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objet la réduction ou transfiguration des plans, & l’auteur y enseigne principalement à changer en triangle une figure donnée ; ce qu’il exécute pour l’ordinaire fort simplement au moyen de cette proposition, que deux triangles de même base & entre mêmes paralleles, sont égaux. Un coup-d’œil jetté sur les propositions de ce chap. jv. en apprendra plus que tout ce que nous en pourrions dire. Cette réduction ou changement des figures en triangles est fort utile à l’auteur, dans le chapitre v. dont il s’agit principalement ici, pour la division des figures ; & il y fait aussi un grand usage de l’égalité des triangles de même base entre mêmes paralleles. Le chap. vj. a aussi rapport à la matiere dont nous traitons : il a pour titre, comment on peut assembler les plans, les retrancher les uns des autres, & les aggrandir ou les diminuer selon quelque quantité proposée. L’auteur résout les problemes relatifs à cet objet, avec la même élégance que ceux des deux chapitres qui précedent.

Cet ouvrage de M. le Clerc, une des meilleures Géométries pratiques que nous connoissions, est devenu rare ; & les gravûres agréables dont l’auteur l’a accompagné, le rendent assez cher, eu égard à son volume : il seroit à souhaiter qu’on le réimprimât, en supprimant les gravûres pour diminuer le prix du livre ; l’utilité de l’ouvrage, & sa clarté, en assûreroient le débit. L’édition que nous avons sous les yeux, est celle d’Amsterdam, en 1694, qu’on pourroit prendre pour modele. On pourroit même se contenter, pour rendre l’ouvrage encore moins cher, de réimprimer le seul traité de Géométrie sur le terrein ; car la Géométrie pratique qui le précede, & qui est imprimée à Amsterdam en 1691, ne contient rien ou presque rien qu’on ne trouve dans la plûpart des élémens de Géométrie pratique.

Quoique le mot Géodésie ait principalement l’acception que nous lui avons donnée dans cet article, de la science de partager les terres, cependant il se prend aussi assez communément & en général pour la science pratique de la mesure des terreins, soit quant à leur circonférence, soit quant à leur surface ; mais cette derniere science s’appelle encore plus communément arpentage. Voyez Arpentage.

La Géodésie prise en ce dernier sens, le plus étendu qu’on puisse lui donner, n’est proprement autre chose que la Géométrie pratique, dont elle embrasse toutes les parties ; ainsi les opérations géométriques ou trigonométriques nécessaires pour lever une carte, soit en petit, soit en grand, seront en ce dernier sens des opérations de Géodésie, ou pourront être regardées comme telles. C’est pour cette raison que quelques auteurs ont appellé opérations géodésiques, celles qu’on fait pour trouver la longueur d’un degré terrestre du méridien, ou, en général, d’une portion quelconque du méridien de la terre. Ils les appellent ainsi pour les distinguer des opérations astronomiques, que l’on fait pour trouver l’amplitude de ce même degré. Voyez Degré, Figure de la Terre, Géographie, Géographique, &c. (O)

GÉODÉSIQUE, adj. (Géométrie prat.) se dit de tout ce qui appartient à la Géodésie ; ainsi on dit mesure géodésique, opération géodésique : & comme on a vû au mot Géodésie, que ce mot peut avoir différentes acceptions plus ou moins étendues, il s’ensuit que le mot géodésique a aussi différentes acceptions relatives à celles-là. (O)

GÉOGRAPHE, s. m. se dit d’une personne versée dans la Géographie, & plus particulierement de ceux qui ont contribué par leurs ouvrages au progrès de cette science. Voyez Géographie. On trouve à cet article la liste des Géographes les plus célebres. Ceux qui publient des cartes dans lesquelles il n’y a rien de nouveau, & qui ne font que copier quelquefois assez mal les ouvrages des autres, ne

méritent pas le nom de géographes ; ce sont de simples éditeurs. (O)

GÉOGRAPHIE, s. f. (Ordre encycl. Entend. Rais. Philosophie ou Sciences, Sciences de la Nature, Mathém. Mathem. mixtes, Astron. Cosmogr. Géograph.) composé de deux mots grecs, γῆ, terre, & γράφειν, peindre. La Géographie est la description de la terre. L’on ne sait guere à quel tems cette science peut remonter dans l’antiquité. Il est naturel de penser que si les premiers hommes frappés de l’éclat des astres ont été excités à en observer les cours différens, ils n’auront pas eu moins de curiosité à connoître la terre qu’ils habitoient. Ce qu’il y a de certain, c’est que les peuples qui ont eu le plus de réputation, ont reconnu l’utilité de la Géographie : en effet sans elle il n’y eût eu ni commerce étendu ni navigation florissante ; elle servit aux conquérans & aux généraux célebres, comme aux interpretes des écrivains sacrés & profanes ; elle guida toûjours l’historien & l’orateur : florissante avec les Arts, les Sciences, & les Lettres, elle s’est trouvée toûjours marcher à leurs côtés dans leurs transmigrations. Née, pour ainsi dire, en Egypte comme les autres beaux arts, on la vit successivement occuper l’attention des Grecs, des Romains, des Arabes, & des peuples occidentaux de l’Europe.

La premiere carte dont parlent les auteurs anciens, s’il faut les en croire sur des tems si éloignés, est celle que Sesostris le premier & le plus grand conquérant de l’Egypte, fit exposer à son peuple pour lui faire connoître, dit-on, les nations qu’il avoit soûmises & l’étendue de son empire, dont les embouchures du Danube & de l’Inde faisoient les bornes.

L’on reconnoît encore l’antiquité de la Géographie dans les descriptions des livres de Moyse le plus ancien des historiens, né en Egypte, & élevé à la cour par la propre fille du roi. Ce chef du peuple de Dieu & son successeur Josué ne s’en tinrent pas à des descriptions historiques, lorsqu’ils firent le partage de la terre promise aux douze tribus d’Israël. Josephe & les plus habiles interpretes de l’Ecriture, assûrent qu’ils firent dresser une carte géographique de ce pays.

La navigation contribua beaucoup aux progrès de la Géographie. Les Phéniciens les plus habiles navigateurs de l’antiquité fonderent un grand nombre de colonies en Europe & en Afrique, depuis le fond de l’Archipel ou de la mer Ægée jusqu’à Gades. Ils avoient soin d’entretenir ces colonies pour conserver & même augmenter leur commerce. Le besoin que nous avons de connoître les pays où nous faisons des établissemens, doit faire croire que cette connoissance leur étoit indispensable : la nécessité a presque toûjours été l’origine de la plûpart des sciences & des arts.

Il faut convenir que quelqu’antiquité que l’on puisse donner à la Géographie, elle fut long-tems à devenir une science fondée sur des principes certains. C’est dans la suite que les Grecs asiatiques réunissant les lumieres des astronomes chaldéens & des géometres d’Egypte, commencerent à former différens systèmes sur la nature & la figure de la terre. Les uns la croyoient nager dans la mer comme une balle dans un bassin d’eau ; d’autres lui donnoient la figure d’une surface plate, entre-coupée d’eau : mais en Grece des philosophes plus conséquens jugerent qu’elle formoit avec les eaux un corps sphérique.

Thalès le Milesien fut le premier qui travailla sur ce dernier système ; il construisit un globe, & représenta sur une table d’airain la terre & la mer. Selon plusieurs auteurs, Anaximandre disciple de Thalès est le premier qui ait figuré la terre sur un globe. Hécatée, Démocrite, Eudoxe & autres adopterent les plans ou cartes géographiques, & en rendirent l’usage fort commun dans la Grece.