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des, forme du savon avec les huiles, & est d’un goût caustique. Voyez Natron & le supplément du Dictionnaire de Chambers. (—)

Fleurs, (Chimie.) c’est un produit de la sublimation, qui se ramasse dans la partie supérieure des vaisseaux sublimatoires, sous la forme d’un corps rare & peu lié. Voyez Sublimation.

Fleur-de-lis, (Jurisp. Franç.) fer marqué de plusieurs petites fleurs-de-lis par ordre de la justice, que le bourreau applique chaud pendant un instant sur l’épaule d’un coupable qui mérite peine afflictive, mais qui ne mérite pas la mort. Coquille observe que la flétrissure de la fleur-de lis n’a pas seulement été introduite parmi nous comme une peine afflictive, mais de plus comme un moyen de justifier si l’accusé a déjà été puni par la justice de quelque crime, dont la récidive le rend encore plus criminel.

Cette idée de flétrissure est fort ancienne ; les Romains l’appelloient inscriptio. Les Samiens, au rapport de Plutarque, imprimerent une choüette sur les Athéniens qu’ils avoient faits prisonniers de guerre.

Platon ordonna que ceux qui auroient commis quelque sacrilége, seroient marqués au visage & à la main, & ensuite foüettés & bannis. Eumolpe dans Pétrone, couvre le visage de son esclave fugitif, de plusieurs caracteres qui faisoient connoître ses diverses fautes. Cette pratique eut lieu chez les Romains, jusqu’au tems de l’empereur Constantin, qui défendit aux juges de faire imprimer sur le visage aucune lettre qui marquât le crime commis par un coupable, permettant néanmoins d’imprimer cette lettre sur la main ou sur la jambe, afin, dit-il, que la face de l’homme qui est l’image de la beauté céleste, ne soit pas deshonorée. Leg. 17. cod. de pœnis. Sans examiner la solidité de la raison qui a engagé Constantin à abolir la flétrissure sur le visage, nous dirons seulement que cette rigueur a paru trop grande par plusieurs autres motifs aux législateurs modernes, de sorte qu’en France & ailleurs on ne flétrit aujourd’hui que sur l’épaule. Voyez Flétrissure. Article de M. le Chevalier de Jaucourt.

Fleurs d’un Vaisseau, (Marine.) c’est la rondeur qui se trouve dans les côtés du vaisseau, ou bien toutes les planches qui forment cette rondeur dans le bordage extérieur, dont la plus basse est posée auprès de la derniere planche du bordage de fond, & la plus haute joint le franc bordage. Voyez Bordage des fleurs.

Pour la beauté du gabarit d’un vaisseau, il faut que les fleurs montent & s’élevent avec une rondeur agréable à la vûe, & bien proportionnée. Selon quelques charpentiers, le rétrecissement que fait la rondeur des fleurs de-haut en-bas, depuis le gros jusqu’au plat-fond, doit être du tiers du creux du vaisseau pris sous l’embelle ; par exemple, dix piés de creux doivent donner trois piés un tiers de retrécissement. (Z)

Fleurs, (Marine.) donner les fleurs à un vaisseau. Voyez Florer.

Fleur, à fleur d’eau, (Marine.) c’est-à-dire au niveau de la surface de l’eau. Tirer à fleur d’eau, c’est tirer au niveau, & le plus près qu’il est possible de la surface de l’eau. (Z)

Fleurs, dans l’art de Peinture. Peindre les fleurs, c’est entreprendre d’imiter un des plus agréables ouvrages de la nature. Elle semble y prodiguer tous les charmes du coloris. Dans les autres objets qu’elle offre à nos regards, les teintes sont rompues, les nuances confondues, les dégradations insensibles ; l’effet particulier de chaque couleur se dérobe pour ainsi dire aux yeux ; dans les fleurs, les couleurs les plus franches semblent concourir & disputer entr’elles. Un parterre peut être regardé comme la palette de la nature. Elle y présente un assortissement

complet de couleurs séparées les unes des autres ; & pour montrer sans doute combien les principes auxquels nous prétendons qu’elle s’est soûmise, sont au-dessous d’elle, elle permet qu’en assemblant un grouppe de fleurs, on joigne ensemble les teintes que la plûpart des artistes ont regardées comme les plus antipathiques, sans craindre qu’elles blessent les lois de l’harmonie. Est-il donc en effet des couleurs antipathiques ? non sans doute. Mais la peinture & généralement tous les arts ne se voyent-ils pas trop souvent resserrés par des chaines que leur ont forgées les préjugés ? Qui les brisera ? le génie.

Les artistes enrichis de ce don céleste, ont le privilége de sécoüer le joug de certaines regles qui ne sont faites que pour les talens médiocres. Ces artistes découvriront en examinant un bouquet, des beautés hardies de coloris qu’ils oseront imiter. Pausias les surprit dans les guirlandes de Glycere, & en profita.

Je crois donc qu’une des meilleures études de coloris qu’un jeune artiste puisse faire, est d’assembler au hasard des grouppes de fleurs, & de les peindre ; qu’il joigne à cette étude celle de l’effet qu’elles produisent sur différens fonds, il verra s’évanouir cette habitude servile d’apposer toûjours des fonds obscurs aux couleurs brillantes qu’on veut faire éclater. Des fleurs différentes, mais toutes blanches, étalées sur du linge ; un cygne qui vient leur comparer la couleur de ses plumes ; un vase de cette porcelaine ancienne si estimée par la blancheur de sa pâte, & qui renferme un lait pur, formeront un assemblage dans lequel la nature ne sera jamais embarrassée de distinguer des objets, qu’elle semble avoir trop uniformement colorés. Pourquoi donc, lorsqu’il s’agit d’imiter l’éclat du teint d’une jeune beauté, recourir à des oppositions forcées & peu vraissemblables ? Pourquoi, si l’on veut éclairer une partie d’un tableau, répandre sur le reste de l’ouvrage une obscurité rebutante, une nuit impénétrable ? pourquoi donner ainsi du dégoût pour un art dont les moyens trop apperçûs blessent autant que ses effets plaisent ? Ce que je viens de dire a, comme on le voit, rapport à l’art de Peinture en général. Cependant comme le talent de peindre les fleurs est un genre particulier qui remplit souvent tous les soins d’un artiste, il est bon de faire quelques observations particulieres. Une extrème patience, un goût de propreté dans le travail, un génie un peu lent, des passions douces, un caractere tranquille, semblent devoir entraîner un artiste à choisir des fleurs pour l’objet de ses imitations. Cependant pour les peindre parfaitement, toutes ces qualités ne suffisent pas. Les fleurs, objets qui semblent inanimés, par conséquent froids, demandent pour intéresser dans la représentation qu’on en fait, une idée de mouvement, une chaleur dans le coloris, une legereté dans la touche, un art & un choix dans les accidens, qui les mettent pour ainsi dire au-dessus de ce qu’elles sont. Ces êtres qui vivent ont toutes ces qualités aux yeux de ceux qui les savent appercevoir ; & l’on a vû Baptiste & Desportes avec une façon de peindre fiere, large, & souvent prompte, imiter le velouté des roses, & rendre intéressante la symmétrie de l’anémone. Une fleur prête d’éclore, une autre dans le moment où elle est parfaite, une troisieme, dont les beautés commencent à se flétrir, ont des mouvemens différens dans les parties qui les composent. Celui des tiges & des feuilles n’est point arbitraire, c’est l’effet de la combinaison des organes des plantes. La lumiere du soleil qui leur convient le mieux, offre par sa variété des accidens de clair obscur sans nombre. Les insectes, les oiseaux qui joüissent plus immédiatement que nous de ces objets, ont droit d’en animer les représentations. Les vases où on les conserve, les rubans avec lesquels on les assemble, doivent orner la com-