Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 6.djvu/453

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

La figure informe du faux-germe déterminée dès les premiers dérangemens du vrai germe, devient plus ou moins apparente & monstrueuse, selon le plus ou le moins de tems qu’il séjourne & qu’il vit, pour ainsi dire, dans la matrice ; les sucs nourriciers ne pouvant plus se transmettre au vrai germe, se fixent & s’arrêtent à ses membranes : leur transparence devient opaque ; ses pellicules prennent forme de chair par une seve sur-abondante ; & le trouble mis dans la distribution des liqueurs & des esprits, fait prendre à l’œuf une figure monstrueuse : il devient corps étranger pour la nature, & plus il reste dans la matrice, plus son irrégularité & son volume la tourmentent, & plus elle essuie d’accidens ou de violences pour s’en débarrasser.

La chûte du faux-germe, ou son expulsion la plus générale hors de la matrice, est depuis six semaines de conception jusqu’au terme de trois mois ou environ : je dis la plus générale, parce que des hasards heureux pour les gens de l’art, ont expulsé de la matrice des germes manqués si nouvellement, que la figure réguliere de l’œuf n’avoit pas eu le tems d’être changée, qu’on distinguoit encore à-travers la transparence de ses membranes, l’embrion suspendu en forme de toison dans le centre d’une mer d’eau proportionnément au petit volume de l’embrion. Feu M. Puzos, démonstrateur pour les accouchemens à Paris, en a fait voir de très-naturels dans les écoles de S. Côme à ses écoliers : & comme le tems détruit bien-tôt ces petits phénomenes, quelque précaution qu’on apporte pour les conserver, il en a fait d’artificiels si ressemblans à ceux que la nature sembloit avoir voulu lui donner en présent, qu’il paroîtroit assez difficile de douter, & de la naissance de l’homme dans un œuf, de son accroissement gradué dans ce même œuf, & de la perversion de l’œuf, & de son vrai germe par les causes déduites ci-dessus.

Ce n’est pas une regle générale dans la perversion des vrais germes, qu’on ne trouve dans ces masses informes que de l’eau : c’est à la vérité la fausse-couche la plus ordinaire, cependant il s’en fait dans lesquelles on trouve l’embrion commencé au centre du faux-germe ; il lui suffit d’avoir profité pendant une quinzaine de jours pour prendre consistence, & former un petit corps solide qui ne se détruit plus. On en voit du volume d’une mouche à miel, & ce sont les plus petits, de même que les plus gros qui se trouvent renfermés dans le faux-germe, n’excedent guere le volume du ver à soie renfermé dans sa coque avant que d’être en feve.

L’embrion au-dessus de cette derniere grosseur mérite alors le nom de fœtus : cinq ou six semaines d’accroissement lui donnent forme humaine ; il est distingué & reconnu pour tel dans toutes ses parties & dans toutes ses dépendances. On le trouve renfermé dans toutes ses membranes, flotant dans ses eaux, nourri par le cordon ombilical, & muni d’un placenta adhérent au fond de la matrice ; que si par quelque cause que ce soit, ce petit fœtus périt, ce qui l’entoure ne devient plus faux-germe, ni corps informe : il reste dans ses membranes & dans ses eaux jusqu’à ce que la matrice ait acquis des moyens suffisans pour l’expulser ; elle y parvient toûjours en plus ou moins de tems, & ces moyens sont toûjours ou douleurs considérables avec perte de sang legere, ou perte de sang très-violente & fort peu de douleurs.

L’expulsion du fœtus bien formé hors de la matrice, est un avortement bien certain, c’est un fruit bien commencé, lequel arrêté dans son accroissement se flétrit, seche pour ainsi dire sur pié, & ne demande qu’à sortir ; pour cet effet, il fournit par son séjour des importunités à la matrice, qui à la fin tour-

nent en douleurs & en perte de sang, & exigent un travail fort ressemblant à celui d’un enfant vivant & fort avancé ; & comme il ne résulte de ce travail qu’un homme manqué dès sa premiere configuration, on doit donner à ce travail le nom d’avortement, puisqu’il ne produit qu’un fruit avorté sans perdre la ressemblance & la figure de ce qu’il devroit être.

Nous appellerions donc volontiers avortement tout fœtus expulsé hors de la matrice mort ou vivant, mais toûjours dans le cas de ne pouvoir vivre, quelque soin qu’on puisse en prendre dès qu’il est né : nous comprendrions par conséquent les termes des grossesses susceptibles d’avortement, depuis six semaines jusqu’à six mois révolus ; au septieme mois révolu de la grossesse, l’enfant venu au monde vivant, mais trop tôt, & pouvant s’élever par des soins & des hasards heureux, forme un accouchement prématuré : presque tous les enfans nés à sept mois périssent, peu d’entr’eux échappent au défaut de forces & de tems, au contraire de ceux qui naissent dans le huitieme mois, qui plus communément vivent, & sont plus en état de pouvoir profiter des alimens qui leur conviennent : enfin l’accouchement de neuf mois est celui d’une parfaite maturité ; c’est le terme que la nature a prescrit au séjour de l’enfant dans la matrice ; terme néanmoins souvent accourci par des causes naturelles, telles que la grossesse de deux ou trois enfans, l’hydropisie de la matrice, sa densité qui l’empêche de s’étendre autant que l’accroissement de l’enfant l’exige, ou la foiblesse de ses ressorts qui la font céder trop tôt au poids des corps contenus : on pourroit joindre aux causes naturelles des accouchemens prématurés, des maladies, des coups, des chûtes, & généralement tout accident capable d’accélérer la sortie d’un enfant avant son terme.

Qui voudroit traiter cette matiere à fond, trouveroit de quoi faire un volume assez intéressant, s’il étoit entrepris par une main que l’expérience & la théorie conduisissent ; mais comme il n’est ici question que de donner une idée générale du germe manqué dans la conception de l’homme, nous croyons en avoir assez dit, pour porter les curieux à prendre quelque teinture des connoissances réservées d’ordinaire aux gens de l’art. Voyez cependant les articles Avortement, Fausse-couche, Germe, Œuf, Génération, Fœtus, Mole, Accouchement, Enfantement, &c. Article de M. le Chevalier de Jaucourt.

Faux-jour, s. m. en Architecture, est une fenêtre percée dans une cloison pour éclairer un passage de dégagement, une garde-robe ou un petit escalier, qui ne peut avoir du jour d’ailleurs. Les faux-jours sont sur-tout d’un grand secours dans la distribution pour communiquer de la lumiere dans les petites pieces pratiquées entre les grandes : on a hésité long-tems à en faire usage ; cependant l’on peut dire que c’est à ces faux-jours que l’on doit la plus grande partie des commodités qui font le mérite de la distribution françoise. La maniere dont on décore la plûpart de ces faux-jours du côté des appartemens avec des glaces, des gazes brochées, &c. est tout-à-fait ingénieuse, & mérite une attention particuliere. Voyez à Paris l’hôtel de Talmont, de Villars, de Villeroy, &c. bâtis sur les desseins de feu M. Lelion architecte du Roi. (P)

Faux-Jour, (Peinture.) On dit qu’un tableau n’est pas dans son jour, ou qu’il est dans un faux-jour, lorsque du lieu où l’on le voit, il paroît dessus un luisant qui empêche de bien distinguer les objets. Les tableaux encaustiques n’ont point ce défaut. Voyez Encaustique. Dictionn. de Peint. (R)

Faux-Limons, s. m. pl. (Charpent.) sont ceux