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Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 7.djvu/350

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la grandeur que doivent avoir ses figures dans sa grande composition ; il les dispose alors sur son carton, comme elles doivent l’être dans le tableau ; ensuite plaçant & examinant le modele, il perfectionne son trait d’après la nature nue, il dessine chacune de ses figures, il corrige, il efface jusqu’à ce qu’il soit satisfait ; alors coupant ce carton par partie, il ponce, il calque, ou enfin par quelque moyen que ce soit, il porte exactement ces contours du carton sur l’enduit de chaux dont j’ai donné la préparation : alors il n’est plus occupé que de peindre, en assortissant les nuances de sa palette à l’esquisse colorée, qui lui sert de modele & de guide. On trouvera aux mots Poncer, Calquer, Graticuler du mot italien graticolare, les moyens de transporter aisément & fidelement le trait des figures dessinées sur les cartons, sur la surface où l’on doit peindre.

Je vais passer à l’énumération des couleurs, & rapporter ce que l’usage & les bons auteurs nous en apprennent. Je finirai par quelques petits détails de l’exécution, qui ne sont pas sans utilité.

Les couleurs indiquées par plusieurs bons auteurs comme les plus convenables pour peindre à fresque, sont :

Le blanc de chaux. Ce blanc, le meilleur qu’on puisse employer, se mêle aisément avec toutes les autres couleurs. L’usage en est bon & facile, pourvû qu’il soit composé d’excellente chaux éteinte depuis un an ou six mois tout au-moins ; on la délaye avec de l’eau commune ; ensuite on la verse doucement dans un vase ; on y laisse déposer ce blanc, qu’on employe après avoir ôté l’eau qui le couvre.

Quelques auteurs font mention de la poudre faite avec du marbre blanc pilé. On mêle un tiers de cette poudre avec deux tiers de chaux ; mais il est à craindre, si la proportion qui doit varier à cause des différentes qualités de la chaux n’est pas juste, qu’il n’en résulte des inconvéniens : par exemple, si la poudre de marbre est trop abondante, elle fera noircir le blanc plûtôt qu’il ne noirciroit sans cela. Il me semble qu’il résulte de-là, que le blanc composé seulement d’une chaux bien choisie, bien éteinte & gardée long-tems, est le meilleur de tous. Cependant voici une seconde composition de blanc qu’il ne faut pas passer sous silence, en recommandant aux artistes qui auront occasion de peindre à fresque, de faire des essais & de constater les effets qui en résulteront par des notes, qu’ils rendront aisément publiques par la voie des journaux. Ce seroit ainsi que par une convention générale qui n’est pas encore assez établie, mais qu’on ne peut trop recommander, les Arts verroient perfectionner ou s’accroître les moyens qui sont nécessaires à leurs succès.

Le blanc dont je veux parler s’appelle blanc de coquilles d’œufs. On rassemble une grande quantité de ces coquilles, on les pile, on les nettoye en les faisant bouillir dans de l’eau avec un morceau de chaux vive ; on les met dans la chauffe, & on les lave avec de l’eau de fontaine ; on recommence ensuite à les piler pour en composer une poudre encore plus fine, qu’on fait tremper de nouveau jusqu’à ce que l’eau avec laquelle on lave cette poudre soit si claire, qu’elle n’ait aucune empreinte de malpropreté : lorsqu’elle est à ce point, on se sert de la pierre & de la mollette pour broyer cette poudre avec de l’eau commune autant qu’il est nécessaire, & l’on en forme de petits pains, qu’on laisse sécher au soleil. Il faut remarquer que si ces coques restoient trop long-tems dans la même eau, elles exhaleroient une odeur extrèmement fétide & insupportable, que l’on ne pourroit dissiper qu’en les faisant cuire dans un fourneau, après les avoir enfermé dans un vase de terre bien luté.

Le cinnabre. Cette couleur qui a un éclat supérieur

à presque toutes les autres couleurs, a des qualités absolument contraires à la chaux ; on pourroit cependant la risquer dans des endroits renfermés, en usant des moyens que je vais indiquer, pour la préparer de maniere qu’elle se soûtienne plus long-tems. Prenez du cinnabre pur, c’est-à-dire qui ne soit point falsifié ; réduisez-le en poudre ; après l’avoir mis dans un vase de terre, versez-y de cette eau qui bouillonne lorsqu’on éteint de la chaux vive ; ayez soin que cette eau soit la plus claire qu’il sera possible ; jettez-la ensuite en la versant doucement ; réitérez plusieurs fois cette opération : le cinnabre ainsi lavé retiendra de l’eau de chaux une impression qu’il gardera long-tems. Il faut, comme je l’ai dit, observer de bien choisir le cinnabre, & de l’acheter plûtôt en morceaux qu’en poudre ; parce que les marchands qui le pulvérisent, le falsifient souvent avec le minium.

Le vitriol brûlé. Le vitriol romain cuit au fourneau, ce qu’on appelle brûlé, & broyé ensuite à l’esprit-de-vin, réussit très-bien, employé sur la chaux ; il résulte de cette préparation un rouge qui approche de celui que donne la laque : cette couleur est sur-tout très-propre à préparer les endroits que l’on veut colorer de cinnabre ; & les draperies peintes de ces deux couleurs, pourront le disputer à celles qui seront peintes à l’huile avec la laque fine.

La terre rouge. Cette couleur, ainsi que toutes celles qui sont formées avec des terres, est très-bonne pour colorier à fresque. On s’en sert pour les carnations, pour les draperies, & c’est en général une excellente couleur.

L’ochre. L’ochre jaune mis au feu & brûlé dans une boîte de fer, produit un rouge pâle. L’ochre brun, avec la même préparation, devient jaune. Tous les ochres sont d’excellentes couleurs.

Le jaune, que nous appellons jaune de Naples, ou jaune clair, provient d’une espece de crasse qui se forme & qui s’amasse auprès des mines de soufre. Il n’est point, à beaucoup près, aussi solide que les ochres, dont on peut rendre les nuances aussi claires que l’on voudra, en les mêlant avec le blanc de chaux. Je ne crois donc pas prudent de risquer le jaune de Naples, sur-tout au grand air.

Le verd de Veronne ; c’est une terre verte qu’on nomme aussi verd de montagne : cette couleur est d’un très-bon usage ; elle est d’autant plus précieuse, que presque tous les verds qui sont plus composés, sont des couleurs auxquelles on ne doit avoir aucune confiance.

La terre d’ombre. Cette couleur brune & obscure devient plus belle, lorsqu’on a fait calciner dans une boîte de fer : elle est bonne & solide ; on doit cependant observer qu’elle devient plus foncée avec le tems, & qu’on fera bien de mêler en l’employant quelques nuances de blanc de chaux, pour empêcher cet inconvénient.

Le noir de Venise est propre pour la fresque, ainsi que la terre noire de Rome.

Le noir de charbon peut s’employer aussi ; on le compose avec du sarment ou des noyaux de pêches, ou avec des coquilles de noix, de la lie de vin, ou même du papier : tous ces noirs sont bons ; mais il ne faut pas se servir de celui que l’on nomme noir d’os.

L’émail est une couleur bleue, qu’il faut employer avec précaution, mais dont on peut se servir dans la fresque, pourvû qu’on la couche dès les premiers momens & tandis que la chaux est bien humide ; autrement elle ne s’incorpore point avec l’enduit : si l’on retouche avec cette même couleur, il faut le faire au plus une heure après avoir ébauché, afin qu’elle ait de l’éclat.

L’outremer est la plus fidele de toutes les couleurs ; de quelque maniere qu’on l’employe, elle ne change point, elle empêche même les couleurs avec les-