Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 8.djvu/182

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Tertulien, saint Jérôme, saint Epiphane, saint Chrysostôme, Théophilacte, & plusieurs autres peres de l’église, considérant que ce nom vient d’Hérode, ont cru qu’il avoit été donné par les évangelistes à ceux d’entre les Juifs, qui reconnoissoient Hérode le grand pour le messie ; mais il n’y a point d’apparence que, plus de trente ans après la mort d’Hérode, il y eût des Juifs qui regardassent ce prince comme le messie, & toute la nation se réunissoit à en avoir une idée bien différente pendant qu’il vécut.

Casaubon, Scaliger, & autres critiques remplis d’érudition dans l’antiquité profane, ont imaginé que les Hérodiens pouvoient être quelque confrairie érigée en l’honneur d’Hérode, comme on vit à Rome des Augustaux, des Hadrianaux, des Antoniniens en l’honneur d’Auguste, d’Hadrien, d’Antonin, établis après leur mort ; cependant une pareille confrairie eût fait trop de bruit pour que la connoissance en eût échappé à l’historien Josephe. Celle d’Auguste, qu’on nomma sodales Augustales, est la premiere dont l’histoire parle ; elle ne fut point empruntée des nations étrangeres, & ne servit pas sûrement de modele à une confrairie semblable en faveur d’Hérode, qui étoit mort depuis long-tems. Je me hâte donc de passer à des opinions mieux fondées.

Ce qui est dit des Hérodiens dans l’Evangile, semble assez marquer, que c’étoit une secte parmi les Juifs, laquelle différoit des autres sectes dans quelques points de la loi & de la religion judaïque ; car ils sont nommés avec les Pharisiens, & en même tems ils en sont distingués ; il est dit des Hérodiens qu’ils avoient un levain particulier, c’est-à-dire, quelque dogme contraire à la pureté du christianisme, & propre à en gâter la pâte ; la même chose est aussi dite des pharisiens. Jesus-Christ avertit ses disciples de se garder des uns & des autres. Puisque notre Sauveur appella le système des Hérodiens, le levain d’Hérode, il faut qu’Hérode soit l’auteur des opinions dangereuses qui caracterisent ses partisans ; les Hérodiens étoient donc des sectateurs d’Hérode, &, selon les apparences, c’étoient pour la plûpart des gens de sa cour, des gens qui lui étoient attachés, & qui desiroient la conservation du commandement dans sa famille.

Aussi la version syriaque, par-tout où il se trouve le nom d’Hérodiens, le rend par celui de domestiques d’Hérode, & cette remarque est très-importante. La version syriaque a été faite de bonne heure pour l’usage de l’église d’Antioche. Ceux qui y ont travaillé, touchoient au tems où cette secte avoit pris naissance, & avoient par-là l’avantage de connoître mieux que personne son origine.

Mais quels dogmes avoit cette secte ? Nous parviendrons à les découvrir, en examinant en quoi son chef différoit du reste de la nation ; car sans doute ce sera-là pareillement la différence de ses sectateurs d’avec les autres Juifs.

Il y a deux articles sur lesquels Hérode & les Juifs ne s’accordoient pas ; le premier, en ce qu’il assujettit la nation à l’empire des Romains ; le second, en ce que par complaisance pour ces mêmes Romains & pour obtenir leur protection, il introduisit sans scrupule dans ses états plusieurs de leurs usages & de leurs rites religieux.

Du commandement rapporté au chap. xvij. du Deutéronome, v. 15. « Tu établiras sur toi un d’entre tes freres pour roi, & non pas un étranger. » nation juive en général & sur-tout les Pharisiens en concluoient qu’il n’étoit pas permis de se soumettre à l’empereur romain, & de lui payer tribut ; mais Hérode & ses sectateurs interprétant le texte du Deutéronome d’un choix libre, & non pas d’une

soumission forcée, soutenoient qu’ils n’étoient point dans le cas défendu par la loi : voilà pourquoi les Pharisiens & les Hérodiens tendirent le piége à Jesus-Christ, de lui demander s’il étoit permis ou non de payer le tribut à César ; notre Sauveur, qui connut leurs mauvaises intentions, confondit les uns & les autres par la sage réponse qu’il leur fit.

Cependant cette réponse étant une approbation de la conduite des Hérodiens sur cet article, ce ne peut pas être là le levain d’Hérode, dont Jesus-Christ recommandoit à ses disciples de se donner de garde. Il faut donc que ce soit leur seconde opinion ; savoir, que quand une force majeure l’ordonne, on peut sans scrupule faire les actes d’idolatrie qu’elle prescrit, & se livrer au torrent ; il est certain qu’Hérode suivoit cette maxime ; &, selon les apparences, pour justifier sa conduite, il inculqua les mêmes principes à tous ceux qui lui étoient attachés, & forma la secte des Hérodiens. Josephe nous apprend que ce prince tout dévoué à Auguste, fit bien des choses défendues par la loi & par la religion des Juifs ; qu’entr’autres fautes, il bâtit des temples pour le culte du paganisme, & qu’il s’excusa vis-à-vis de sa nation par la nécessité des tems ; excuse qui néanmoins n’empêcha pas qu’on ne le traitât quelquefois de demi-juif.

Les Hérodiens, ses sectateurs, étoient des demi-juifs comme lui, des gens qui professoient à la vérité le judaïsme, mais qui étoient également très-disposés à se prêter à d’autres cultes dans le besoin. Les Saducéens qui ne connoissoient que le bien-être de la vie présente, adopterent aussi l’hérodianisme, & c’est pour cela que l’Ecriture les confond ensemble ; car les mêmes personnes qui sont appellés Hérodiens dans saint Matthieu ch. xvj. sont nommés Saducéens dans saint Marc ch. viij. v. 15.

Au reste, la secte des Hérodiens s’évanouit après la mort de notre Seigneur ; ou, ce qui est plus vraissemblable, elle perdit son nom avec le partage des états d’Hérode. (D. J.)

HÉROINE, s. f. (Gram.) fille ou femme qui a les vertus des héros, qui a fait quelque action héroïque. Voyez Héros.

HÉROIQUE, adj. (Littérat.) qui appartient au héros ou à l’héroïne. Voyez Héros.

On dit action héroïque, vertu héroïque, style héroïque, vers héroïque, poésie héroïque, tems héroïque, &c.

Les tems héroïques sont ceux dans lesquels on suppose qu’ont vécu les héros, ou ceux que les poëtes ont appellé les enfans des dieux. Voyez Age.

Les tems héroïques sont les mêmes que les fabuleux. Voyez Fabuleux.

Poëme héroïque est celui dans lequel on décrit quelque action ou entreprise extraordinaire. Voyez Poeme.

Homere, Virgile, Stace, Lucain, le Tasse, le Camouens, Milton, & de Voltaire ont fait des poëmes héroïques. Voyez Iliade, Enéide, Henriade.

Le poëme héroïque est dans ce sens le même que le poëme épique. Voyez Epique.

Poésie héroïque. Voyez Poésie Epique.

Les vers héroïques sont ceux dont les poëmes héroïques sont composés. Voyez Vers.

Les vers héxametres grecs & latins sont aussi appellés héroïques, parce que Homere & Virgile n’en ont point employé d’autres. Voyez Héxametre.

Horace a dit de cette espece de vers :

Res gestæ regumque ducumque, & tristia bella,
Quo scribi possent numero monstravit Homerus.

Art poët.

On appelloit autrefois les vers alexandrins de douze syllabes vers héroïques, parce qu’on croyoit