Page:Du Camp - Paris, tome 2.djvu/20

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tage. Les vins que l’on donne dans l’Anjou et l’Orléanais à un sou la mesure, se vendent vingt et vingt-quatre dans la Picardie et la Normandie ; — pour une pistole que le roi reçoit, il en conte dix-neuf au peuple : ce sont ces dix neuf-là qu’il faut lui rendre. » Et il ne demande pour le peuple que la permission de labourer et de faire le commerce. « Les paysans, dit Vauban, arrachent les vignes et les pommiers à cause des aides et des douanes provinciales ; le sel est tellement hors de prix qu’ils ont renoncé à élever des porcs, ne pouvant conserver leur chair. » Tous deux établissent d’une manière péremptoire que l’impôt est progressif en sens inverse ; moins on possède, plus on paye : une ferme rapportant quatre mille livres est taxée à dix écus ; une ferme de quatre cents livres est côtée à cent écus.

Quel remède à tant de maux ? Un seul : l’égalité devant l’impôt, égalité appuyée sur la liberté des transactions, sur l’abolition de toutes les entraves fiscales apportées à la culture et à la circulation des denrées alimentaires. L’idée n’était point mûre sans doute, car elle fut repoussée avec dédain ; elle avait encore quatre-vingts ans à attendre avant d’être imposée par la nation même. Boisguillebert, pour prix de ces conseils, fut exilé. Quant au Projet de dime royale, condamné par arrêt du conseil en date du 14 février 1707 à être détruit par la main du bourreau, il fut brûlé au pilori de la place de Grève : le coup fut dur pour Vauban, il ne put le supporter, et mourut six semaines après (30 mars).

Ces deux humbles héros qui les premiers avaient osé parler pour le pauvre peuple de France allaient être vengés d’une façon terrible ; leurs prévisions furent cruellement justifiées par l’hiver de 1709, qui amena une épouvantable famine. Comme les lois punissaient ceux qui achetaient plus de blé que leur consommation n’en exigeait, il n’y avait de réserve nulle part ; comme une