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Lac ou Las, (Maréchalerie.) cordage avec un nœud coulant destiné à abattre un cheval auquel on veut faire quelque opération. On appelle aussi las un cordage qui entre dans l’assemblage des machines qui servent à coupler les chevaux qu’on conduit en voyage.

Lac, (Soirie.) partie du métier d’étoffe de soie. Le lac est fait d’un gros fil qui forme d’un seul bout plusieurs boucles entrelacées dans les cordes du semple, voyez Semple & Soie, & qui tiennent à la gavassine, voyez Gavassine. La poignée de boucles s’appelle le lac. Quand la tireuse, voyez Tireuse, amene le lac à elle, elle amene aussi toutes les cordes de semple qu’elle doit tenir ; ces cordes sont comprises dans le lac. Voilà le lac ordinaire. Le lac à l’angloise est un entrelacement de fil qui prend toutes les cordes du semple les unes après les autres, pour aider à la séparation des prises quand on fait les lacs ordinaires. Le fil de lac a trois bouts, est fort ; il arrête par l’entrelacement suivi les cordes que la lisseuse a retenues avec l’embarbe, voyez Lire & nos Pl. de Soirie.

Lacs, (Rubannier.) ce sont des ficelles attachées aux marches, & qui de même sont attachées aux lames pour les faire baisser. On peut raccourcir ou allonger les lacs selon le besoin, au moyen d’un nœud pratiqué contre la marche ; il est à propos de dire ici que dans les ouvrages extrêmement lourds, c’est-à-dire sur lesquels il y a beaucoup de charge, ce qui rend le pas très-rude à lever, il faudroit que les lacs fussent doublés, afin que si pendant le travail l’un venoit à casser, l’autre du moins soutienne le fardeau ; précaution d’autant plus nécessaire, qu’on éviteroit par-là des accidens funestes qui souvent estropient les ouvriers. Voyez les Pl. de passementier-Rubanier.

Lac coulant, (Chasse.) ce sont des filets de corde ou de léton qu’on tend dans les haies, sillons, rigoles ou passages étroits, avec un nœud coulant dans lequel le gibier qui vient à passer se prend. Voyez les Pl. de pêche.

Lac, (Pêche.) piége qu’on tend aux oiseaux de mer. Les pêcheurs du bourg de l’Eguillon, dans le ressort de l’amirauté de Poitou ou des Sables d’Olonne, font la pêche des oiseaux marins de la maniere suivante. Ils plantent dans les marigots ou petites marres qui restent à la côte de basse mer, deux petits piquets de tamarins de deux à trois piés de haut qu’ils enfoncent dans les vases ; il y a une ficelle qui arrête les piquets par le haut ; au milieu de cette ficelle, pend un lac ou nœud coulant de crin ; les oiseaux marins de toute espece, qui sentent le flux & le reflux, restent communément autour des marres pour s’y nourrir de chevrettes & autres petits poissons du premier âge que la marée a laissés, & se prennent dans ces lacs tendus à fleur d’eau jusqu’à deux, trois, quatre, cinq cens, mille par pêche. Les nuits obscures sont favorables ; on ne réussit point aux clairs de lune. Il arrive quelquefois que les oiseaux emportent les lacs avec eux. Les pêcheurs ne ramassent leur prise qu’après que la marée s’est tout-à-fait retirée. Cette pêche ne commence qu’à la toussaint, & finit aux environs du carnaval.

LACCOS, λάκκος, (Antiq. greq.) espece de creux, de fossé, qui tenoit lieu d’autel chez les Grecs, quand ils sacrifioient aux dieux infernaux. Potter, Archæol. græc. lib. II. c. ij. tome I. p. 192. (D. J.)

LACÉDÉMONE, (Géog.) voilà cette ville si célebre de l’ancienne Grece, au Péloponèse, située sur la rive droite ou occidentale de l’Eurotas. C’est dans cette ville, dit Terpandre, que regne la valeur, mere de la victoire, la musique mâle qui l’inspire, & la justice qui soutient la gloire de ses armes. Quoiqu’elle fût quatre fois moins grande qu’Athenes, elle l’égaloit en puissance, & la surpassoit en

vertu ; elle demeura six cent ans sans murailles, & se crut assez fortifiée par le courage de ses habitans. On la nomma d’abort Sparte, & ensuite Lacédémone. Homere distingue ces deux noms : par Lacédémone, il entend la Laconie ; & par Sparte, il entend la capitale de ce pays-là. Voyez donc Sparte, où nous entrerons dans les détails.

Nous marquerons l’état présent de cette ville au mot, Misitra, qui est le nom moderne, & nous aurons peut-être bien des choses à y rapporter.

Consultez, si vous voulez, sur l’ancien état du pays le mot Laconie, & sur son état actuel, le mot Maina (Brazo di).

Enfin, pour ce qui regarde la république de Lacédémone, son gouvernement, ses lois, le caractere, le génie, les mœurs & le mérite de ses citoyens, on verra dans l’article suivant, combien nous en sommes admirateurs. (D. J.)

Lacédémone, république de, (Hist. de Grece.) république merveilleuse, qui fut l’effroi des Perses, la vénération des Grecs, & pour dire quelque chose de plus, devint l’admiration de la postérité, qui portera sa gloire dans le monde, aussi loin & aussi long-tems que pourra s’étendre l’amour des grandes & belles choses.

Il semble que la nature n’ait jamais produit des hommes qu’à Lacédémone. Par-tout le reste de l’univers, le secours des sciences ou des lumieres de la religion, ont contribué à discerner l’homme de la bête. A Lacédémone on apportoit en naissant, si l’on peut parler ainsi, des semences de l’exacte droiture & de la véritable intrépidité. On venoit au monde avec un caractere de philosophe & de citoyen, & le seul air natal y faisoit des sages & des braves. C’est-là que, par une morale purement naturelle, on voyoit des hommes assujettis à la raison, qui, par leur propre choix, se rangeoient sous une austere discipline, & qui soumettant les autres peuples à la force des armes, se soumettoient eux-mêmes à la vertu : un seul Lycurgue leur en traça le chemin, & les Spartiates y marcherent sans s’égarer pendant sept ou huit cens ans : aussi je déclare avec Procope, que je suis tout lacédémonien. Lycurgue me tient lieu de toutes choses ; plus de Solon ni d’Athenes.

Lycurgue étoit de la race des Héraclides ; l’on sait assez précisément le tems où il fleurissoit, s’il est sûr, comme le prétend Aristote, qu’une inscription gravée sur une planche de cuivre à Olympie, marquoit qu’il avoit été contemporain d’Iphitus, & qu’il avoit contribué à la surséance d’armes qui s’observoit durant la fête des jeux olympiques. Les Lacédémoniens vivoient encore alors comme des peuples barbares ; Lycurgue entreprit de les policer, de les éclairer & de leur donner un éclat durable.

Après la mort de son frcre Polydecte, roi de Lacédémone, il refusa la couronne que lui offroit la veuve, & qui s’engageoit de se faire avorter de l’enfant dont elle étoit grosse, pourvu qu’il voulût l’épouser. Pensant bien différemment de sa belle-sœur, il la conjura de conserver son enfant, qui fut Léobotés ou Labotés ; &, selon Plutarque Charilaüs ; il le prit sous sa tutelle, & lui remit la couronne quand il eut atteint l’âge de majorité.

Mais dès le commencement de sa régence il exécuta le projet qu’il avoit formé, de changer toute la face du gouvernement de Lacédémone, dans la police, la guerre, les finances, la religion & l’éducation ; dans la possession des biens, dans les magistrats, dans les particuliers, en un mot, dans les personnes des deux sexes de tout âge & de toute condition. J’ébaucherai le plus soigneusement que je pourrai ces choses admirables en elles-mêmes & dans leurs suites, & j’emprunterai quelquefois des