C’est grâce aux dispositions à la fois très-précises et très-réservées qui ont présidé à sa fondation, grâce à la sagesse expérimentée de ses fondateurs, grâce à ce gouvernement constitutionnel dont le fonctionnement régulier ne s’est pas ralenti une minute, que la Banque a pu traverser des heures singulièrement douloureuses. Elle a vu s’écrouler des trônes, elle a assisté à l’anéantissement du crédit public, à la disparition des espèces métalliques, elle a été englobée dans des crises financières qui troublaient les États et ruinaient les particuliers, rien n’a pu paralyser son action, ni même affaiblir son mécanisme. Semblable à ces vieilles fées qui, dans les circonstances exceptionnelles, savent conjurer le danger à force de sagesse et de prudence, elle a su faire face à tout avec ses seuls billets, qui sont un talisman dont la puissance dépasse celle des baguettes enchantées.
À un seul jour de notre histoire, elle crut tout perdu et désespéra. En 1814, la veille de l’entrée des alliés, la Banque fut saisie de panique, et pendant que sur la place Vendôme on jetait au feu les drapeaux enlevés jadis à l’ennemi, elle brûlait ses billets sous l’impulsion irréfléchie de Jacques Laffitte. Un si profond désarroi ne pouvait durer, il n’était point digne d’hommes qui avaient su aborder de front toute difficulté ; ils reprirent vaillamment la direction du navire qui portait Paris et sa fortune, ils payèrent à caisse ouverte, et par cette ferme mesure ne contribuèrent pas peu à rendre la confiance aux plus timorés. Trente-quatre ans plus tard, une nouvelle crise aiguë et pleine de périls devait fondre sur la Banque. On se rappelle encore l’atonie inconcevable qui suivit la révolution de Février 1848. L’industrie, le commerce, la finance étaient tombés dans un état comateux qui ressemblait de bien près à la mort. Les clairvoyants avaient beau prêcher la confiance, on