Page:Du Camp - Paris, tome 2.djvu/296

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Jamais telles facilités n’avaient été offertes au négoce, qui se hâtait d’en profiter.

Malheureusement le succès grisa Law, il engloba la banque dans la Compagnie d’Occident et voulut mettre en pratique le fameux système, rêverie socialiste autoritaire par excellence, qui devait amener la banque à être l’unique dispensatrice de tout crédit, de toute richesse, de tout travail. Pour satisfaire les besoins factices qu’on venait de créer, pour répondre aux demandes d’une spéculation chauffée à blanc, on émit une quantité folle d’actions, actions-mères, actions-filles, actions-petites filles. Pareille fureur d’agiotage ne s’était jamais vue[1]. Les grands seigneurs marchaient en tête de cette armée pleine de convoitises malsaines : le comte de Horn, un parent du Régent, assassinait en plein jour, rue Quincampoix ; à la fin de février 1720, le duc de Conti fait enlever 14 millions d’or à la Banque, et, le 2 mars, le duc de Bourbon en retire 25. Pour remédier à une catastrophe imminente, on arrive, non pas seulement à vouloir imposer le cours forcé de ce papier qui, de minute en minute, perdait de sa valeur, mais à interdire la circulation des espèces métalliques, à défendre de placer des fonds à l’étranger, et même à prohiber l’achat des diamants ou de la vaisselle plate.

Quand une institution en est là, elle est morte, et nul pouvoir ne saurait la ressusciter. Le désastre fut immense. On n’en riait pas moins, et l’esprit parisien n’abdiquait pas au milieu d’un tel cataclysme. Comme au-dessus de l’hôtel de la Compagnie[2] on avait gravé deux L

  1. « Ces jours cy (1719) on a dû envoyer des gardes chez les tailleurs pour les forcer à travailler aux habits du roy. » Tous les tailleurs avaient déserté les ateliers et étaient occupés à l’agio. Voir Revue des Deux-Mondes, 1er janvier 1872, p 194, Une marquise sous la Régence, correspondance manuscrite de 1704 à 1725. Charles Aubertin, renvoi aux manuscrits de la Bibliothèque Mazarine, n° 2790.
  2. Ancien hôtel de Nevers, annexé aujourd’hui à la Bibliothèque impé-