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lavoit la pierre dans une fontaine, l’enveloppoit pieusement, & la portoit dans son sein. Après cette préparation qui rendoit la pierre animée, pour l’exciter à parler, il la prenoit à la main, & faisoit semblant de la vouloir jetter. Alors elle jettoit un cri semblable à celui d’un enfant qui desire le lait de sa nourrice. Helenus profitant de ce moment, interrogeoit la pierre sur ce qu’il vouloit savoir, & en recevoit des réponses certaines : c’est sur ces réponses qu’il prédit la ruine de Troie sa patrie.

Dans ce qui nous reste des prétendus oracles de Zoroastre, il est mention d’une pierre que Pline nomme astroite, qu’il faut offrir en sacrifice, dit Zoroastre, lorsqu’on verra un demon terrestre s’approcher. Delrio & Psellus appellent cette pierre mizouris, minzouris, & minsuris, & ajoutent qu’elle avoit la vertu d’évoquer les génies & d’en tirer les réponses qu’on souhaitoit ; mais les poëmes d’Orphée & de Zoroastre sont des ouvrages supposés : cherchons donc dans des sources plus certaines des traces de la lithomancie.

On en trouve dans l’Ecriture au livre du Lévitique, chap. xxvj. vers. 1. où Moïse défend aux Israélites d’ériger des pierres pour objet de leur culte. La vulgate porte insignem lapidem, quelques-uns croyent qu’il faut in signum lapidem, & que c’est une faute des copistes, car la version des septante porte λιθος σκοπον, c’est-à-dire à la lettre, lapidem signum : ce qu’on peut aussi entendre de la défense que Moïse fit aux Israélites d’adorer les pierres. Mais il y a apparence que les Chananéens & les Phéniciens consultoient les pierres comme des oracles ; & ces pierres ainsi divinisées, sont connues dans toute l’antiquité sous le nom de bœtiles ou pierres animées qui rendoient des oracles. Voyez Bœtiles. Mem. de l’acad. des Inscript. tom. VI. pag. 514. 525. & 531. Delrio, Disquisit. magiq. lib. IV. ch. xj. quæst. vij. sect. 1. pag. 555. On rapporte encore à la lithomancie la superstition de ceux qui pensent que la pierre précieuse qu’on nomme amethiste, a la vertu de faire connoître à ceux qui la portent, les événemens futurs par les songes.

LITHOMARGA, (Hist. nat.) nom donné par quelques auteurs à une espece de craie ou de marne, que Wallerius regarde comme formée par la décomposition de la stalactite : elle est pierreuse.

LITHONTRIPTIQUE, adj. (Thérapeut.) médicament qui a la vertu de briser les pierres renfermées en différentes cavités du corps humain, & spécialement dans la vessie urinaire. Voyez Pierre, Chimie & Thérapeutique. (b)

Lithontriptique, de Tulpius, (Mat. medic.) nom d’un fameux diurétique imaginé par Tulpius docteur en médecine, & bourg-mestre d’Amsterdam. C’est un mélange de mouches cantharides & de graine du petit cardamome ; mais quoique ce remede ait été donné quelquefois avec un grand succès dans les maux de reins & dans la gravelle, il requiert beaucoup de lumieres & de prudence, de la part des médecins qui tenteroient de l’employer. Voici, suivant M. Homberg (Mem. de l’acad. des Scienc. ann. 1709.) la préparation de ce remede, que Tulpius ne divulguoit pas, de peur qu’on n’en fît usage à contre-tems.

Prenez une dragme de cantharides sans les aîles, & une dragme du petit cardamome (cardamomi minoris) sans les gousses ; pulverisez-les ; versez ensuite dessus une once d’esprit de vin rectifié, & demi-once d’esprit de tartre ; laissez-les en infusion froide pendant cinq ou six jours, en les remuant de tems en tems. Il ne faut pas boucher exactement la phiole, car elle se casseroit par la fermentation perpétuelle qui s’y fait. La dose est depuis quatre jusqu’à quinze ou vingt gouttes dans un véhicule convenable, com-

me dans deux onces d’eau distillée de quelque plante

apéritive, une heure après avoir avalé un bouillon, l’on prendroit ce remede trois ou quatre jours de suite, en observant un bon régime.

Le singulier de cette mixture de Tulpius, c’est qu’elle ne cesse point de fermenter durant plusieurs années. Si on bouche un peu fortement la phiole qui la contient, elle éclate en morceaux ; si on la bouche foiblement, elle fait sauter le bouchon avec explosion.

M. Homberg a éprouvé que cette liqueur a toujours travaillé pendant plus de deux ans, & qu’elle ne s’est jamais clarifiée parfaitement, même après l’avoir séparée par inclination de dessus ses féces.

Le sel d’urine ou l’alkali volatil qui se trouve dans les cantharides, est vraissemblablement si fort enveloppé des matieres huileuses & des autres parties de cet insecte, que l’acide quoique mineral ne peut l’atteindre qu’à la longue, & qu’il se fait pendant tout ce tems-là une ébullition continuelle. La même chose arrive à peu près de l’esprit de nitre avec la cochenille & avec la chair seche de viperes ; mais les substances liquides animales, comme l’urine ou la liqueur de la vésicule du fiel, font avec les mêmes acides des ébulitions très-promtes & très-peu durables. (D. J.)

LITHOPHAGE, s. m. (Hist. nat. Insectolog.) petit ver qui s’engendre dans la pierre, & qui y vit en la rongeant. Il y en a de plusieurs especes : on en a trouvé de vivans & de morts entre les lits de la pierre la plus dure. D’autres ont une petite coquille fort tendre, de couleur verdâtre & cendrée : on apperçoit les traces du lithophage dans l’ardoise où il s’est creusé un chemin, lorsqu’elle étoit encore molle.

LITHOPHYTE, s. m. (Hist. nat.) lithophyton, production d’insecte de mer que l’on a regardée presque jusqu’à présent comme une plante, & qui porte encore le nom de plante marine. Il est vrai que les lithophytes ressemblent beaucoup aux plantes ; ils ont une tige, des branches, des rameaux, &c. Si on les coupe transversalement, on voit à l’intérieur des couches concentriques, une écorce, &c. Cependant les lithophytes appartiennent au regne animal ; ils sont produits par des insectes, comme les gâteaux de cire sont l’ouvrage des abeilles : au lieu de racines, ils ont une base adhérente à un rocher, à un caillou, à une coquille, ou à tout autre corps solide qui se rencontre à l’endroit où les insectes commencent leur édifice : ils l’élevent peu à peu & le ramifient. Les lithophytes sont recouverts d’une écorce molle & poreuse : chaque pore est l’ouverture d’une cellule dans laquelle reside un insecte. Cette écorce est de différentes couleurs dans diverses especes de lithophytes : il y en a de blancs, de jaunes, de rougeâtres, de pourprés, &c. M. Tournefort en rapporte vingt-huit especes dans ses institutions botaniques. Après avoir enlevé l’écorce du lithophyte, on trouve une substance qui a rapport à celle de la corne, lorsqu’elle est bien polie & d’un beau noir, on lui donne improprement le nom de corail noir. Il y a des lithophytes qui forment une sorte de rézeau. Voyez Pannache de mer, & Plante marine.

LITHOPHOSPHORE, s. m. (Hist. nat.) nom donné par quelques naturalistes à une espece de spath qui après avoir été calciné doucement dans le feu, a comme bien d’autres pierres, la propriété de luire dans l’obscurité. La pierre de Bologne est une pierre de la même nature. Le lithophosphorus suhlensis ou de Suhla, dans le comté d’Henneberg en Thuringe, est un spath violet ou pourpre. Ces sortes de pierres sont calcaires ; ainsi, si on les calcinoit trop fortement, elles se changeroient en chaux, & ne seroient plus phosphoriques. Voyez Phosphore.