vivait dans une sorte d’inquiétude somnolente dont on ne parvenait pas à sortir. Le bureau du change de l’Hôtel des Monnaies regorgeait de gens effarés qui venaient vendre leurs couverts, et la cour de la Banque était encombrée de personnes réclamant, aux termes de la loi, des espèces contre leurs billets. La Banque paya sans désemparer, malgré l’agio sur l’or, qui était monté à 70 francs ; mais la réserve métallique s’épuisait. La loi du 10 juin d 847, en autorisant la Banque à émettre des billets de 200 francs, dont la création était depuis bien longtemps réclamée par le commerce, avait multiplié les signes de la monnaie fiduciaire qui, pour ainsi dire, se trouvait entre toutes les mains. Le péril était grand et pouvait conduire tout droit à une catastrophe.
Le gouvernement de la Banque et le gouvernement provisoire discutèrent la question, et en vertu du vieil adage : « Aux grands maux les grands remèdes ! » un décret du 15 mars 1848, évitant de prononcer les mots de cours forcé, décida que les billets de la Banque de France seraient reçus comme monnaie légale par les caisses publiques et les particuliers. L’article 4 du même décret disait en outre : « Pour faciliter la circulation, la Banque de France est autorisée à émettre des coupures, qui toutefois ne pourront être inférieures à 100 francs. » Il ne manqua pas de gens qui crièrent aux assignats et prédirent la banqueroute. Ces prophètes malavisés en furent pour leurs sinistres clameurs. Non seulement la Banque ne sombra pas, mais, en 1849, ses billets faisaient prime, et elle prêtait à tout le monde avec la générosité d’une Cybèle dont rien ne peut tarir l’inépuisable fécondité : le 5 juin 1848, au Trésor, 150 millions ; le 24 du même mois, 10 millions à la ville de Paris ; le 29 décembre, à Marseille, 3 millions ; le 5 janvier 1849, 5 millions au département de la Seine.
Cette mesure extrême de décréter le cours forcé eut