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Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 7.djvu/877

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, où un travail forcé & une épargne outrée ne sont pas même des ressources pour se procurer de l’argent. Quand les denrées sont cheres, & quand les revenus & les gains augmentent à proportion, on peut par des arrangemens économiques, diversifier les dépenses, payer des dettes, faire des acquisitions, établir des enfans, &c. C’est dans la possibilité de ces arrangemens que consiste l’aisance qui résulte du bon prix des denrées. C’est pourquoi les villes & les provinces d’un royaume où les denrées sont cheres, sont plus habitées que celles ou toutes les denrées sont à trop bas prix, parce que ce bas prix éteint les revenus, retranche les dépenses, détruit le Commerce, supprime les gains de toutes les autres professions, les travaux & les salaires des artisans & manouvriers : de plus il anéantit les revenus du Roi, parce que la plus grande partie du Commerce pour la consommation se fait par échange de denrées, & ne contribue point à la circulation de l’argent ; ce qui ne procure point de droits au roi sur la consommation des subsistances de ces provinces, & très-peu sur les revenus des biens.

Quand le Commerce est libre, la cherté des denrées a nécessairement ses bornes fixées par les prix mêmes des denrées des autres nations qui étendent leur commerce par-tout. Il n’en est pas de même de la non-valeur ou de la cherté des denrées causées par le défaut de liberté du Commerce ; elles se succedent tour à tour & irrégulierement, elles sont l’une & l’autre fort desavantageuses, & dépendent presque toûjours d’un vice du gouvernement.

Le bon prix ordinaire du blé qui procure de si grands revenus à l’état, n’est point préjudiciable au bas peuple. Un homme consomme trois septiers de blé : si à cause du bon prix il achetoit chaque septier quatre livres plus cher, ce prix augmenteroit au plus sa dépense d’un sou par jour, son salaire augmenteroit aussi à proportion, & cette augmentation seroit peu de chose pour ceux qui la payeroient, en comparaison des richesses qui résulteroient du bon prix du blé. Ainsi les avantages du bon prix du blé ne sont point détruits par l’augmentation du salaire des ouvriers ; car alors il s’en faut beaucoup que cette augmentation approche de celle du profit des fermiers, de celle des revenus des propriétaires, de celle du produit des dixmes, & de celle des revenus du roi. Il est aisé d’appercevoir aussi que ces avantages n’auroient pas augmenté d’un vingtieme, peut-être pas même d’un quarantieme de plus le prix de la main-d’œuvre des manufactures, qui ont déterminé imprudemment à défendre l’exportation de nos blés, & qui ont causé à l’état une perte immense. C’est d’ailleurs un grand inconvénient que d’accoûtumer le même peuple à acheter le blé à trop bas prix ; il en devient moins laborieux, il se nourrit de pain à peu de frais, & devient paresseux & arrogant ; les laboureurs trouvent difficilement des ouvriers & des domestiques ; aussi sont-ils fort mal servis dans les années abondantes. Il est important que le petit peuple gagne davantage, & qu’il soit pressé par le besoin de gagner. Dans le siecle passé où le blé se vendoit beaucoup plus cher, le peuple y étoit accoûtumé, il gagnoit à proportion, il devoit être plus laborieux & plus à son aise.

Ainsi nous n’entendons pas ici par le mot de cherté, un prix qui puisse jamais être excessif, mais seulement un prix commun entre nous & l’étranger ; car dans la supposition de la liberté du commerce extérieur, le prix sera toûjours réglé par la concurrence du commerce des denrées des nations voisines.

Ceux qui n’envisagent pas dans toute son étendue la distribution des richesses d’un état, peuvent objecter que la cherté n’est avantageuse que pour les vendeurs, & qu’elle appauvrit ceux qui achetent ;

qu’ainsi elle diminue les richesses des uns autant qu’elle augmente celles des autres. La cherté, selon ces idées, ne peut donc pas être dans aucun cas une augmentation de richesses dans l’état.

Mais la cherté & l’abondance des productions de l’Agriculture n’augmentent-elles pas les profits des cultivateurs, les revenus du roi, des propriétaires, & des bénéficiers qui joüissent des dixmes ? ces richesses elles-mêmes n’augmentent-elles pas aussi les dépenses & les gains ? le manouvrier, l’artisan, le manufacturier, &c. ne font-ils pas payer leur tems & leurs ouvrages à proportion de ce que leur coûte leur subsistance ? Plus il y a de revenus dans un état, plus le Commerce, les manufactures, les Arts, les Métiers, & les autres professions deviennent nécessaires & lucratives.

Mais cette prospérité ne peut subsister que par le bon prix de nos denrées : car lorsque le gouvernement arrête le débit des productions de la terre, & lorsqu’il en fait baisser les prix, il s’oppose à l’abondance, & diminue les richesses de la nation à proportion qu’il fait tomber les prix des denrées qui se convertissent en argent.

Cet état de bon prix & d’abondance a subsisté dans le royaume tant que nos grains ont été un objet de Commerce, que la culture des terres a été protégée, & que la population a été nombreuse ; mais la gêne dans le commerce des blés, la forme de l’imposition des subsides, le mauvais emploi des hommes & des richesses aux manufactures de luxe, les guerres continuelles, & d’autres causes de dépopulation & d’indigence, ont détruit ces avantages ; & l’état perd annuellement plus des trois quarts du produit qu’il retiroit il y a un siecle, de la culture des grains, sans y comprendre les autres pertes qui résultent nécessairement de cette énorme dégradation de l’Agriculture & de la population. Art. de M. Quesnay le fils.

Pour ne point rendre cet article trop long, nous renvoyons à Nielle ce qui concerne les maladies des grains.

Grains de Paradis, ou grand Cardamome. Voyez Cardamome.

Grain de fin, (Chimie. Métall.) petit bouton de fin qu’on retire du plomb, de la litharge, ou du verre de plomb, &c. qui doivent servir à coupeller l’argent : on l’appelle encore le témoin & le grain de plomb ; derniere expression qui répond à l’idiome allemand qui exprime la même idée.

Si l’on met du plomb marchand seul sur une coupelle, & qu’on l’y traite comme si l’on affinoit de l’argent, on trouve pour l’ordinaire à la fin de l’opération un petit point blanc, qui est le fin que contenoit ce plomb : mais cette quantité, pour si petite qu’elle soit, se trouve avec le culot qui est formé par le coupellement de l’argent avec le plomb, & l’augmente de poids : il faut donc trouver un moyen de l’en défalquer dans la pesée du bouton de fin ; sans quoi on tomberoit dans l’erreur. Pour cela, on scorifie à part la même quantité de plomb qu’on a employée pour l’essai, & on le coupelle pour en avoir le témoin. On met ce témoin dans le plateau des poids avec lesquels on pese le culot ; & par ce moyen en ne comptant que les poids, on soustrait celui du témoin du bouton de fin qui a reçû du plomb la même quantité d’argent étranger à la mine essayée.

C’est ainsi qu’on se dispense des embarras du calcul & des erreurs qu’il peut entraîner. On peut être sûr que le bouton de fin a reçû la même accrétion de poids, puisque le plomb & sa quantité sont les mêmes ; il y a pourtant certaines précautions à prendre pour garder cette exactitude : il faut grenailler à la fois une certaine quantité de plomb, & mêler le résultat avec un crible, parce que l’argent ne se distribue pas uniformément dans toute la masse du