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varie ; elle est communément d’une partie sur trois de terre ; on retire le mélange de la fosse pour le marcher ou fouler avec les piés, il en devient plus homogene. Quand il est marché, on le paîtrit avec les mains, ensuite on fabrique des vaisseaux sur le tour du potier de terre ; on pese la terre selon l’espece de vaisseau qu’on veut tourner. On fait secher au soleil le vaisseau tourné ; on a soin d’en varier l’exposition de maniere que la dessication s’en fasse également ; sans cette attention, sa forme s’altérera. Quand il est séché, on le fait cuire pendant trois jours & trois nuits. Le fourneau qui sert à la cuisson est oblong ; son âtre va toûjours en montant de son entrée vers le fond, & son diametre en diminuant du bas en haut ; sa chaleur en devient plus vive & plus uniforme. Le foyer est au-dessous de l’âtre ; il est placé à l’entrée du fourneau, & n’a qu’environ deux piés de largeur : la gueule n’a pas plus d’un pié & demi de hauteur sur environ six piés de longueur ; vers le fond, le sommet est percé d’une ouverture qui sert de cheminée : on remplit le fourneau de pots jusqu’à cette ouverture.

On dit que des vaisseaux faits avec cette terre ou grais de Normandie, composée d’un quart d’os calcinés, d’environ trois quarts de terre, & d’un neuvieme de sable, supporteront la plus grande violence du feu, & le refroidissement le plus subit, même l’immersion dans l’eau.

On peut aussi, selon le mémoire que nous analysons, substituer avec succès aux os calcinés la chaux, le plâtre, les coquilles, &c. L’auteur prétend encore qu’on peut sans inconvénient supprimer entierement l’addition de sable, parce que le grais dont il s’agit n’en contient déjà que trop.

Grais, c’est ce que les Miroitiers-Lunetiers appellent ordinairement du nom de meule ; ils n’employent communément que celles de Lorraine, qui sont également bonnes pour leurs ouvrages, quoiqu’inférieures à celles d’Angleterre : c’est sur ce grais qu’ils dressent & arrondissent les bords de verres de leurs lunettes, pour les placer dans la rainure des châsses. Voyez Chasse. Dictionn. de Commerce.

GRAISIVAUDAN, pagus Gratianopolitanus, (Géog.) c’est-à-dire le territoire de Grenoble ; c’est un pays de France dans le Dauphiné, dont Grenoble est la capitale ; il s’étend entre les montagnes le long de l’Isere & du Drac ; il est borné au N. O. par le Viennois, au N. & N. E. par la Savoie, à l’est par le Briançonnois, par le Gapençois, & au S. E. par l’Embrunois ; ce pays n’a reconnu que les rois de Bourgogne, & sous leur autorité les évêques de Grenoble, jusqu’en l’an 1040 ou environ. Il est baigné par l’Isere, la Romagne, & le Drac. (D. J.)

GRAISSE, s. f. (Econom. anim. Medecine.) on entend vulgairement par ce terme la substance onctueuse, de consistence fluide ou molle, qui se trouve non-seulement dans les cavités du tissu cellulaire, sous presque toute l’étendue des tégumens de la surface du corps de l’homme & de la plûpart des animaux, mais encore dans les cellules des membranes qui enveloppent les muscles, qui pénetrent dans l’interstice des fibres musculaires, dans les paquets de cellules membraneuses dont sont couverts plusieurs visceres, tels que les reins, le cœur, les intestins, & principalement dans le tissu cellulaire des membranes qui forment le mésentere, l’épiploon, & ses dépendances. Voyez Cellulaire (tissu), Membrane, Épiploon, &c.

Les Medecins distinguent deux sortes de graisse ; l’une est celle dont la substance séparée de la masse des humeurs, sous forme d’huile tenue, perd peu de sa fluidité dans les cavités où elle se ramasse ; elle y conserve toûjours une sorte de mouvement progressif qui la fait passer d’une cellule dans une autre, &

ne se fige presque point étant exposée à l’air froid ; ce suc graisseux est appellé par les Grecs στέαρ, & par les Latins pinguitudo ou pinguedo ; au lieu que ceux-là donnent le nom de ἀζούγγια ou ἀζούγγιον, & ceux-ci celui d’adeps, sebum, ou sevum, à cette espece de graisse qui a une consistence presque solide, qui n’est pas susceptible de se liquéfier aisément, soit par la chaleur ou le mouvement de l’animal, soit par l’effet du feu ; elle ne se renouvelle que très-lentement dans les cellules où elle est ramassée, & elle se fige à l’air froid, au point de prendre une sorte de dureté. C’est cette derniere sorte de graisse, qui étant tirée du corps des bœufs, des moutons, des chevres, &c. est distinguée par le nom de suif. Voy. Suif. On se sert cependant du mot adeps pour désigner toute sorte de graisse, & on nomme membrane adipeuse indistinctement toute membrane dont les cellules contiennent ou sont destinées à contenir de la graisse, sous quelque forme qu’elle soit.

On observe que la moëlle, qui ne differe guere de la graisse par sa nature, est aussi de différente espece par rapport à sa consistence : celle qui est dans les cellules osseuses des extrémités des os longs ou dans celles des os plats, est toûjours sous forme fluide, coulante comme de l’huile ; au lieu que dans les grandes cavités des os longs, elle a plus de consistence ; elle y est sous une forme presque solide, comme la graisse de la seconde espece. Voyez Moelle.

Dans quelque partie du corps animal que l’on trouve de la graisse, elle se présente toûjours renfermée dans des cellules membraneuses de figure ovale & un peu applaties, selon la remarque de Malpighi ; les cavités de ces cellules ont toutes de la communication entre elles : les cellules elles-mêmes sont disposées de maniere qu’elles forment des couches, des enveloppes dans certaines parties ; dans d’autres, elles sont entassées & forment comme des pelotons. Dans ces différentes dispositions, elles sont également renfermées dans des membranes extérieures qui les soûtiennent, & terminent l’étendue de leurs aggrégés. Tout ce composé forme les membranes adipeuses, qui sont d’une épaisseur & d’un volume plus ou moins grands selon le nombre & la capacité des cellules, & selon qu’elles sont plus ou moins remplies de la substance onctueuse qui forme la graisse ; elles sont flasques & comme affaissées dans les sujets maigres.

Si on expose à l’action du feu une portion de membrane adipeuse bien pleine de graisse, lorsqu’elle est fondue & au point de bouillir, les cloisons membraneuses qui forment les cellules se rompent & laissent s’écouler un fluide qui paroît huileux, & qui lorsqu’il est encore chaud, est onctueux au tact ; il ne peut point être mêlé avec l’eau, & y surnage ; il est susceptible de s’enflammer & de nourrir la flamme ; en se refroidissant il perd sa fluidité & prend de la consistence à-peu-près comme le beurre, & peut devenir même beaucoup plus ferme selon les animaux d’où il est tiré.

De tout cela on ne peut que conclure que la graisse est évidemment de la nature des huiles grasses ; à quoi M. Cartheuser, dans sa matiere médicale, de unguinoso oleis & pinguibus, ajoûte qu’outre la substance huileuse il s’y trouve encore une substance terreuse acide, qui donne à la graisse froide la consistance qu’elle est susceptible de prendre : ensorte que la solidité plus ou moins grande dépend du plus ou du moins de cette derniere substance qui s’y trouve mêlée. Il donne pour fondement de cette assertion, d’après l’expérience rapportée dans les mém. de l’académie des Sciences de Paris, 1719, ce qui arrive lorsqu’on mêle un sel ou un esprit acide avec de l’huile d’olives ou d’amandes douces, & qu’on les met un peu en digestion ; savoir que ces huiles étant ensuite