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qui la touchent en un plus grand nombre de points, la fondent beaucoup plus vîte que les autres, tout le reste étant égal d’ailleurs. Ainsi la glace fond beaucoup plus vîte sur une assiette d’argent que sur la paume de la main.

M. Haguenot, de la société royale des Sciences de Montpellier, répéta & vérifia plusieurs fois cette expérience en 1729 ; il en fit en même tems plusieurs autres dans ce goût, dont les résultats ne sont pas moins curieux. Il trouva, par exemple, que la glace fondoit plus vîte sur le cuivre que sur aucun autre métal. Assemblée publique de la S. R. des Sciences de Montpellier, du 22 Décembre 1729.

L’efficacité des fluides pour fondre la glace n’est pas moins puissante que celle des solides. La glace redevient plûtôt liquide dans l’eau que dans l’air à la même température, & plus promptement dans de l’eau tiede que près du feu, à une distance où l’on auroit peine à tenir la main. Ajoûtons qu’elle fond aussi plus aisément dans l’air subtil que dans l’air grossier. Selon les observations de M. de Mairan, un morceau de glace qui est six minutes vingt-quatre secondes à fondre à l’air libre, est absolument fondu en quatre minutes dans la machine du vuide. On comprend sans peine que l’air contenu dans la glace fait effort pour en desunir & en séparer les parties : or cet effort est toûjours plus considérable dans le vuide, où il n’est point balancé par la pression de l’air extérieur environnant.

La glace se fond beaucoup plus lentement qu’elle ne s’est formée. La matiere du feu trouve sans doute plus de difficulté à séparer de petites masses liées par une forte cohésion, qu’a s’échapper d’un liquide qui se gele. Quoi qu’il en soit, le fait est constant : de l’eau qui se sera gelée en cinq ou six minutes, ne reprendra sa liquidité qu’au bout de quelques heures, quelquefois même de quelques jours, dans un lieu dont la temperature est au-dessous du terme de la congelation, & où cette eau ne se seroit jamais glacée d’elle-même. C’est sur ceci qu’est fondée l’utile invention des glacieres ; car ce seroit une erreur de s’imaginer qu’à l’endroit le plus profond du creux qu’on fait en terre pour conserver la glace, le froid surpasse toûjours le degré de la congelation : bien loin de-là, l’eau qu’on y porteroit s’y maintiendroit presque toûjours liquide ; mais il suffit que la température des glacieres soit au-moins un peu au-dessus du terme de la congelation : par-là les grosses masses de glace qu’on y a entassées ne se fondent que très lentement, & il en reste toûjours assez pour notre usage.

La destruction de la glace offre quelques-uns des phénomenes remarqués dans sa formation ; ainsi l’on retrouve les filets de glace qui subsistent encore, quand les intervalles qui les séparoient sont dégelés. Les angles de soixante degrés reparoissent aussi dans ces circonstances, mais toutes ces apparences sont rares dans un morceau de glace un peu épais. Au reste l’ordre qui s’observe dans la fonte de la glace, n’est point à tous égards contraire à celui de sa formation. La glace se forme par les bords & par la surface de l’eau : elle commence de même à se détruire par ses bords, par ses pointes, ses angles solides, & ensuite par toute sa surface exposée à l’air.

La glace se fond naturellement par la diminution du froid de l’atmosphere, quand la liqueur du thermometre qui s’étoit abaissée au terme de la congelation & au-dessous, remonte de quelques degrés au-dessus. Ce relâchement du grand froid, cet adoucissement qui résout les glaces & les neiges dans tout un pays est ce qu’on appelle proprement dégel. Voyez Dégel & Gelée.

5o. De la glace artificielle par le moyen des sels. L’art qui imite si souvent la nature, a trouvé le moyen

de se procurer de la glace semblable à celle qui est formée par les causes générales, & dont nous venons de décrire les propriétés. Rien de plus aisé que d’avoir en peu de tems au fort de l’été de cette glace artificielle. Nous avons vû à l’article Froid, qu’on plaçoit pour cet effet dans un vaisseau de capacité & de figure convenable une bouteille remplie de l’eau qu’on vouloit glacer ; qu’on appliquoit ensuite autour de cette bouteille de la glace pilée ou de la neige mêlée avec du salpetre ou du sel commun, ou avec quelqu’autre sel ; que ce mélange entrant de lui-même en fusion, l’eau de la bouteille se refroidissoit de plus en plus à mesure qu’il se fondoit : & qu’enfin elle se convertissoit en glace ; qu’on pouvoit hâter la fusion réciproque de la glace & des sels, & la congelation de l’eau qui en est une suite, en plaçant immédiatement sur le feu le vaisseau qui contient le mélange.

Nous avons fait voir que c’étoit une propriété commune aux sels de toute espece, que celle de fondre la glace & de la refroidir en la fondant ; que non seulement les sels qui sont sous forme seche, mais encore que les esprits acides, tels que ceux de nitre, de sel, &c. les esprits ardens, comme l’esprit-de-vin, &c. opéroient le même effet ; que toutes ces substances mêlées avec la glace donnoient des congelations artificielles, qui, selon la nature & la dose des matieres qu’on avoit employées, différoient les unes des autres & par la force & par la promptitude. Le sel marin, par exemple, est plus efficace que le salpêtre, l’esprit de nitre est plus actif, & produit un degré de froid plus considérable que l’esprit de sel, &c. Nous ne reviendrons plus sur ces différens objets, pour ne pas tomber dans des redites inutiles.

On ne voit rien dans la glace artificielle, qui la distingue de la glace naturelle formée rapidement ; il ne paroît point qu’elle se charge des particules des sels qu’on employe, qui en effet auroient bien de la peine à pénétrer le vaisseau qui la contient.

Si au lieu d’appliquer autour d’une bouteille pleine d’eau un mélange de sel & de glace, on remplit la bouteille de ce même mélange, & qu’on la plonge ainsi dans de l’eau, une partie de cette eau se glacera autour de la bouteille.

Que le mélange soit autour de l’eau, ou que l’eau environne le mélange, la chose est très-indifférente, quant à l’effet qui doit s’ensuivre ; l’essentiel est que le mélange soit plus froid que l’eau d’un certain nombre de degrés : car alors il la convertira facilement en glace par la communication d’une partie de sa froideur.

Ce qu’on observe dans le cas où l’eau entoure le mélange, arrive précisément de la même maniere, lorsqu’on fait dégeler des fruits dans de l’eau médiocrement froide ou dans de la neige qui se fond actuellement ; car il se forme très-promptement autour de leur peau une croûte de glace dure & transparente, & plus ou moins épaisse, selon la grosseur & la qualité du fruit.

Nous avons remarqué à l’article Gelée, que les fruits ou les membres gelés étoient perdus sans ressource, si on les faisoit dégeler trop promptement. C’est la raison pour laquelle on employe ici l’eau médiocrement froide ou la neige, plûtôt que l’eau chaude, qui par la fonte trop subite qu’elle produiroit, détruiroit absolument l’organisation qu’on veut conserver. Voyez Gelée.

On a cherché long-tems les moyens de se procurer de la glace artificielle par les sels tout seuls, sans le secours d’une glace étrangere. Voici comme on y est enfin parvenu. Nous avons parlé ailleurs (voyez Froid) de la propriété qu’ont les sels, principalement le sel ammoniac, de refroidir l’eau, où ils sont dissous sans la glacer. Si donc on a de l’eau déjà froi-