dans la main, c’est fort léger, 1 644 grammes, et à l’œil ça figure à peu près le volume d’un gros in-octavo. Il y a quatre ou cinq ans, un tanneur de Dijon ayant dit que le budget représentait, en billets de banque, la hauteur du clocher de Saint-Bénigne, fut traduit en police correctionnelle sous l’inculpation de propos séditieux. Devant le tribunal, il soutint son opinion avec vigueur et fut acquitté. Les juges ont montré de l’esprit, et, de plus, ils ont implicitement reconnu que le prévenu n’avait pas tort. Mille billets de 1 000 francs, placés à plat, ont précisément 10 centimètres de haut. En donnant au budget deux milliards en chiffres ronds, les billets de banque qui le composent, superposés les uns sur les autres, atteindraient une hauteur de 200 mètres ; or, d’après l’Annuaire du Bureau des longitudes, la tour de Saint-Bénigne n’a que 92 mètres 09 centimètres ; le tanneur de Dijon était donc bien au-dessous de la vérité.
Quoique la caisse principale soit amplement fournie, de manière à faire face aux nécessités, même exceptionnelles de chaque jour, il arrive parfois qu’elle se trouve inopinément dépourvue, et qu’on est obligé d’aller puiser dans la grande réserve qui est déposée dans les caves. Les caves de la Banque ! ce sont là les cinq mots magiques qui ouvrent un horizon sur le pays des Mille et une Nuits. On pense involontairement aux contes de madame d’Aulnoy : « Toc, toc, fit la duchesse Grognon, et il sortit du tonneau un millier de pistoles ; toc, toc, et il sort un boisseau de doubles louis d’or ; toc, toc, il sort tant de perles et de diamants que la terre en était toute couverte. » On s’imagine que dans ces souterrains, qui devraient, comme le trésor des Niebelungen, être gardés par des génies, les pièces d’or et les écus d’argent sont jetés en tas ainsi que l’avoine dans les greniers. Il n’en est rien et il faut en rabattre.