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Telles sont les principales restrictions qui ont été faites aux évocations mêmes, qui paroissent fondées sur une considération de justice, & sur la crainte qu’une des parties n’eût quelque avantage sur l’autre, dans un tribunal dont plusieurs officiers sont ses parens ou alliés. Si l’un d’eux s’étoit tellement intéressé pour elle, qu’il eût fait son affaire propre de sa cause, les parens & alliés de cet officier serviroient aussi à fonder l’évocation. Mais l’ordonnance de 1737 a prescrit une procédure très-sommaire, pour les occasions où l’on allegue un pareil fait ; & il faut pour l’établir, articuler & prouver trois circonstances ; savoir, que l’officier ait sollicité les juges en personne, qu’il ait donné ses conseils, & qu’il ait fourni aux frais. Le défaut d’une de ces trois circonstances suffit pour condamner la partie qui a soûtenu ce fait en une amende, & quelquefois à des dommages & intérêts, & d’autres réparations.

Au surplus, pour que la partie qui demande l’évocation ait lieu d’appréhender le crédit des parens ou alliés de son adversaire dans un tribunal, il faut qu’ils soient dans un degré assez proche pour faire présumer qu’ils s’y intéressent particulierement ; qu’ils soient en assez grand nombre pour faire une forte impression sur l’esprit des autres juges ; enfin qu’ils soient actuellement dans des fonctions qui les mettent à portée d’agir en faveur de la partie, à laquelle ils sont attachés par les liens du sang ou de l’affinité. C’est dans cet esprit que les ordonnances ont fixé les degrés, le nombre, & la qualité des pa-

rens & alliés qui pourroient donner lieu à l’évocation.

A l’égard de la proximité, tous les ascendans ou descendans, & tous ceux des collatéraux, qui speciem parentum & liberorum inter se referunt, c’est-à-dire les oncles ou grands-oncles, neveux ou petits-neveux, donnent lieu à l’évocation ; mais pour les autres collatéraux, la parenté ou l’alliance n’est comptée pour l’évocation que jusqu’au troisieme degré inclusivement ; au lieu que pour la récusation, elle s’étend au quatrieme degré en matiere civile, & au cinquieme en matiere criminelle.

Les degrés se comptent suivant le droit canonique. Voyez au mot Degré de parenté.

On ne peut évoquer du chef de ses propres parens & alliés, si ce n’est qu’ils fussent parens ou alliés dans un degré plus proche de l’autre partie.

Une alliance ne peut servir à évoquer, à moins que le mariage qui a produit cette alliance ne subsiste au tems de l’évocation, ou qu’il n’y ait des enfans de ce mariage ; l’espece d’alliance qui est entre ceux qui ont épousé les deux sœurs, ne peut aussi servir à évoquer que lorsque les deux mariages subsistent, ou qu’il reste des enfans d’un de ces mariages, ou de tous les deux.

Le nombre des parens ou alliés nécessaire pour évoquer, est reglé différemment, eu égard au nombre plus ou moins grand d’officiers, dont les cours sont composées, & à la qualité de celui du chef duquel on peut évoquer. C’est ce qu’on peut voir

par le tableau suivant.
Pour les Parlemens
de
Si la partie évoquée
est du corps.
Si elle n’en
est pas.
Paris 10 parens ou alliés. 12 parens ou alliés.
Toulouse, Bordeaux     6 8
Roüen, Bretagne
Dijon, Grenoble, Aix     5 6
Pau, Metz, Besançon
Le grand-conseil 4 6
Cour des aides de Paris 4 6
Autres cours des aides 3 4

A l’égard de la qualité de chaque parent ou allié qui peut donner lieu à l’évocation, il faut qu’il ait actuellement séance & voix délibérative dans sa compagnie, ou qu’il y soit avocat général ou procureur général.

On fait même une différence entre les officiers ordinaires, & ceux qui ne sont pas obligés de faire un service assidu & continuel ; tels que les pairs, les conseillers d’honneur, & les honoraires, lesquels, en quelque nombre qu’ils soient, ne se comptent que pour un tiers du nombre requis pour évoquer ; comme pour quatre, quand il faut douze parens ou alliés ; pour trois, quand il en faut dix ; pour deux, quand il en faut six ou huit ; & pour un, quand il en faut trois, quatre, ou cinq.

Les pairs & les conseillers d’honneur ne peuvent donner lieu à évoquer que du parlement de Paris ; & les maîtres des requêtes, que du parlement & du grand-conseil, quoique les uns & les autres ayent entrée dans tous les parlemens.

On ne compte plus pour l’évocation les parens ou alliés qui seroient morts depuis la cédule évocatoire, ou qui auroient quitté leurs charges : s’ils sont devenus honoraires, on les compte en cette qualité seulement. S’il arrive aussi que la partie du chef de laquelle on demandoit l’évocation cesse d’avoir intérêt dans l’affaire, on n’a plus d’égard à ses parentés & alliances.

L’objet des lois a encore été de prévenir les inconvéniens des demandes en évocation, en établissant une procédure simple & abregée pour y statuer.

C’est au conseil des parties qu’elles sont examinées ; mais il y a des procédures qui doivent se faire sur les lieux, dont la premiere est la cédule évocatoire.

On appelle ainsi un acte de procédure par lequel la partie, qui veut user de l’évocation, déclare à son adversaire qu’elle entend faire évoquer l’affaire de la cour où elle est pendante ; attendu que parmi les officiers de cette cour, il a tels & tels parens ou alliés : le même acte contient une sommation de consentir à l’évocation & au renvoi en la cour, où il doit être fait suivant l’ordonnance ; ou à une autre, si elle lui étoit suspecte.

La forme de cet acte & celle des autres procédures qui doivent être faites sur les lieux, se trouvent en détail dans l’ordonnance de 1737.

L’évocation sur parentés & alliances est réputée consentie, soit qu’il y ait un consentement par écrit, soit que le défendeur ait reconnu dans sa réponse les parentés & alliances, sans proposer d’autres moyens pour empêcher l’évocation, soit enfin qu’il ait gardé le silence pendant le délai prescrit par l’ordonnance ; dans chacun de ces cas, le demandeur doit obtenir des lettres d’évocation consentie, dans un tems fixé par la même ordonnance, faute de quoi le défendeur peut les faire expédier aux frais de l’évoquant.

Les cédules évocatoires sont de droit réputées pour non avenues ; & les cours peuvent passer outre au jugement de l’affaire, sans qu’il soit besoin d’arrêt du conseil.

1°. Lorsque l’affaire n’est pas de nature à être évo-