prendre au malade un julep anodyn ou une émulsion. Pour ce qui est des topiques, on ne peut pas les employer pour l’érésipele de la face, parce que les émolliens anodyns, en relâchant le tissu déjà très-foible de cette partie, peuvent disposer l’inflammation à devenir gangreneuse, & parce que les résolutifs atténuans ne peuvent pas agir sans augmenter l’action des solides, la réaction des fluides, sans rendre la chaleur & l’acrimonie plus considérable ; ce qui dispose l’érésipele à s’exulcérer, & à causer des douleurs extrèmes ; ce qui peut être aussi suivi de la mortification : ainsi il vaut mieux n’employer aucun remede externe dans ce cas, que d’en essayer dont il y a lieu de craindre de si mauvais effets.
Lorsque l’érésipele occupe toute autre partie de la surface du corps, on peut faire usage avec beaucoup de succès, des topiques émolliens & résolutifs, par le moyen desquels on parvienne à relâcher plus ou moins le tissu de la partie affectée, à tempérer l’acrimonie du sang & de la lymphe, à modérer la chaleur, à calmer la douleur, & à rendre plus fluides les humeurs qui forment l’inflammation, afin d’en faciliter au plûtôt la résolution. Il faut choisir parmi ces remedes, ceux qui sont le plus proportionnés à la nature du mal, & mêler à-propos les émolliens avec les résolutifs, ou les employer séparément, selon l’exigence des cas, sous forme de fomentations ou de cataplasmes, qui doivent être diversement préparés, selon les différentes especes d’érésipeles. On doit aussi en commencer ou en cesser l’usage plûtôt ou plûtard, selon que l’exigent les indications. Voyez Emolliens, Résolutifs, &c.
Il n’est aucun cas où l’on puisse appliquer des remedes repercussifs sur l’érésipele, de quelqu’espece qu’elle soit, non plus que des narcotiques, des huileux. Les premiers, en resserrant les vaisseaux, y fixeroient la matiere morbifique, & la disposeroient à se durcir, ou la partie à se gangrener, ou donneroient lieu à des métastases funestes. Les seconds, en suspendant l’action des vaisseaux engorgés, tendroient également à produire la mortification. Les troisiemes, en bouchant les pores, en empêchant la transpiration, augmenteroient la pléthore de la partie affectée, l’acrimonie des humeurs, & par conséquent rendroient plus violens les symptomes de l’érésipele. S’il se forme des vessies sur l’érésipele, par la sérosité acre, qui détache l’épiderme & le sépare de la peau, ce qui arrive souvent, il faut donner issue à l’humeur contenue, qui par sa qualité corrosive & par un plus long séjour, pourroit exulcérer la peau. On doit, pour éviter ces mauvais effets, ouvrir ces vessies avec des ciseaux, en exprimer le contenu avec un linge, & y appliquer quelque lénitif, si l’érosion est commencée par la nature du mal, ou par mauvais traitement. Lorsque l’érésipele se termine par la suppuration ou par la gangrene, il faut employer les remedes convenables à ces différens états. Voyez Suppuration, Ulcere, Gangrene.
Lorsque l’érésipele ne provient pas d’une cause interne, d’un vice des humeurs, & qu’elle est causée par la crasse de la peau, par l’application de quelqu’emplâtre qui a pû arrêter la transpiration, embarrasser le cours des fluides dans la partie, il faut d’abord emporter la cause occasionnelle, nettoyer la peau avec de l’eau ou du vin chaud, ou de l’huile d’olive, selon la nature des matieres qui y sont attachées : lorsqu’elles sont acres, irritantes, comme celles des synapismes, des phœnigmes, des vesicatoires, on doit laver la partie avec du lait, ou y appliquer du beurre, ou l’oindre avec de l’huile d’œufs. Dans les cas où l’érésipele n’est pas simple, où elle est phlegmoneuse, érésypélateuse, elle participe plus ou moins de l’une des deux tumeurs compliquées, on doit par conséquent traiter celle qui est dominante,
ou qui présente les indications les plus urgentes, sans avoir égard à l’autre : celle-là étant guérie, s’il reste des traces de celle-ci, on la traitera à son tour selon les regles de l’art. Voyez Phlegmon, Œdeme. (d)
Erésipele, (Manége, Maréchall.) maladie cutanée. Rien ne prouve plus évidemment l’uniformité de la marche & des opérations de la nature dans les hommes & dans les animaux, que les maladies auxquelles les uns & les autres sont sujets : les mêmes troubles, les mêmes dérangemens supposent nécessairement en eux un même ordre, une même économie ; & quoique quelques-unes des parties qui en constituent le corps, nous paroissent essentiellement dissemblables, pour peu que l’on pénetre les raisons de ces variétés, on n’en est que plus sensiblement convaincu que ces différences apparentes, ces voies particulieres qu’il semble que cette mere commune s’est tracées, ne servent qu’à la rapprocher plus intimement des lois générales qu’elle s’est prescrites.
Quand on considere dans l’animal l’érésipele par ses causes externes & internes, & quand on en envisage le génie, le caractere, les suites & le traitement, on ne sauroit se déguiser les rapports qui lient & qui unissent la Medecine & l’art vétérinaire. Cette maladie, qui tient & participe aussi quelquefois des autres tumeurs génériques, c’est-à-dire du phlegmon, de l’œdeme & du skirrhe, peut être en effet dans le cheval essentielle ou symptomatique ; elle peut être également produite conséquemment à l’acrimonie & à l’épaississement des humeurs, ou conséquemment à un air trop chaud ou trop froid ; à des alimens échauffans, tels que l’avoine prise ou donnée en trop grande quantité, à des exercices outrés, à un repos immodéré, à des compressions faites sur les parties extérieures, à l’irritation des fibres du tégument ensuite d’une écorchure, d’une brûlure, du long séjour de la crasse sur la peau, &c. Les signes en sont encore les mêmes, puisqu’elle s’annonce souvent, sur-tout lorsqu’elle occupe la tête du cheval, par la fievre, par le dégoût, par une sorte de stupeur & d’abattement, & toûjours, & en quelque lieu qu’elle ait établi son siége, par la tension, la douleur, la grande chaleur, le gonflement & la rougeur de la partie ; symptome, à la vérité, qu’on n’apperçoit pas dans tous les chevaux, mais qui n’existe pas moins, & que j’ai fort aisément distingué dans ceux dont la robe est claire, & dont le poil est très fin.
Cette tumeur fixée sur les jambes de l’animal, en gêne plus ou moins les mouvemens, selon son plus ou moins d’étendue ; elle est pareillement moins formidable en lui que l’érésipele de la face & de la tête, que quelques maréchaux ont prise pour ce fameux mal de tête de contagion supposé par une foule d’auteurs anciens & modernes, & sur les causes & la cure duquel ils ne nous ont rien présenté d’utile & de vrai.
Quoi qu’il en soit, les indications curatives qui sont offertes au maréchal, ne different point de celles qui doivent guider le medecin. Les saignées plus ou moins répétées, selon le besoin, détendront les fibres cutanées, desobstrueront, vuideront les vaisseaux, appaiseront la fougue du sang, faciliteront son cours, & préviendront les reflux qui pourroient se faire. Ces effets seront aides par des lavemens émolliens, par des décoctions de plantes émollientes données en boisson, & mêlées avec l’eau blanche. Lorsque les symptomes les plus violens se seront évanoüis par cette voie, on purgera l’animal ; & quand on présumera que les filtres destinés à donner issuë aux humeurs viciées, ont acquis une souplesse capable d’assûrer la liberté de leur sortie, on prescrira de legers diaphorétiques, tels que le gayac & la racine des autres bois mise en poudre, donnée