Page:Du Camp - Paris, tome 2.djvu/21

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récente ordonnance avait doublé les droits de passage pour les céréales, rien n’était arrivé à Paris, qui se trouvait littéralement sans pain. Le 3 mars, les femmes de la Halle partirent pour aller elles-mêmes porter leurs plaintes à Versailles, montrer leurs enfants mourants et demander à manger ; elles furent arrêtées au pont de Sèvres et ramenées à Paris tambour battant ; mais la tradition de cette échauffourée resta vivante : on s’en souviendra aux journées d’octobre 1789.

Lorsque le dauphin venait à l’Opéra ou allait courir le loup à Marly, il était entouré par des bandes affamées qui criaient misère, et dont il ne se débarrassait qu’en leur faisant jeter de l’argent. On ordonna des perquisitions pour trouver les blés cachés ; mais on n’en découvrit pas, la disette était absolue. Les soldats de la garnison de Versailles mêmes sortaient en armes pour mendier et pillaient le pays. Les gens riches faisaient escorter leur pain par la maréchaussée. Que décidait le parlement pour remédier à tant de désastres ? Il défendait de faire des gâteaux et de l’amidon. On eût été bien empêché, la farine manquait.

Quant au gouvernement, perdu au milieu de ses propres réglementations, il ne savait à quoi se résoudre. Les paysans, aussitôt qu’ils avaient pu, avaient semé de l’orge et de l’avoine ; mais on fit détruire cette récolte à peine sortie de terre, parce qu’elle poussait sur un sol qui aurait dû être ensemencé de blé. Un ordre si barbare et si stupide fut heureusement mal exécuté, sans doute par suite de la complaisante connivence des agents de l’autorité, et les grains que l’on obtint servirent à faire ce pain de disette que la cour elle-même fut forcée de ne pas dédaigner, le 20 août, on se battit à Paris, tant la misère y était aiguë ; il y eut des morts ; sans M. de Boufflers, qui très-courageusement se jeta au milieu de l’émeute et parvint à la calmer, on ne sait trop com-