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le même masque & les mêmes habits qu’il avoit eus dans la piece sérieuse.

Mais ce qui caractérisoit particulierement l’exode étoit la licence & la liberté qu’on avoit dans cette piece d’y joüer sous le masque, jusqu’aux empereurs mêmes. Cette liberté qui permettoit de tout dire dans les bacchanales, cette liberté qui existoit dans toutes les fêtes & dans tous les jeux, cette liberté que les soldats prenoient dans les triomphes de leurs généraux, enfin cette liberté qui avoit régné dans l’ancienne comédie greque, se trouvoit ainsi dans les exodes ; non-seulement les exodiaires y contrefaisoient ce qu’il y avoit de plus grave, & le tournoient en ridicule, mais ils y représentoient hardiment les vices, les débauches, & les crimes des empereurs, sans que ceux-ci osassent ni les empêcher ni les en punir.

Ils jugerent apparemment qu’il étoit de la bonne politique de laisser ce foible dédommagement à un peuple belliqueux, prêt à secouer le joug à la premiere occasion, & d’ailleurs à un peuple fier & actif, qui depuis peu de tems avoit perdu l’empire, & qui n’avoit plus ni de magistrats à nommer, ni de tribuns à écouter. Sylla, homme emporté, mena violemment les Romains à la liberté ; Auguste rusé tyran, les conduisit doucement à la servitude : pendant que sous Sylla la république reprenoit des forces, tout le monde crioit à la tyrannie ; & pendant que sous Auguste la tyrannie se fortifioit par les jeux du cirque & les spectacles, on ne parloit que de liberté.

On connoît les débauches de Tibere, & on sait le malheur d’une dame de condition appellée Mallonia, qui accusée d’adultere par l’ordre de ce prince, parce qu’elle n’avoit pas voulu répondre à ses infamies, s’ôta la vie d’elle-même après lui avoir reproché son impureté, Obscænitate ori hirsuto atque olido seni clare exprobatâ : ce reproche ne manqua pas d’être relevé dans l’exode qui fut chantée à la fin d’une piece atellane. On entendit avec plaisir l’exodiaire s’arrêter & peser long-tems sur ce bon mot, hircum vetulum Capreis naturam ligurire ; bon mot qui se répandit dans tout Rome, & qui fut appliqué généralement à l’empereur. Suétone, vie de Tibere, chap. xlv.

On sait que Néron, entr’autres crimes, avoit empoisonné son pere, & fait noyer sa mere ; le comédien Datus chanta en grec, à la fin d’une piece atellane, adieu mon pere, adieu ma mere ; mais en chantant adieu mon pere, il représenta par ses gestes une personne qui boit ; & en chantant adieu ma mere, il imita une personne qui se débat dans l’eau, & qui se noye ; & ensuite il ajoûta, Pluton vous conduit à la mort, en représentant aussi par ses gestes le sénat que ce prince avoit menacé d’exterminer. Suet. vie de Néron, ch. xxxjx. Voyez Atellanes.

Dans ces sortes d’exodes ou de satyres, on inséroit encore souvent des couplets de chansons répandus dans le public, dont on faisoit une nouvelle application aux circonstances du tems. L’acteur commençoit le premier vers du vaudeville connu, & tous les spectateurs en chantoient la suite sur le même ton. L’empereur Galba étant entré dans Rome, où son arrivée ne plaisoit point au peuple, l’exodiaire entonna la chanson qui étoit connue, venit io simus à villâ, le camard vient des champs : alors tout le monde chanta la suite, & se fit un plaisir de la répéter avec des acclamations toûjours nouvelles. Suétone, vie de Galba.

Quelquefois on redemandoit dans une seconde représentation l’exode qui avoit déjà été chantée, & on la faisoit rejoüer, sur-tout dans les provinces, où l’on n’en pouvoit pas toûjours avoir de nouvelles. C’est ce qui fait dire à Juvenal :

. . . . . . Tandemque redit ad pulpita notum
Exodium.

Sat. iij. V. 174.

Les exodes se joüerent à Rome plus de 550 ans, sans avoir souffert qu’une legere interruption de quelques années ; & quoique sous le regne d’Auguste elles déplussent aux gens de bon goût, parce qu’elles portoient toûjours des marques de la grossiereté de leur origine, cependant elles durerent encore long-tems après le siecle de cet empereur. Enfin elles ont ressuscité à plusieurs égards parmi nous : car quel autre nom peut-on donner à cette espece de farce, que nous appellons comédie italienne, & dans quel genre d’ouvrage d’esprit peut-on placer des pieces où l’on se moque de toutes les regles du théatre ? des pieces où dans le nœud & dans le dénoüement, on semble vouloir éviter la vraissemblance ? des pieces où l’on ne se propose d’autre but que d’exciter à rire par des traits d’une imagination bisarre ? des pieces encore où l’on ose avilir, par une imitation burlesque, l’action noble & touchante d’un sujet dramatique ? Qu’on ne dise point, pour la défense de cette Thalie barbouillée, qu’on l’a vû plaire au public autant que les meilleures pieces de Racine & de Moliere : je répondrois que c’est à un public mal composé, & que même dans ce public il y a quantité de personnes qui connoissent très-bien le peu de valeur de ce comique des halles ; en effet, quand la conjoncture ou la mode qui l’a fait naître sont passés, les comédiens ne font plus reparoître cette même farce, qui leur avoit attiré tant de concours & d’applaudissemens. Voyez Farce & Parodie. Article de M. le Chevalier de Jaucourt.

Exode signifioit aussi une ode, hymne, ou cantique, par lequel on terminoit chez les anciens une fête, ou un repas. (G)

EXODIAIRE, s. m. (Littér.) dans l’ancienne tragédie romaine, étoit un bouffon ou farceur qui paroissoit sur le théatre quand la tragédie étoit finie, & formoit ce qu’on appelloit l’exodium, ou la conclusion du spectacle, pour divertir les spectateurs. Voyez Exode. (G)

EXOINE, (Jurisprud.) signifie excuse de celui qui ne comparoît pas en personne en justice, quoiqu’il fût obligé de le faire.

Quelques-uns tirent l’étymologie de ce terme de sunnis, qui dans les capitulaires signifie empêchement, d’où l’on a fait sonniare, & ensuite exoniare, pour dire, tirer d’embarras ; d’autres font venir exoine d’un autre mot barbare, exidoniare, quasi non esse idoneum se adfirmare : ne pourroit-on pas sans tirer les choses de si loin, le faire venir d’exonerare, parce que l’exoine tend à la décharge de l’absent ?

Il est parlé d’essoine ou exoine, ce qui est la même chose, dans les établissemens de S. Louis, ch. jx. On y voit qu’alors l’essoine étoit pour le défendeur ce que le contremant étoit pour le demandeur qui demandoit lui-même la remise. Voyez aussi Beaumanoir, ch. iij. & l’auteur du grand coûtumier, Livre III. chapitre vij.

L’exoine a lieu quand celui qui devoit comparoître en personne devant le juge, ne peut pas y venir pour cause de maladie, blessure, ou autre empêchement légitime, tel que la difficulté des chemins lorsqu’ils sont impraticables, ou lorsque la communication est interrompue par une inondation, par la guerre, par la contagion, &c. Dans tous ces cas, celui qui veut se servir de l’exoine doit donner procuration spéciale devant notaire à une personne qui vient proposer son exoine, & qui affirme pour lui qu’il ne peut pas venir. La procuration doit contenir le nom de la ville, bourg ou village, paroisse, rue & maison où l’exoiné est retenu. Si c’est pour cause de maladie, il faut rapporter un certificat d’un medecin d’une faculté approuvée, qui doit déclarer