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quel il y a plusieurs choses qui ont rapport au mot Fond. Article de M. Watelet.

Fond, en Architecture, se dit du terrein qui est estimé bon pour fonder. Le bon & vif fond est celui dont la terre n’a point été éventée, & qui est de bonne consistance : on appelle aussi fond une place destinée pour bâtir.

Fond d’ornemens, se dit du champ sur lequel on taille ou on peint des ornemens, comme armes, chiffres, bas-reliefs, trophées, &c. (P)

* Fond, en terme de Batteur d’or ; c’est une liqueur composée de vin blanc & d’eau-de-vie en quantité proportionnée ; un demi-septier d’eau-de-vie, par exemple, sur trois pintes de vin ; de deux onces de poivre ; de deux gros de muscade, autant de gérofle & de cannelle ; enfin de la meilleure colle de poisson. Quand tout cela s’est réduit en bouillant à une certaine quantité dépendante de celle de tous ces ingrédiens, on en enduit les feuilles des outils avec une éponge sur une planche de bois, & on les fait sécher sur des toiles neuves ; les vieilles étant remplies d’un duvet avec lequel le fond s’incorporeroit.

Fond, en terme de Bijoutier ; c’est proprement la partie plate inférieure d’une boîte, qui jointe à la bate, forme la cuvette.

* Fond, en terme de Blondier ; c’est proprement le réseau, ou ce qui sert d’assiette aux grillages & aux toiles. Nous avons dit que ces fonds étoient composés de points plus ou moins fins selon la qualité des blondes, tantôt de point d’Angleterre, tantôt de celui de Malines, &c. Voyez Grillages & Toiles.

Fond, (Cizelure.) On dit mettre une médaille en fond. Voyez Gravure sur l’acier.

Fond, (Jardin.) se peut dire d’une terre : il se prend aussi pour la partie la plus basse d’une tulipe. (K)

Fond, en termes de Marchand de modes ; est une piece de gaze, de mousseline, de dentelle, &c. dont deux angles sont arrondis, qui sert à couvrir le reste du bonnet piqué, sur lequel le bavolet & la piece de dessous n’étoient pas parvenues. Voyez Bavolet. On attache les fonds avec des épingles.

Fond, en terme de Planeur ; c’est cette partie plate qui fait le centre d’une assiete ou autre piece de vaisselle. Il se trace au compas, & se termine où le bouge commence.

* Fond d’or ou Fond d’argent, étoffe de soie en or ou argent. Cette étoffe est un drap dont le fond est toûjours tout or ou tout argent : on en fait aussi à ramages en argent sur l’or, & à ramages en or sur les fonds d’argent avec des nuances mêlées : il s’en fabrique aussi dont les desseins sont destinés à être tout or ou tout argent sans mélange d’or avec l’argent.

Cette étoffe se fait avec deux chaînes ; l’une pour le corps de l’étoffe qui se travaille en gros-de-Tours : l’autre, qu’on appelle poil, & qui sert à passer une soie avec laquelle on accompagne les dorures : ensuite, en faisant valoir ce même poil, on broche les dorures & les nuances, au moyen de l’armure qu’on a disposé selon qu’il convient pour le dessein. Cette étoffe à Lyon est toûjours de onze vingt-quatriemes d’aune. Voyez Étoffe de soie.

Nous avons dit que les fonds d’or se travailloient communément en gros-de-Tours ; mais il s’en fait plus souvent en fond de satin. Cet ouvrage demande un grand détail tant pour l’armure que pour le reste. Voyez ce détail à l’article Brocard.

* Fond, (Rubann.) se dit des chaînes de la livrée qui forment le corps de cette sorte d’ouvrage. Il y a de deux sortes de fonds, l’un appellé gros fond, & l’autre fin fond : le gros fond & la figure levent ensemble sur le pié gauche, & le fin fond sur le pié droit alternativement : le gros fond étant trop épais, ne peut approcher par le coup de battant ; & le coup de fin fond venant après, qui étant bien plus propre

par la finesse des soies qui le composent, à recevoir l’impulsion du battant, rend la liaison plus facile que si les deux pas étoient de gros fond.

* Fond, (faux-) Serrurerie : c’est dans une serrure la piece où le canon est renfermé, comme on voit en RR, Planche de Serrurerie.

FONDALITÉ, (Jurisp.) est le droit de directe qui appartient au seigneur foncier & direct sur un héritage mouvant de lui. La coûtume de la Marche, art. 137. 411. & 415. appelle ainsi le droit de directe. (A)

FONDAMENTAL, adj. terme fort usité dans la Musique moderne : on dit son fondamental, accord fondamental, basse fondamentale ; ce qu’il est nécessaire d’expliquer plus en détail, afin d’en donner une idée précise.

Son fondamental. C’est une vérité d’expérience reconnue depuis long-tems, qu’un son rendu par un corps n’est pas unique de sa nature, & qu’il est accompagné d’autres sons, qui sont, 1°. l’octave au-dessus du son principal, 2°. la douzieme & la dix-septieme majeure au-dessus de ce même son, c’est-à-dire l’octave au-dessus de la quinte du son principal, & la double octave au-dessus de la tierce majeure de ce même son. Cette expérience est principalement sensible sur les grosses cordes d’un violoncelle, dont le son étant fort grave, laisse distinguer assez facilement à une oreille tant-soit-peu exercée, la douzieme & la dix-septieme dont il s’agit. Elles s’entendent même beaucoup plus aisément que l’octave du son principal, qu’il est quelquefois difficile de distinguer, à cause de l’identité d’un son & de son octave, qui les rend faciles à confondre. Voyez Octave. Voyez aussi le premier chapitre de la génération harmonique de M. Rameau, & d’autres ouvrages du même auteur, où l’expérience dont nous parlons est détaillée. On peut la faire aisément sur une des basses cordes d’un clavecin, en frappant fortement la touche, & en retirant brusquement le doigt. Car le son principal s’amortit presque tout d’un coup, & laisse entendre après lui, même à des oreilles peu musicales, deux sons aigus qu’il est facile de reconnoître pour la douzieme & la dix-septieme du son principal.

Ce son principal, le seul qu’on entende quand on ne fait pas attention aux autres, mais qui fait entendre en même tems à une oreille un peu attentive son octave, sa douzieme & sa dix-septieme majeure, est proprement ce qu’on appelle son fondamental, parce qu’il est, pour ainsi dire, la base & le fondement des autres, qui n’existeroient pas sans lui.

Voilà tout ce que la nature nous donne immédiatement & par elle-même dans la résonance du corps sonore ; mais l’art y a beaucoup ajoûté ; & en conséquence, on a étendu la dénomination de son fondamental à différens autres sons. C’est ce qu’il faut développer.

Si on accorde avec le corps sonore deux autres corps, dont l’un soit à la douzieme au-dessous du corps sonore, & l’autre à la dix-septieme majeure au-dessous ; ces deux derniers corps frémiront sans résonner, dès qu’on fera résonner le premier : de plus, ces deux derniers corps en frémissant, se diviseront par une espece d’ondulation, l’un en trois, l’autre en cinq parties égales ; & ces parties dans lesquelles ils se divisent, rendroient l’octave du son principal, si en frémissant elles résonnoient.

Ainsi supposons qu’une corde pincée ou frappée rende un son que j’appellerai ut, les cordes à la douzieme & à la dix-septieme majeure au-dessous frémiront. Or ces cordes sont un fa & un la bémol : de sorte que si ces cordes résonnoient dans leur totalité, on entendroit ce chant, ou plûtôt cet accord, la bémol, fa, ut, dont le plus haut ton ut est à la dix-septieme majeure au-dessus de la bémol, & à la douzieme au-dessus de fa.