de la famille paternelle ; ou, comme s’exprime le même philosophe, qu’ils n’en sont pas encore séparés.

Le troisieme & dernier état, est lorsqu’ils sont sortis de cette famille par le mariage dans un âge mûr.

Dans le premier état, toutes les actions des enfans sont soûmises à la direction de leurs pere & me-